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Hayao Miyzaki est sans conteste un des géants du cinéma contemporain : grâce à lui, le manga a gagné ses lettres de noblesse sur la scène internationale avec des merveilles telles que Princesse Mononoké ou Le voyage de Chihiro. C’est dire si son dernier film était attendu, depuis son précédent long métrage Ponyo sur la falaise en 2008 (l’auteur avait cependant entretemps signé quelques scénarios pour des productions de son studio Ghibli). A la sortie de Ponyo le réalisateur japonais avait confié son intention de passer le flambeau, ce qu’il fait notamment avec son fils Goro ( Les Contes de Terremer, La Colline aux coquelicots ). 5 ans plus tard, Le vent se lève tient le rôle difficile d’être l’oeuvre ultime signée Hayao Miyazaki, selon les propres dires de son auteur. A 72 ans, après 11 films, Hayao Miyazaki peut se retirer sereinement de la scène cinématographique en laissant derrière lui quelques chefs d’oeuvre, mais qu’en est-il de son film testament ?
Entre les années 20 et 30, Le vent se lève retrace le destin de Jiro Horikoshi, ingénieur en aéronautique créateur des chasseurs bombardiers zéro utilisés par les Japonais durant la seconde guerre mondiale. Cependant, s’éloignant de la biographie littérale à laquelle se limite souvent le « biopic », Miyazaki mêle ce récit historique au roman de l’écrivain contemporain de l’époque Tatsuo Hori intitulé Le vent se lève, dont la protagoniste est une femme atteinte par la tuberculose. « Le vent se lève, il faut tenter de vivre » est par ailleurs un vers de Paul valéry cité dans le texte original par les protagonistes du film. A ce réseau d’influences il convient d’ajouter la part autobiographique du film pour Miyazaki, qui se retrouve aussi bien dans la passion pour l’aviation que dans les différents messages qu’il semble adresser au spectateur à l’occasion de séquences de rêves.
Le vent se lève est donc un film à la structure complexe, à la différence des précédentes oeuvres de Miyzazaki dont les récits clairs trouvaient plutôt leur richesse dans des niveaux de lectures multiples. L’auteur a lui-même exprimé des appréhensions quant à la nature de son projet, à l’opposé des précédents films de Ghibli < dans un entretien accordé en 2010 à la revue « Positif », et publié dans le numéro 635 de janvier 2014 > . Le spectateur n’est pas embarqué dans Le vent se lève comme il pouvait l’être dans Porco Rosso, Princesse Mononoké, Le voyage de Chihiro ou Le château ambulant. S’il est prévisible de moins retrouver le sens du merveilleux et de l’aventure dans un récit plus réaliste et intimiste, il convient d’évoquer une certaine frustration produite par le film.
Les multiples facettes du Vent se lève donnent parfois l’impression d’une narration fragmentaire qui sacrifie certains éléments au profit d’autres, et pas les plus intéressants à mon sens. J’ai ainsi eu du mal à m’intéresser à la partie européenne du Vent se lève, que Jiro se rende en Allemagne ou rencontre un intellectuel allemand dans une pension japonaise ; alors que le personnage de la soeur de Jiro ou son collègue ingénieur, bien qu’intéressants, me semblent sous-exploités. Globalement, après une ouverture prometteuse sur un court épisode de la jeunesse de Jiro aspirant à voler (magnifique fondu qui superpose le visage de l’enfant aux étoiles) et une séquence de tremblement de terre impressionnante, j’ai eu de la peine à rentrer dans la première heure du film. La deuxième partie du film me semble bien plus réussie : en trouvant un véritable coeur narratif dans la relation amoureuse entre Jiro et Naoko, le récit trouve aussi sa tonalité, celle d’un romantisme tragique. Lors de la scène de mariage, la magie à laquelle Miyazaki nous a habitué opère : après l’apparition merveilleuse d’une mariée fantôme à la beauté diaphane, les touches d’humour apportées par les témoins du mariage donnent à la scène un caractère touchant et familier. Le vent se lève est parsemé de tels moments merveilleux (magnifiques séquences de vol) qui rachètent facilement les creux du récit.
Enfin, la beauté des dessins subjugue une fois de plus. Sous influence impressionniste, comme le suggèrent les peintures de Naoko, Miyazaki dépeint la nature avec une finesse incomparable, qu’il s’agisse de nuages aux myriades de couleurs, de forêts aux détails foisonnants ou même du vent invisible. Allant plus loin dans sa logique esthétique, le réalisateur va jusqu’à réaliser des bruitages à la bouche, notamment ceux des moteurs d’avion. Et quoi de plus naturel, pour ces machines qui sont l’incarnation de nos rêves, comme l’explique l’ingénieur italien Giovanni Battista Caproni à Jiro dans une scène onirique. Il lui explique aussi que chaque artiste ou ingénieur doit profiter au mieux des 10 ans de pic créatif qui lui sont échus. Le maître japonais de l’animation l’a fait mentir en ayant construit une oeuvre admirable sur plus d’une trentaine d’années.
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