01/07/2014

Le procès de Viviane Amsalem : femmes à libérer

3,5 / 5

Présenté au dernier festival de Cannes à la quinzaine des réalisateurs, l’israëlien Procès de Viviane Amsalem est un pavé jeté dans la mare. Les frères et sœurs Ronit et Shlomi Elkabetz y dénoncent une situation subie par les femmes vivant dans le pays : le divorce, « gett », n’est possible en Israël qu’avec le consentement du mari, qui doit répudier sa femme. Film éminément politique, ce Procès est un plaidoyer imparable qui illustre l’injustice d’une loi archaïque à travers un destin individuel.


Viviane (interprétée par la co-auteure du film Ronit Elkabetz) veut divorcer, son mari Elisha ne le veut pas. Ce désaccord va donner lieu à un procès interminable, se déroulant sur plusieurs années. La salle d’audience devient vite une prison pour Viviane comme pour le spectateur qui ne quitterra jamais ce huis clos, si ce n’est éventuellement pour les couloirs du palais de justice. La forme austère du Procès de Vivane Amsalem, la grisaille dépouillée de son décor, demandent un temps d’acclimation. Le débat en boucle où chacun semble déterminé à rester campé sur sa position crée une première impression de stagnation narrative. Fort heureusement, le film évite assez vite cet éceuil.

La convocation des différents témoins permet de dresser un tableau passionnant de la société israëlienne, qui suscite aussi bien le rire que l’effroi. On rit lorsqu’une femme au franc parler libéré venge sa sœur célibataire qui a dû faire face au mépris du tribunal rabinique et de l’avocat et frère d’Elisha. Mais l’humour est souvent à double tranchant : l’hypocrisie épinglée des comportements et l’absurde de certaines situations, notamment l’absence de possibilité d’un quelconque recours du tribunal face au bloquage du mari qui refuse de se présenter, témoignent de l’absence de liberté des femmes israëliennes.


On retiendra du film deux instants forts, symboles d’une oppression sociale révoltante, qui disent le désarroi de Viviane Amsalem. Epuisée physiquement, elle se dénoue les cheveux et se fait alors reprendre par un juge rabinique inflexible qui lui ordonne de les laisser ; plus tard, à bout mentalement, le bouilonnement qui a été le sien durant tout le film éclate finalement dans un plan bouleversant où elle supplie son mari, filmé du point de vue de ce dernier. Le message désespéré s’adresse alors directement aux spectateurs, et il ne reste plus à espérer qu’il atteigne droit au cœur la société israëlienne et fasse naître le changement.


2 commentaires:

  1. merci pour votre analyse et votre lien sur AlloCine.fr
    J'adore aussi le titre de votre article.

    quel choc ce film! suspense, tension, émotions, absolue stupeur parfois; plus que de l'incrédulité face à certaines scènes... (vu il y a plusieurs jours et pourtant toujours là).
    je ne sais plus trop à quoi je m'attendais, une sorte d'approche documentaire filmant les coulisses de tribunaux, quelque chose qui reste un peu à la surface, à l'extérieur...mais là, pas du tout, une vrai cocotte minute ce film! après qu'un des témoins de la femme dit, dans le 1er quart du film, ce que tout le monde pense et ce que devraient faire les juges et le mari...ce qui nous fait sourire une fois et même rire la femme...le film devient un écrou qui visse tous vos muscles au fauteuil; même la situation dans Buried, le film où un type se réveille dans un cercueil était moins étouffante! une scène de papier plié où le juge décrit enfin une procédure est absolument suréaliste...ce qu'elle doit faire avec ce papier serait digne des Monthy Pÿthons et leur silly walk mais là, c'est affligeant car pas drôle du tout et apparemment véridique (ce que je ne veux toujours pas encore croire)
    ...sans parler d'un personnage qui avec son pu***n de sac plastique m'a enragé, une ordure de première que je ne suis pas prêt d'oublier tellement il est énervant (surtout quand désespéré, perdant, il trouve un argument d'une rare bassesse et lui aussi incroyable). Je hais d'habitude les incrustations de date et lieu dans un film car me ramènent dans la salle et je crois qu'il y a d'autres moyens de donner ces indications mais là, elles sont "abasourdédifiantes"; ce mot existe pas mais je ne sais pas décrire ma stupeur à chacune de ces indications de durée au bas de l'écran!
    à voir.

    j'aime beaucoup la tapisserie de votre site...Cassavetes, Brazil mais désolé d'admettre mon inculture au sujet des deux hommes à la photo, puis-je savoir de quel film c'est? merci
    PierreTwo

    RépondreSupprimer
  2. Merci de vos commentaires, tout à fait d'accord avec vous sur l'aspect révoltant et surréaliste du film.
    Pour le film en tapisserie, il s'agit de 'Memories of Murder' de Bong Joon-Ho ('The Host', 'Snowpiercer') que je ne peux que vous recommander, un des meilleurs films des années 2000 tout simplement !

    RépondreSupprimer