Captain America est un film dont le concept fait craindre le pire : créé pendant la seconde guerre mondiale pour combattre les allemands, le super-héros est affublé d’un costume aux couleurs du drapeau américain. On s’attend alors à une débauche de patriotisme satisfait de lui-même, à voir la grandeur de l’Amérique triomphante. Le mérite du film de Joe Johnston est d’éviter joliment cet écueil.
Réalisateur de Rocketeer dans les années 90 qui suivait pareillement les aventures d’un héros des années 40, Joe Johnston retrouve avec la superproduction Marvel la recette qui avait fait son succès, le retour au charme des "serials" et des films d’aventure d’antan. Les méchants y sont hyperboliques, tels l’antagoniste Crâne Rouge dont l’ambition de contrôle du monde passe par le renversement du régime nazi même dont il se sert pour financer son organisation, trahissant donc les artisans de l’horreur. Dans un moment emblématique de son ignoble mégalomanie, le nazi renégat pose pour un portrait sur Le Crépuscule des dieux de Wagner, le visage dans l’ombre sans le masque qui cache sa monstruosité : l’horreur de son visage découvert est alors signifiée par la réaction de dégoût de son acolyte. La scène illustre bien ce en quoi Captain America reprend à son compte les clichés du film d’aventure jusqu’à sa mise en scène appuyée. Reste que le film parvient à intéresser aux personnages, pour stéréotypés qu’ils soient : ainsi il y a quelque chose de touchant dans le docteur interprété par Stanley Tucci, dont la fragilité et la bonté envers le héros le rapprochent de certains personnages trouvés dans le cinéma rempli d’humanité de John Ford. L’ hommage au cinéma d’antan est palpable dans la reconstitution réjouissante des divertissements des années 30-40 lors d’une séquence de mise en abyme, Captain America étant utilisé pour faire la promotion de bons pour financer la guerre.
En plus de ses qualités de divertissement honnête, il y a quelque chose de plus sombre dans le film de Joe Johnston, une ambiance qui tend parfois vers le tragique. N’y a-t-il pas dans la détermination de Steve Rogers (alias Captain America) à servir son pays coûte que coûte une dimension quasi suicidaire ? Corps chétif avant sa transformation, il se lance dans des affrontements au corps à corps perdus d’avance ou saute sur une grenade pour prouver son courage. Entre les membres de l’ organisation de Crâne Rouge qui avalent des pilules de cyanure et les partenaires du héros morts au combat, le film est jonché de cadavres, comme s’il reflétait le contexte violent de guerre alentours face auquel le spectacle de Captain America assommant Hitler sur scène est une farce vide de sens. Ne pouvant trouver l’oubli dans l’alcool du fait de ses nouveaux pouvoirs, le héros est condamné à vivre avec les fantômes de ceux qui sont tombés à ses côtés. C’est cette solitude tragique qui donne un peu de profondeur au personnage et dont on ne peut qu’espérer que Joss Whedon tirera parti dans ses Avengers prévus pour l’année prochaine.
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