10/08/2011

Super 8 : retour aux sources

3,5 / 5
      

Créateur de séries à succès (Alias, Lost), J.J. Abrams s’est lancé dans le cinéma avec deux adaptations de séries télévisées. Mission : Impossible III, réalisé en 2006, appliquait à la franchise le mélange d’espionnage et de drame familial caractéristique de Alias ; Star Trek, réalisé en 2009, modernisait avec bonheur la série des années 60 en mettant l’accent sur l’action. Avec Super 8, Abrams franchit le pas du cinéma hors franchise, même si l’héritage de Spielberg producteur y est revendiqué : de son propre aveu, le réalisateur a voulu y retrouver l’esprit des films qu’il a vus sur grand écran dans son enfance et son adolescence. 

A l’instar de E.T. et des Goonies (scénarisé par Spielberg), Super 8 prend comme héros un groupe d’adolescents, comme un retour aux sources du "teen movie blockbuster" américain: la référence est assumée dans le choix de situer l’action du film en 1979. Dans un dispositif narratif semblable aux films produits ou réalisés par le producteur dans les années 80, les personnages qui évoluent dans un contexte ordinaire se retrouvent confrontés des événements extraordinaires qui vont les faire mûrir, grandir. Avec cependant une mise en abyme introduite dans le récit d’ initiation spielbergien, la bande d’amis tournant un film d’horreur en super 8. Ces bases étant posées, je laisserai au spectateur le plaisir de découvrir lui-même les multiples rebondissements d’une intrigue entourée de mystère.


[Spoiler] L’argument fantastique, s’il attirera le public adolescent, est néanmoins l’élément le plus convenu du film de J. J. Abrams : malgré leur traitement précis et efficace, les scènes d’action sont moins passionnantes que ce qui se déroule autour d’elles. Ce sont les drames humains auxquels sont confrontés les personnages qui intéressent plutôt le réalisateur, et c’est d’ailleurs leur point de vue qui prévaut dans les scènes spectaculaires: le principe de chaos règne dans le déraillement du train où les héros courent apeurés en essayant d’éviter les projectiles enflammés qui tombent du ciel ; avant le dénouement du film, le groupe d’adolescents arrive dans leur ville transformé en champ de tirs incohérents qui traversent le cadre sans que la cible de l’armée soit identifiée. De même, pas d’affrontement final avec la créature au centre de l’intrigue fantastique. Car cet élément central n’est pas tant un antagoniste que le symbole de ce qui est à la source des conflits intimes entre les personnages, leur incapacité à communiquer et à se faire comprendre : son agressivité est le fruit de son isolement forcé, qui lui a été imposé par l’armée américaine. 

Ce qui doit s’opérer par le récit fantastique de Super 8, c’est le rétablissement de la communication entre les protagonistes, entre le héros Joe et son père Jack, entre sa famille et celle de l’adolescente dont il tombe amoureux, Alice. Mais plus que par les mots, c’est par les gestes et les actions que le dialogue s’établit. Joe découvre peu à peu Alice, fille qu’il pensait inaccessible, lors des séances de maquillage où il touche son visage ; Jack et le père d’Alice se retrouvent unis dans la recherche de leurs enfants à la fin du film, associés par leurs attitudes similaires dans les plans de la scène finale. Ce dialogue au-delà des mots trouve son parallèle dans le lien mental permanent qu’établit la créature avec ses « victimes » par le simple toucher, clef de la résolution de l’intrigue.


Plus largement, Super 8 traite avec justesse du deuil et de l’enfance, de la distance des adolescents avec le monde adulte. Certes, le groupe de héros tourne un film de zombie, miroir de la violence du monde qui les entoure. Ainsi, une victime du déraillement qui s’est déroulé durant leur tournage semble revenir d’entre les morts, le visage ensanglanté. Mais il y a dans leur cinéma, présenté en même temps que le générique de fin, un enthousiasme et une innocence qui les oppose au monde des adultes : la seringue qui contient un antidote pour guérir les zombies est l’antithèse de celle dont l’armée se sert pour assassiner dans le film. Principe de vie contre principe de mort. J.J. Abrams évoque la dimension autobiographique de son film, ayant été  lui-même un adolescent tournant des films en super 8 présentés à des festivals à la fin des années 70 : son film est le témoignage touchant de sa jeunesse, et celui de nos rêves d’enfant.
                       

1 commentaire: