Les enfants du paradis : 5 / 5
Difficile
de ne pas entendre parler des Enfants du paradis pour les
cinéphiles en ce début d’automne. Entre sa « remasterisation » pour
sa sortie Blu-Ray, sa reprise sur grand écran, l’exposition qui lui est
consacrée à la cinémathèque française et sa diffusion sur Arte cette semaine,
le film de Marcel Carné est au cœur de
l’actualité cinématographique. Le moment est donc venu de revenir sur cette
œuvre en répondant à cette question : pourquoi toute personne s’intéressant
un tant soit peu au cinéma et à son histoire se doit de l’avoir vu ?
Premier
film français sorti à la Libération le 15 mars 1945, Les Enfants du paradis
est monumental par sa durée (3 heures découpées en deux époques) et les moyens
mis en œuvre pour sa fabrication : le boulevard du Temple des alentours de
1830 a ainsi été reconstitué dans des studios à Nice avec pas moins de 2000
figurants. D’abord pensé comme un représentant de la vitalité du cinéma
français durant son tournage pendant l’Occupation début 1943, le métrage est
aussi une réponse à Autant en emporte le vent sorti en 1939. Au produit
colossal de Hollywood qui connaît un succès retentissant, l’œuvre de Marcel
Carné est la représentante prestigieuse d’un cinéma de « qualité
française », ancré dans la culture nationale.
Film d’époque, Les Enfants du paradis plonge le spectateur dans le Paris de la première moitié du 19ème siècle et choisit pour protagonistes trois figures marquantes de la période : le mime Baptiste Debureau, le comédien Frédérick Lemaître et le poète et criminel Pierre François Lacenaire. L’intrigue réunit ces personnages réels pour les faire graviter autour d’une femme de fiction objet de tous les désirs, Garance. Plus qu’une reconstitution fidèle de faits divers qui ont pu défrayé la chronique de l’époque (les procès de Debureau et Lacenaire qui devaient faire l’objet d’une troisième époque seront finalement mis de côté), Jacques Prévert propose à partir de ce canevas une réflexion riche sur l’amour et l’art.
Film d’époque, Les Enfants du paradis plonge le spectateur dans le Paris de la première moitié du 19ème siècle et choisit pour protagonistes trois figures marquantes de la période : le mime Baptiste Debureau, le comédien Frédérick Lemaître et le poète et criminel Pierre François Lacenaire. L’intrigue réunit ces personnages réels pour les faire graviter autour d’une femme de fiction objet de tous les désirs, Garance. Plus qu’une reconstitution fidèle de faits divers qui ont pu défrayé la chronique de l’époque (les procès de Debureau et Lacenaire qui devaient faire l’objet d’une troisième époque seront finalement mis de côté), Jacques Prévert propose à partir de ce canevas une réflexion riche sur l’amour et l’art.
Il y a un aspect spectaculaire indéniable dans les décors du film et ses mouvements de
caméra sophistiqués, et on prend plaisir à suivre une multitude de récits qui
évoque l’aspect feuilletonesque des œuvres littéraires de l’époque (Les
mystères de Paris d’Eugène Sue ou « La comédie humaine » de
Balzac). Mais Les enfants du paradis ne joue pas sur une rencontre de
l’intrigue avec l’ Histoire telle qu’elle peut se produire dans Autant en
emporte le vent, et les pistes romanesques aboutissent rarement à des
scènes de grand spectacle classiques : lorsqu’un duel ou un assassinat a
lieu, il est coupé par une ellipse ou se déroule hors champ. L’essence du
scénario de Prévert se trouve plutôt dans l’étude intimiste de personnages et
de leurs passions qui aboutit à un romantisme envoûtant, proche du rêve. Mais encore
davantage l’intérêt réside dans des dialogues où Prévert multiplie les
aphorismes, déployant un langage poétique d’une beauté rarement égalée au
cinéma.
Les dialogues
exceptionnels écrits par Prévert demandaient des acteurs à la hauteur du texte.
Les interprètes des Enfants du paradis sont excellents à l’unisson. En
Lemaître cabot et grandiose, Pierre Brasseur fait des merveilles dans le
registre comique ; Marcel Herrand fascine quant à lui en Lacenaire tout en
douceur menaçante ; Arletty donne la pleine mesure de son talent et de son
charme naturel dans le rôle de Garance, admirable de légèreté dans la première
partie avant de devenir une ombre mélancolique dans la seconde.
Et puis il y a Jean-Louis Barrault, dont la performance dans le rôle du
mime Debureau est prodigieuse. C’est lui qui a été l’origine du projet du film,
désirant incarner celui qui avait fait sensation en reprenant le personnage de
Pierrot au théâtre. Dans les reconstitutions des pantomimes de Debureau, Les
enfants du paradis touche au sublime, combinant la précision des gestes et
expressions de Barrault et la musique pathétique composée par Joseph Kosma.
Rien que pour ces scènes et son final époustouflant de réalisme où les
personnages sont pris dans le chaos d’un carnaval, le film de Marcel Carné
mérite sa place au panthéon du 7ème art. Exemple d’un cinéma à la
fois populaire et ambitieux artistiquement, Les enfants du paradis est
un film d’artisans, de poètes et de rêveurs ; un chef d’œuvre immortel.
En bref : incontournable
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