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Avec son « high
concept » qui imagine la préservation de la conscience d’un homme en
intelligence artifcielle numérique, Transcendance
aurait pu être un film de Christopher Nolan. On y retrouve même au casting deux
habitués des seconds rôles chez le réalisateur, Morgan Freeman (la trilogie
Batman) et Cillian Murphy (idem, mais aussi Inception).
Ne pas se fier cependant à cette image, si Nolan est effectivement à la
production, Transcendance est l’œuvre
de son directeur de la photographie attitré Wally Pfister, qui semble
s’émanciper ainsi du réalisateur (pour la première fois depuis The Following il ne signera pas la
photographie de son prochain film). Au final, si Transcendance n’est pas inintéressant et ne manque pas d’ambition
il n’est pas totalement à la hauteur de son concept.
En tant que film de
science-fiction à grand spectacle, le métrage de Wally Pfister souffre d’une
conduite de récit approximative. En premier lieu, le choix de commencer le récit
par sa fin a pour inconvénient une neutralisation de la tension dramatique, le
spectateur connaissant d’avance le destin des différents protagonistes. Plutôt
que de jouer avec les attentes suscitées, le film déroule son programme
narratif de façon pas désagréable mais assez plate, avec moult scènes de
discussions et assez peu de scènes spectaculaires. Les effets spéciaux et le
visuel du film sont soignés, mais c’est un peu le minimum syndical étant donné
les 100 millions de dollars du budget. Transcendance
tente de poser un récit de grande ampleur qui justifierait son statut de
« blockbuster », mais se perd dans une multiplication de personnages
inutiles et mal développés : on y trouve notamment un groupe de
terroristes dont les méthodes contestables sont à peine remises en cause, et un
duo Cillian Murphy-Morgan Freeman sans saveur qui aurait pu être condensé sans
mal en un seul personnage. Symptômes d’un problème de maîtise dans la conduite
d’un récit à grande échelle, les ellipses de plusieurs années ne correspondent
pas à une progression dramatique qui aurait du tenir sur quelques mois.
La dimension grand spectacle de Transcendance peine à convaincre, mais
le film est sauvé par un centre émotionnel autrement plus convaincant. En décrivant la relation entre l’intelligence artificielle et sa créatrice, la femme
du défunt sur la conscience duquel elle a été modelée, le métrage de Pfister
devient une alternative à Her : on y pense dans une scène où l'intelligence artificielle trouve un remède à l'absence de contact physique avec sa compagne par l'intermédiaire d'un corps outil, comme dans la scène la plus forte du film de Spike Jonze. Transcendance convoque plus largement des thèmes semblables, de l’évolution des intelligences
artificielles à leur véritable nature. Lorsqu'il s'aventure sur ce terrain intime, le métrage a le mérite de le traiter avec une
ambiguïté et une finesse qui manquait à la fantaisie pop jolie mais surévaluée
de Jonze. Cœur du film, la formidable Rebecca Hall incarne avec toutes les
nuances nécessaires les contradictions d’une veuve qui refuse de faire le deuil
de celui qu’elle a aimé, tandis que Johnny Depp trouve un rôle nécessitant une sobriété qui nous repose de ses cabotinages de ces dernières années.