14/10/2014

Samba : le digne successeur d' "Intouchables"

3,5 / 5

Comment faire suite au succès retentissant d’Intouchables, aussi bien en France qu’à l’étranger ? Avec Samba, Eric Tolédano et Olivier Nakache répondent d’une façon idéale, en faisant une proposition à même de satisfaire le public qui avait été séduit par leur précédent film tout en évitant le risque de la redite. En adaptant le roman de Delphine Coulin Samba pour la France, les cinéastes choisissent une nouvelle fois le terrain de la comédie sociale. Le choix d’introduire le personnage d’Alice (Charlotte Gainsbourg) absent de l’œuvre d’origine permet en outre de reproduire la formule narrative d’Intouchables, à savoir le rapprochement de deux individus en dépit de leurs différences de statut. Lors de son premier jour de travail dans une association qui vient en aide aux sans-papiers, Alice rencontre donc Samba (Omar Sy) qui risque l’exclusion du territoire français.



L’intelligence de Nakache et Tolédano est de retarder le développement de la relation qui se noue entre les deux protagonistes de Samba, évitant ainsi l’écueil du remake mal déguisé d’Intouchables. On suit donc d’abord séparément Samba « emprisonné » dans un camp de sans-papiers et Alice qui se familiarise avec sa tâche de bénévole. Les cinéastes savent trouver le ton juste dans cette première partie et font preuve d’avantage de finesse d’écriture que dans Intouchables qui alternait parfois machinalement scènes dramatiques et vannes d’Omar Sy. La description du quotidien des bénévoles parvient ainsi à incorporer de l’humour à partir d’une situation dramatique, en jouant de la barrière de la langue dans les échanges avec les sans-papiers. De façon globale, le récit des déconvenues possibles des immigrés donne au métrage une authenticité qui le rapproche du documentaire social, et une telle ambition dans un film destiné au grand public ne peut être que saluée.

Si Samba propose un récit plus ambitieux que Intouchables, il y perd un peu de l’efficacité de son prédécesseur. On peut discuter de l’utilité narrative des seconds rôles incarnés par Tahar Rahim et  Izïa Higelin, contrepoint assez faible au couple  formé par Alice et Samba. Mais cette impression tient aussi à l’interprétation irréprochable du duo d’acteurs principaux. Charlotte Gainsbourg, toute en grâce fragile et en maladresses, provoque l’empathie immédiate du spectateur. Quant à Omar Sy, il livre une composition plus que convaincante  dans un registre à l’opposé du Driss extraverti et charmeur de Intouchables qui lui avait valu le César du meilleur acteur. Véritable rôle de la maturité, le sénégalais Samba permet à l’acteur de prouver qu’il est plus qu’un comique sympathique  au rire communicatif.




Au-delà de sa tonalité qui mêle habilement éléments comiques et dramatiques, la réussite de Samba tient, comme pour Intouchables, à une réalisation soignée qui change de la mise en scène plate plate et approximative de comédies à succès telles que Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ? Certes le plan séquence d’ouverture qui passe du spectacle d’une salle de cabaret à la plonge en cuisine a quelque chose d’un peu démonstratif et tape-à-l’œil, mais malgré quelques effets inutiles le métrage possède une élégance indéniable. La meilleure illustration de cette esthétique soignée est sa bande originale. Les morceaux de Ludovico Einaudi, déjà compositeur sur Intouchable, accompagnent avec délicatesse le désarroi social ou affectif de Samba et Alice.  

Cependant le sommet formel de Samba reste une belle séquence  qui annonce le rapprochement imminent des deux protagonistes au son de « To Know You Is To Love You» de Syreeta et Stevie Wonder. C’est la nuit : Alice seule dans son appartement pense à Samba, tandis que ce dernier gardien de nuit arpente les couloirs d’un couloir d’un centre commercial vide.  Puis il se met à jouer avec les éléments du décor, à danser sur la musique extérieure au récit dans un élan d’euphorie. On pense alors au Chaplin des Temps Modernes, gardien de nuit glissant sur ses patins à roulettes. Parce qu’il retrouve par moments ce charme là, on souhaite à Samba un succès à la hauteur de celui d’Intouchables.

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