Critique publiée sur le site Paris la Douce
19/04/2017
15/01/2017
2016 en 10 films (2/2)
5 / Réparer les vivants
Katell Quillévéré s’était déjà montré ambitieuse avec son précédent film, Suzanne, un drame familial qui
s’étendait sur une vingtaine d’années. L’adaptation du best-seller de Maylis de
Kerangal sur la greffe d’organes lui offre l’occasion de s’atteler à un récit
aux points de vue multiples. La cinéaste s’en sort avec une maîtrise bluffante,
aussi à l’aise dans des passages à la mise en scène poétique et lyrique que
dans des segments au style plus réaliste. Les scènes d’opération du film font
partie de ce que le cinéma a proposé de plus fort cette année.
4/ Spotlight
Récompensé l’année dernière des Oscars du
meilleur film et du meilleur scénario original, le film de Tom McCarthy
représente effectivement le cinéma américain à son meilleur. Film dossier
retraçant une enquête journalistique, Spotlight
est passionnant de bout en bout. D’une densité et d’une clarté admirables, ce
récit inspiré d’une histoire vraie est porté par des héros ordinaires campés
par des acteurs à l’engagement exceptionnel. Instructif et émouvant, le film
propose une réflexion essentielle sur le fonctionnement et le rôle des médias
papiers à l’ère du numérique et d’internet.
3/ La loi de la jungle
Comédie et cinéma d’auteur français faisaient décidément bon ménage cette
année. Justine Triet a fait le choix de l’élégance, Antonin Peretjatko celui de
la loufoquerie et de l’aventure, dans la continuité esthétique de son premier
long La fille du 14 juillet. Il en
résulte le film le plus jubilatoire de l’année, un hybride entre Jean-Luc Godard, L’homme de Rio et le burlesque des ZAZ (Y a-t-il un pilote dans l’avion, Y a-t-il un flic…). En nouvelle
Tarzan, Vimala Pons est tout simplement phénoménale, d’une sensualité et d’une
fantaisie renversantes.
2/ Mademoiselle
Après un détour par les Etats-Unis un peu décevant, c’est avec bonheur que
l’on retrouve tout le brio et la fougue artistique de Park Chan-Wook dans Mademoiselle. Le roman de l’anglaise
Sarah Waters lui permet aussi de se renouveler, en proposant un drame
romantique et féministe plus apaisé que sa trilogie de la vengeance. Splendeur
de la mise en scène, beauté et intensité des acteurs, intrigue riche à
rebondissements multiples, tout est accompli dans ce film baroque qui offre du
pur plaisir cinématographique.
1/ Toni Erdmann
Sensation du dernier festival de Cannes, le film de l’allemande Maren Ade
est l’expérience de cinéma la plus marquante de l’année. Rien de bien original à
priori dans cette histoire de réconciliation entre un père et sa fille, et
pourtant la cinéaste livre au final une œuvre imprévisible et atypique, capable
de nous faire rire comme pleurer. Finement écrit et mis en scène, Toni Erdmann nous cueille petit à petit,
et sa réflexion sur la nature du bonheur nous poursuit bien après que nous
l’ayons vu. La réussite de ce métrage à la force discrète tient pour beaucoup à
son duo d’acteurs à la palette de jeu impressionnante qui n’aurait pas volé un
double prix d’interprétation.
07/01/2017
2016 en 10 films (1/2)
10 / Ce sentiment de l’été
Auteur discret, Mikhaël Hers a néanmoins fait preuve depuis une dizaine
d’années d’une rare sensibilité pour filmer les états d’âme. Avec Ce sentiment de l’été, son cinéma
intimiste prend une nouvelle ampleur en nous proposant de suivre ses
personnages sur trois étés et trois pays. Cette temporalité du récit permet au
réalisateur de traiter les thèmes du deuil et de la reconstruction avec une
justesse saisissante. Anders Danielsen Lie (vu dans Oslo, 31 aout) et Judith Chemla (une des grandes découvertes de
l’année, aussi à l’affiche d’Une vie)
incarnent avec finesse des protagonistes auxquels on s’attache comme rarement
au cinéma.
9 / Guibord s’en va-t-en guerre
Sorti sans grand bruit cet été, le film de Philippe Falardeau aurait mérité
bien plus d’attention. En marchant dans les pas de Frank Capra, le cinéaste
québécois signe une fable qui combine acuité satirique et profonde générosité.
Les tribulations d’un ancien joueur de hockey devenu politicien indépendant et
de son stagiaire haïtien ne manquent pas de fantaisie, mais posent surtout de
véritables questions sur le monde de la politique. Trépidante et engagée, cette
comédie savoureuse est le « feel good movie » de l’année.
8 / Victoria
Après un premier long métrage, La
bataille de Solférino, dont la forme brute évoquait John Cassavetes, on ne
s’attendait pas à ce que Justine Triet livre un film d’une telle classe
formelle. Victoria lorgne du côté de
la comédie sophistiquée à la Woody Allen ou Howard Hawks, mais dépasse au final
ces illustres influences pour se lover dans un spleen au charme tenace.
Portrait touchant d’une femme moderne et dynamique qui s’épuise à rechercher un
épanouissement professionnel et personnel, Victoria
est d’une contemporanéité remarquable. En état de grâce, Virginie Elfira est
d’une drôlerie irrésistible.
7 / Brooklyn Village
Les privilégiés de Cannes ont pu voir Après
le tempête de Hirokazu Koreeda en mai dernier, mais pour le commun des cinéphiles
il faudra attendre avril prochain pour découvrir cette nouvelle œuvre du plus
délicat des cinéastes contemporains. Heureusement, le bouleversant Brooklyn Village d’Ira Sachs nous a
permis de retrouver un peu de l’ambiance propre au cinéaste japonais. Dans un
New York ensoleillé, ce récit d’une amitié naissante entre deux adolescents qui
rencontre l’obstacle d’un conflit financier entre leurs deux familles propose
un regard à la fois tendre et lucide sur la liberté de l’enfance et les responsabilités
de l’âge adulte. Sachs se garde bien de donner raison à l’un ou à l’autre de
ses personnages, et ils en gagnent une complexité et une profonde humanité.
Cette pépite douce amère, servie par un casting d’exception, saura émouvoir
parents comme enfants.
6 / Baccalauréat
6 / Baccalauréat
Récompensé en 2007 de la Palme d’Or pour 4 mois, 3 semaines, 2 jours, le roumain Cristian Mungiu aura du
cette année se contenter d’un prix de la mise en scène partagé avec Olivier
Assayas. Baccalauréat aurait tout
aussi bien pu recevoir une distinction pour son scénario, tant le sujet et la
forme du film sont complémentaires pour donner une des expériences
cinématographiques les plus prenantes de l’année. Savamment construit, ce drame
psychologique se regarde comme un film policier aux retournements de situation
multiples, avec un véritable suspens quant à l’issue du récit. Tableau sans
concession de la société roumaine mais aussi réflexion plus large sur les relations
entre parents et enfants, Baccalauréat offre
une richesse thématique admirable sans jamais perdre de sa tension dramatique.
30/11/2016
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