12/07/2011

The Tree of Life : La grâce selon Malick

4,5 / 5



Pour une première critique sur ce site, commencer par un essai sur The Tree of life s’imposait à moi comme une évidence. Non pas parce que le film a été primé à Cannes, comme a pu l’être Le Gamin au vélo auquel je consacrerai un article d’ici peu. D’ailleurs cet argument m’encouragerait même à ne pas en parler : les multiples commentaires publiés dans la presse ou sur le net pour ces films au centre de toutes les attentions pourraient constituer une matière suffisante au cinéphile averti pour déchiffrer ces oeuvres. Non, si je me permets ici de revenir ici sur le film de Terrence Malick, c’est pour évoquer les raisons pour lesquelles il s’agit d’un film essentiel, peut-être le meilleur que j’ai eu l’occasion de voir depuis ce début d’année.



L’argument du film est de présenter une réflexion sur la vie, au travers d’une famille américaine et plus précisément du fils aîné de cette dernière. Autant l’annoncer tout de suite, le spectateur à la recherche d’une intrigue construite classiquement avec exposition, développement et dénouement risque de se sentir floué. On peut cependant reconnaître trois grands mouvements dans le film : le premier présente la mort d’un fils de la famille (à la guerre) puis alterne le deuil immédiat de la famille avec la vie de Jack, le fils aîné, quelques dizaines d’années plus tard, au travail dans une jungle d’immeubles de verre. Ensuite le tout s’accélère et nous assistons à la création du monde, puis à l’arrivée des premières créatures, jusqu’à une scène qui en a fait sourire certains et que Spielberg n’aurait pas renié… Le deuxième mouvement a pour objet la naissance de Jack et son enfance, se concentrant sur ses relations avec sa mère, son père et son frère décédé. Le troisième mouvement conclusif est une rêverie à laquelle se livre Jack, au milieu du désert puis sur une plage où se retrouvent les personnages vus précédemment dans le film. Tout au long du film, les voix off servent de fil conducteur avec un thème récurrent : la coexistence de la nature et de la grâce, leur opposition dans l’esprit de Jack et au sein de sa famille. Voilà pour la structure.


The Tree of Life, dans son ambition folle d’un cinéma non narratif, peut agacer, et malgré mon enthousiasme je n’adhère pas moi-même à la totalité du film : la dernière partie du premier mouvement sur la création du monde, si elle présente quelques images sublimes de l’univers, la confronte à d’autres plans de volcans ou de geysers qui évoquent quant à eux plutôt la matière filmique des documentaires de la National Geographic diffusés en milieu de journée sur France 5 (on perd alors complètement le côté mystérieux et transcendant des images auquel semble aspirer le réalisateur). Le texte entonné par les voix off peut s’avérer quant à lui à la fois simpliste et pédant, dans un langage proche de celui employé par Walt Whitman ( poète américain du XIXème connu pour Captain, my captain, mais je pense ici plutôt à Song of Myself).



Mais plus souvent perce selon moi, à travers la juxtaposition des images, une grâce qui hisse le film au niveau auquel il aspire. Il peut s’agir de moments magiques : la mère de la famille se met soudain à léviter dans une danse éclairée d’une lumière d’été ou se retrouve enfermée dans un cercueil de verre, au milieu d’une forêt de conte de fée. Il peut aussi s’agir de scènes : la naissance de Jack, baignée d’une lumière blanche immaculée où le petit être se retrouve entre les mains de son père, la liesse de la famille qui se lance dans une course effrénée dans la maison au départ du père autoritaire. Et la grâce vient de la musique : celle extradiégétique (hors du récit) composée parAlexandre Desplat ou par d’illustres prédécesseurs ; mais aussi intégrée dans le récit, dans la scène sublime où le père autoritaire dans l’ombre à l’intérieur de la maison s’efforce de jouer du piano en même temps que son fils joue de la guitare au fond du champ, à l’extérieur, avant d’improviser en suivant la musique jouée par son fils. Le père omniprésent qui fait peser son autorité sur la famille, que l’on voit à plusieurs reprises imposer l’ordre et le silence, se laisse guider par son fils, s’efface. Parce qu’il voit en lui le musicien qu’il n’a pas eu le courage d’être, regrets qu’il exprime plus tard dans le film ? L’auteur laisse le spectateur libre d’interpréter le geste du père comme il le souhaite. Et le mérite de The Tree of Life est bien là, dans ce choix de peu expliciter et de laisser le spectateur construire le sens. C’est un film exigeant, certes un peu hermétique, mais dont la richesse de la matière laisse le champ libre à des interprétations multiples et fructueuses.

1 commentaire:

  1. Bienvenue dans la blogosphère ! Premier article très intéressant et très bien écrit. Un plaisir !

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