08/10/2015

Les chansons que mes frères m'ont apprises : à la rencontre des natifs américains

4 / 5

Plutôt que dans le cinéma new-yorkais, Les chansons que mes frères m’ont apprises confirme que les pistes les plus intéressantes des films américains produits en dehors de Hollywood sont à chercher aujourd’hui du côté de l’exploration d’autres territoires sociaux et géographiques.  Il y a un peu plus de deux ans, l’éblouissant Les Bêtes du Sud sauvage de Benh Zeitlin nous plongeait dans une communauté de la Louisiane. Ici Chloé Zhao nous fait découvrir le microcosme de la réserve indienne de Pine Ridge au Dakota du Sud.


Comme Zeitlin, Chloé Zhao nous introduit à la communauté de son film à travers la voix off de son personnage principal. Mais contrairement à la fillette Hushpuppy, fière de résider dans le Bayou avec son père, Johnny est un adolescent aux portes de l’âge adulte qui ne pense qu’à quitter la réserve où il vit. Pire encore, il fournit de l’alcool en contrebande et contribue ainsi au problème d’alcoolisme qui touche sa communauté. Johnny ne se sent pas concerné par le devenir des natifs américains, et sa seule attache à son foyer est sa sœur Jashaun. La cinéaste organise le récit autour de ces deux protagonistes touchants, mais privilégie cependant une approche documentaire à une solide structure narrative.



Marquée par sa rencontre avec les Indiens de Pine Ridge, Zhao a en effet décidé de tourner une fiction se déroulant dans la réserve écrite au jour le jour, en s’inspirant du réel qui l’environnait. Il en résulte une impression de vivre au même rythme que les Indiens du film, tous acteurs amateurs interprétant quasiment leurs propres rôles. On se sent désemparé face à la dureté du quotidien de la réserve, on est fasciné par les individus romanesques qu’on y rencontre tels un tatoueur artisan et artiste attaché aux traditions ou un ancien alcoolique reconverti en prêtre. Entre les rodéos et les grands espaces majestueux et sauvages du Dakota, Chloé Zhao convoque les images classiques de la culture américaine mais les revitalise en nous les faisant percevoir du point de vue des Indiens. 



Au-delà du caractère socioculturel passionnant de ces Chansons, son auteure impressionne par la grande beauté de sa mise en scène au lyrisme évoquant le style de Terrence Malick. A la différence que là où le travail de son confrère cinéaste tend ces dernières années vers l’abstraction et l’ésotérisme, Zhao reste ancrée dans le quotidien de ses personnages. Le tableau social qu’elle brosse est alarmiste et cette dimension politique ne facilite pas l’exploitation du film aux Etats-Unis où aucune distribution n’est prévue à l’heure actuelle. C’est d’autant plus dommageable que Les chansons que les frères m’ont apprises est finalement porteur d’un magnifique message d’espoir, incarné par la jeune Jashaun fière de son identité, de la culture et de la tradition de son peuple. Le refus de l’assimilation culturelle brutale et forcée à laquelle ils ont été soumis, voilà une belle voie dans laquelle pourrait s’écrire l’avenir des natifs américains.

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