18/06/2014

Bird People : l'ivresse de l'envol

3,5 / 5

Après le succès  de son adaptation de Lady Chaterley, récompensé de 5 Césars en 2007, la cinéaste Pascale Ferran revient avec Bird People, sélectionné dans la catégorie « Un certain regard » au dernier festival de Cannes. La présence du métrage dans cette section parallèle, qui privilégie les œuvres « atypiques » réalisées par des auteurs en devenir, est étrange pour une cinéaste certes discrète et rare mais déjà reconnue par la profession. Œuvre originale et ambitieuse, Bird People s’est peut-être vu relégué à cette place du fait de son caractère inclassable, qui est sa force artistique mais aussi un peu sa limite.


Le film de Pasacale Ferran est difficilement résumable, non pas tant parce qu’il manque de récits que parce qu’il multiplie les pistes narratives. La première séquence dans le RER qui mêle les différents monologues intérieurs des passagers en voix off dit bien le projet de Pasacle Ferran de proposer un film contemporain sur un certain esprit du monde. On n’est pas loin de la forme du documentaire, à laquelle le film aura recours par la suite, qu’il s’agisse de la description d’aéroports ou d’un versant animalier. Plus largement, Bird People est structuré en deux parties, chacune d’elles étant introduite par un carton du nom du protagoniste du récit : d’un côté, Gary est un ingénieur informaticien américain en transit dans un hôtel, à un tournant de sa vie ; de l’autre Audrey est une femme de chambre de l’hôtel qui se retrouve confrontée à une situation peu commune…

Si ce résumé parait assez laconique, il est à l’image du film de Pascale Ferran qui se vit de préférence comme une expérience de cinéma par laquelle il faut se laisser porter et surprendre. La première partie du film se rattache encore à un domaine connu, celui de l’étude psychologique caractéristique d’un pan du cinéma français, genre abordé avec une certaine justesse par la cinéaste et son co-scénariste ; malgré l’apparence manque d’originalité de cette matière narrative, Ferran ouvre la perspective de cette crise existencielle qui se déroule en quasi huis-clos dans une chambre d’hôtel par le recours à un ailleurs étranger. Cet appel d’air trouve sa pleine mesure dans la deuxième partie, pareille à une rêverie d’enfant qui nous donne soudainement à percevoir le monde à travers un point de vue inattendu. Pascale Ferran se libère alors joyeusement du carcan du film psychologique, et met à profit cette liberté dans une mise en scène virtuose et ambitieuse. A plusieurs moments, Bird People parvient alors à émerveiller, à transmettre une joie naïve de faire un cinéma libéré des mots, à opérer un retour aux sources du 7ème art qui aurait retrouvé le pouvoir de fascination qu’il exercait sur des spectateurs médusés.


Malgré ce caractère galvanisant de Bird People qui explore assez brillament différents possibles de cinéma, on est malheureusement obligé d’émettre une réserve. L’œuvre de Pascale Ferran a beau être admirable par la quantité de ce qu’elle veut embrasser, mais elle manque d’une structure rigoureuse. Tel quel, Bird People est une méditation sur le monde moderne dans laquelle on se perd plus avec plaisir qu’elle ne nous guide, qui ravit par ses effets de surprise et son esprit d’aventure davantage qu’elle construit une véritable tension dramatique ou explore en profondeur les questions propres à notre époque.

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