J’ai peu d’expérience avec le cinéma des frères Dardenne. J’avais vu leur précédent film Le Silence de Lorna et bien que j’aie pu y apprécier la qualité de leur mise en scène ainsi que l’interprétation des comédiens, le caractère pessimiste du film, justifié par l’esthétique de cinéma vérité, m’avait quelque peu laissé froid. Au destin tragique de Lorna prise dans les rouages d’un polar implacable succède celui de Cyril, enfant désœuvré à la recherche d’un père absent. Cependant, là où Lorna se retrouvait seule face à ses problèmes, une coiffeuse, Samantha, prend sous son aile l’enfant. C’est dans leur relation que se situe pour moi la beauté du dernier film des Dardenne.
Il y a dans Le Gamin au Vélo une impression de mouvement permanent. Dès la première scène, Cyril, abandonné dans un centre d’accueil, cherche à joindre son père au téléphone. Le numéro n’étant pas attribué, Cyril tente de s’enfuir du centre. L’enfant pourchassé par une caméra qui peine à le suivre semble incontrôlable. Il est mu par le désir de retrouver celui qui l’a abandonné et ce vélo symbolique qu' il aurait vendu. Dans sa fuite, il se heurte aux adultes qui luttent pour le retenir et c’est dans une étreinte violente que s’effectue son premier contact avec Samantha, alors qu’il essaie d’échapper à ses poursuivants.
Même à l’arrêt, Cyril est agité, inquiet, son état se traduisant par exemple par un robinet qu’il s’obstine à vouloir laisser couler au salon de coiffure de Samantha. Le mouvement autour de l’enfant est celui d’une course désespérée à la recherche d’un père qui s’échappe, traduit par un montage qui ne s’embarrasse pas de scènes descriptives superflues. Ainsi la localisation du père par Samantha est totalement absente du film, et le spectateur n’obtient que de maigres détails sur les moyens qu’elle a employés pour le retrouver.
L’histoire du film est le passage progressif entre ce mouvement angoissé, qui trouve son apogée dans la dernière partie du film, et un mouvement apaisé; au travelling nocturne rapide qui suit Cyril seul dans sa fuite et sa recherche de refuge succède le travelling plus lent qui l’accompagne dans sa balade ensoleillée à vélo avec Samantha. Le mouvement a changé de nature : celui dirigé vers le père ou le père de substitution trouvé dans un jeune voyou est remplacé par un autre vers une nouvelle mère / amie, dont le moteur est la relation de tendresse qui lie les deux personnages. La force du film des Dardenne est de ne pas mettre de mots sur cette belle véritable histoire d’amour, de nous la signifier par des gestes et des regards. Il faut alors souligner la finesse et la qualité du jeu de Cécile de France et du jeune Thomas Doret, qui traduit à merveille la transformation qui s’opère chez Cyril. Le film se termine par une scène admirable dans sa simplicité : laissé pour mort, Cyril revient à la vie, comme ramené parmi les vivants par la sonnerie de son portable où s’affiche le nom de Samantha, avant de reprendre son vélo pour la retrouver. En privilégiant le ‘happy end’ au réalisme de l’intrigue, les frères Dardenne font preuve d’une générosité qui rend leur film bouleversant.
Bon, je n'ai pas vu le film mais l'article se laisse lire tout seul (même sur écran). Tu écris vraiment bien ! Bravo ! :)
RépondreSupprimerLaurent.