5 / Réparer les vivants
Katell Quillévéré s’était déjà montré ambitieuse avec son précédent film, Suzanne, un drame familial qui
s’étendait sur une vingtaine d’années. L’adaptation du best-seller de Maylis de
Kerangal sur la greffe d’organes lui offre l’occasion de s’atteler à un récit
aux points de vue multiples. La cinéaste s’en sort avec une maîtrise bluffante,
aussi à l’aise dans des passages à la mise en scène poétique et lyrique que
dans des segments au style plus réaliste. Les scènes d’opération du film font
partie de ce que le cinéma a proposé de plus fort cette année.
4/ Spotlight
Récompensé l’année dernière des Oscars du
meilleur film et du meilleur scénario original, le film de Tom McCarthy
représente effectivement le cinéma américain à son meilleur. Film dossier
retraçant une enquête journalistique, Spotlight
est passionnant de bout en bout. D’une densité et d’une clarté admirables, ce
récit inspiré d’une histoire vraie est porté par des héros ordinaires campés
par des acteurs à l’engagement exceptionnel. Instructif et émouvant, le film
propose une réflexion essentielle sur le fonctionnement et le rôle des médias
papiers à l’ère du numérique et d’internet.
3/ La loi de la jungle
Comédie et cinéma d’auteur français faisaient décidément bon ménage cette
année. Justine Triet a fait le choix de l’élégance, Antonin Peretjatko celui de
la loufoquerie et de l’aventure, dans la continuité esthétique de son premier
long La fille du 14 juillet. Il en
résulte le film le plus jubilatoire de l’année, un hybride entre Jean-Luc Godard, L’homme de Rio et le burlesque des ZAZ (Y a-t-il un pilote dans l’avion, Y a-t-il un flic…). En nouvelle
Tarzan, Vimala Pons est tout simplement phénoménale, d’une sensualité et d’une
fantaisie renversantes.
2/ Mademoiselle
Après un détour par les Etats-Unis un peu décevant, c’est avec bonheur que
l’on retrouve tout le brio et la fougue artistique de Park Chan-Wook dans Mademoiselle. Le roman de l’anglaise
Sarah Waters lui permet aussi de se renouveler, en proposant un drame
romantique et féministe plus apaisé que sa trilogie de la vengeance. Splendeur
de la mise en scène, beauté et intensité des acteurs, intrigue riche à
rebondissements multiples, tout est accompli dans ce film baroque qui offre du
pur plaisir cinématographique.
1/ Toni Erdmann
Sensation du dernier festival de Cannes, le film de l’allemande Maren Ade
est l’expérience de cinéma la plus marquante de l’année. Rien de bien original à
priori dans cette histoire de réconciliation entre un père et sa fille, et
pourtant la cinéaste livre au final une œuvre imprévisible et atypique, capable
de nous faire rire comme pleurer. Finement écrit et mis en scène, Toni Erdmann nous cueille petit à petit,
et sa réflexion sur la nature du bonheur nous poursuit bien après que nous
l’ayons vu. La réussite de ce métrage à la force discrète tient pour beaucoup à
son duo d’acteurs à la palette de jeu impressionnante qui n’aurait pas volé un
double prix d’interprétation.