Du vent dans mes
mollets : 3,5 / 5
A première vue, Du
vent dans mes mollets de Carine
Tardieu ne brille pas par son originalité dans le paysage
cinématographique hexagonal. Le film s'inscrit dans une veine rétro
semi-autobiographique à la mode dans le cinéma populaire, illustrée
dernièrement par le Skylab ou
Nos plus belles vacances
qui ressuscitaient la deuxième moitié des années 70. En ce qui
concerne la France des années 80 qui sert de cadre à Du
vent dans mes mollets, on la
retrouvera dans le prometteur Camille redouble
de Noémie Lvovsky début septembre. Si le métrage de Carine Tardieu
a suscité moins d'attentes que celui de sa consœur, il s'avère
finalement une très agréable surprise.
Rachel
est une petite fille de neuf ans stressée par la rentrée des
classes. Jusque-là rien de bien singulier, mais les angoisses de la
fillette trouvent une résonance particulière au sein d'un cadre
familial hanté par la mort : entre un père rescapé d'Auschwitz
(Denis Podalydès), une grand-mère diminuée qui partage sa chambre
(Judith Magre) et une mère angoissée et étouffante (Agnès Jaoui),
Rachel a logiquement des idées assez noires. Tout le contraire de sa
nouvelle voisine de classe Valérie, un trublion à l'énergie
communicative.
A partir de la rencontre
entre ses deux héroïnes écolières, Du vent dans mes mollets
prend le chemin d'une comédie
où prime le regard des enfants sur le monde. Mais la finesse du film
est de ne pas tomber dans le piège de la mièvrerie, en montrant
tout ce qu'il peut y avoir d'agressif et de cruel dans les jeux
d'enfants. Le charme du métrage est celui d'une fantaisie teintée
d'humour noir à double tranchant. Ainsi, tandis que Rachel et
Valérie rient aux éclats en mimant des ébats sexuels avec des
poupées, une de leurs camarades fond en larmes et les supplie en
vain d'arrêter. Loin de l'innocence, Du vent dans mes
mollets joue sur l'ambivalence
et les ruptures de ton : une poursuite burlesque entre une mère et
sa fille sur une musique entraînante peut s'achever sur une chute
brutale et douloureuse, et un silence pesant.
La
gravité qui sous-tend le film
trouve son expression la plus pleine dans la crise familiale
provoquée par la rencontre innocente entre les fillettes.
L'irruption de la mère célibataire de Valérie (Isabelle Carré)
met en effet à mal le cocon ordonné par la mère de Rachel.
Raphaëlle Moussafir, auteure du roman éponyme dont est adapté le
film et co-scénariste, s'est probablement inspirée de ses souvenirs
d'enfance mais la façon dont elle raconte avec Carine Tardieu les
relations qui se nouent entre les parents des jeunes héroïnes
témoigne à la fois d'une maturité et d'une absence de cynisme
rafraîchissante.
Enfin
Du vent dans mes mollets est
remarquable par une reconstitution d'époque soignée qui ne rentre
jamais en conflit avec le naturel bluffant de tous les interprètes.
Retrouver la trop rare Agnès Jaoui dans un rôle à la fois
burlesque et attendrissant est un véritable plaisir, Podalydès joue
avec bonheur de son détachement lunaire (déjà à l'œuvre dans le
fantastique Adieu Berthe ou l'enterrement de mémé)
et Isabelle Carré illumine chaque scène. Finement mis en scène, le
film offre dans son dernier tiers deux très belles séquences
musicales : entre la tension dramatique illustrée par une des
meilleures chansons de 1980 (non je ne vous dirai pas de laquelle il
s'agit) et la relecture burlesque de sa contemporaine Reality
(chanson de la Boum),
Carine Tardieu fait preuve d'une ambition formelle peu commune dans
le cinéma de divertissement français.
En bref : du très bon
cinéma tous publics, à voir en famille
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