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Hollywood
aurait-il perdu la capacité d’imaginer des concepts originaux pour ses
blockbusters? Le cinéma américain grand
public creuse en effet deux sillons de façon intensive : d’une part les
adaptations multiples de toutes les franchises de « comics » imaginables
(avec même des exemples « reboots » à dix ans d’intervalle, pour Spiderman, Superman ou Les 4
fantastiques à venir) ; d’autre part, les remakes des films culte des années 80 (tous les films de
John Carpenter vont y passer) ou la reprise de licences dormantes (Die Hard, Terminator, Alien). Film
culte au potentiel super-héroïque, RoboCop
allait fatalement avoir droit à ce traitement.
Sorti
en 1987, RoboCop est le deuxième film
du hollandais Paul Verhoeven aux Etats-Unis. L’auteur y trouvait la formule
qu’il appliquerait à une série de films dans les années 90, parmi lesquels Total Recall, Basic instinct ou Starship
Troopers : franc-tireur et iconoclaste, il s’y est livré à une satire
mordante de la société américaine et de sa censure. Derrière l’image attrayante
d’un policier robot conçu pour le public enfant et adolescent se cachait en
fait un film à la violence traumatisante (l’exécution sadique du héros avant sa
transformation), dénonçant l’indifférence de médias manipulateurs et
l’immoralité de dirigeants capitalistes sans scrupules. La réussite du film
tenait à l’équilibre entre ce contexte satirique et la quête d’humanité touchante
de RoboCop / Alex Murphy, assisté d’une collègue policier.
Après
le succès commercial considérable de RoboCop,
deux suites furent produites, beaucoup moins satisfaisantes : RoboCop 2 ne gardait de son prédécesseur
que la violence et le cynisme devenus systématiques et donc vidés de leur sens,
tandis que le troisième opus orienté vers un public plus jeune était un film d’action générique laborieux, qui
tentait de renouer avec les enjeux d’humanité du premier épisode sans y
parvenir. Le signe le plus évident de la rapide baisse qualitative de la
franchise RoboCop (également déclinée
en séries télévisées live ou animées peu mémorables) est le départ de son
interprète principal dès le deuxième opus.
Après
ces déboires artistiques successifs, était-il indispensable de faire un reboot
de RoboCop ? Si le métrage de
José Padilha ne permet pas vraiment de répondre par l’affirmative, il s’en sort
avec les honneurs. Il n’est certes pas à la hauteur de la version de 1987 et ne
bénéficie pas de son ton original, mais il a le mérite de développer de façon
convaincante les concepts présents du film de Verhoeven, contrairement à ses
suites directes. Cette exploration d’horizons nouveaux est permise par un
statut différent de RoboCop / Alex Murphy : tandis que dans le film de
Verhoeven l’alter ego du protecteur de
Detroit était déclaré mort, il conserve dans la version 2014 un statut officiel
hybride homme/machine. La relation de
Murphy avec sa famille devient alors un ressort dramatique efficace, traité
sans pathos exagéré, qui modifie assez les enjeux pour ne pas donner
l’impression d’une reproduction sans âme du film original. De façon assez
ingénieuse, RoboCop réussit une
symbiose entre action et émotion en plaçant les deux composantes directement au
cœur de son intrigue.
Autre
changement majeur, le créateur de RoboCop (Gary Oldman), tout en restant
ambivalent, est un personnage bien plus sympathique que le cadre aux dents
longues original : ce choix permet de mettre au premier plan les questions
éthiques qui étaient auparavant un peu en retrait. Ce traitement est certes
plus attendu et beaucoup moins risqué que le ton choisi par Verhoeven, mais il
est servi par des dialogues assez habilement écrits. Plus explicatif et
ouvertement réflexif, RoboCop s’offre
comme la relecture d’un film d’action des années 80 à la lumière des blockbusters super-héroïques
à succès chapeautés par Christopher Nolan. Produit de son époque, le film de
José Padilha ne laissera pas une marque indélébile mais constitue un complément
intéressant au film de Verhoeven, et pour ceux qui ne l’ont pas vu, un
divertissement tout à fait honorable.