02/08/2011

J'ai rencontré le Diable : violence et cruauté

2,5 / 5




S'il y a une tendance à relever dans le jeune cinéma coréen qui arrive sur nos écrans depuis les années 2000, c’est celle de l’éclectisme. Ainsi Park Chan-Wook, à la suite de sa trilogie de polars sur la vengeance (Sympathy for Mr Vengeance, Old Boy, Sympathy for Lady vengeance), a proposé une comédie déjantée( Je suis un cyborg ) puis un film de vampires (Thirst) ; Bong Jan Hoo, avec Memories of murder, The Host et Mother a quant à lui exploré le polar, le film d’horreur et le drame. De même, après sa relecture survitaminée et comique du western spaghetti avec Le Bon, la Brute et le Cinglé, le cinéaste coréen Kim Jee-Woon nous propose avec J’ai rencontré le diable un film à l’opposé, un polar d’une noirceur impitoyable sur les racines de la violence. L’ambiance très sombre des polars coréens ne surprend plus le spectateur averti qui a vu Memories of Murder et The Chaser : reste à déterminer si le film de Kim se hausse au niveau de ces deux réussites du genre.

Le générique de début du film est un plan pris à travers le pare-brise d’une voiture qui roule de nuit  par temps de neige: la balade en fond sonore crée une ambiance faussement paisible. Les ailes d’ange accrochées au rétroviseur intérieur du véhicule ne sont évidemment qu’un leurre pour qui a l’expérience de la valeur inquiétante du plan subjectif souvent associé au point de vue des traqueurs dans les polars ou films d’épouvante. Le film nous présente ensuite la victime, jeune femme piégée dans sa voiture en panne sous la neige. Le chauffeur du véhicule s’arrête et lui propose son aide, son attitude suspecte étant soulignée par la jeune femme et son fiancé à qui elle téléphone. Le cadre angoissant est posé assez brillamment par une mise en scène précise, de même que la relation tendre du couple ; la caméra mobile qui suit le fiancé agent de sécurité dans un hôtel capte un moment touchant d’intimité, alors qu’il s’isole dans la salle de bains pour murmurer une chanson d’amour à sa compagne. Conformément aux attentes du spectateur, la jeune femme se fait agresser par le chauffeur anonyme, mais la surprise et le choc viennent alors de la barbarie crue du meurtre tel qu’il est présenté.


La jeune femme est d’abord assommée à coups de marteau, puis on assiste médusés au découpage de la victime dans un hangar. Une ambiance oppressante s’installe, qui n’est pas sans rappeler celle de certains films de David Lynch : dans une scène qui semble inspirée de Blue Velvet, un enfant trouve dans un terrain vague un sac poubelle dont il sort une oreille. Le basculement du film dans le macabre se poursuit avec la traque impitoyable du tueur par le fiancé qui cherche à venger la mort de la jeune femme : par un procédé de scénario, le tueur est libre d’agir même une fois qu’il a été identifié par son poursuivant. La chasse devient alors le seul moteur du film, qui souffre de cette intrigue répétitive, ainsi que d’un manque de cohérence dans la psychologie des personnages : si le personnage du tueur en série, incarné avec une jouissance communicative par Choi Min-Sik (Old Boy), est crédible, la transition qui s’est opérée chez son opposant, de fiancé doux à ange vengeur sadique, pose problème.

On peut reconnaître à Kim Jee-Wonk le mérite d’emmener son spectateur dans un voyage sans concession au bout de l’horreur (dans la description des meurtres, la rencontre avec un autre tueur en série cannibale ou la chute du film glaçante). Cependant, l’absence de personnages auxquels le spectateur pourrait s’identifier ainsi que l’ambiance pesante du film en font une expérience de cinéma souvent pénible. C’est un exercice de style certes brillant mais qui manque quelque peu de finesse et se montre par moments complaisant dans la description systématique de la violence. A déconseiller évidemment aux âmes sensibles.

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