12 ans après Moulin Rouge, Baz Luhrman a eu une
seconde fois l’honneur d’ouvrir le festival de Cannes avec Gatsby le magnifique. Le contrat glamour était largement rempli
pour le défilé sur le tapis rouge : aux côtés du réalisateur, Leonardo DiCaprio
et Carey Mulligan et la mégastar indienne Amitabh Bachchan ont assurément fait
le bonheur des paparazzis et de la presse people. Si l’on ajoute que Cannes
fête cette année les cent ans du cinéma indien, l’occasion d’avoir sur scène l’acteur
emblématique de Bollywood des années 70 à aujourd’hui lors de la cérémonie d’ouverture
était trop belle pour être manquée. Le coup d’envoi du festival était donc
parfait sur le papier, mais le film est-il à la hauteur de l’événement ?
Il vaut mieux juger le film de Baz Luhrman sur ce critère plutôt que de le comparer au chef d’œuvre dont il est l’adaptation. Gatsby le magnifique de F. Scott Fitzgerald est une œuvre incontournable aux Etats-Unis, un monument de la culture américaine étudié au collège ou au lycée. Baz Luhrman semble dans les premières minutes encombré par l’œuvre d’origine, justifiant le procédé de narration à la première personne présent dans le roman de Fitzgerald par une mise en place laborieuse : Nick Carraway (Tobey Maguire) fait le récit de la vie de Gatsby dans le cadre d’une cure de désintoxication à l’alcool. Si ce procédé permet de convoquer le texte sublime de Fizgerald, il n’est pas exempt d’une certaine lourdeur, comme une fausse bonne idée pour rendre la structure du roman plus cinématographique. Les retours du film à la narration au présent, suivant la guérison de Carraway par l’écriture et son identification progressive en auteur jumeau de Fitzgerald, est une mise en abyme dispensable, inutilement explicative. Ces premières réserves évoquées, on est malgré tout emporté après ce démarrage difficile par l’énergie que dégage la plus réjouissante adaptation de Gatsby le magnifique à ce jour.
L’adaptation de 1974 du roman,
avec Robert Redford et Mia Farrow, souffrait d’un académisme auquel échappe Baz
Luhrman grâce à une mise en scène ébouriffante et inventive. Le film se
retrouve peu à peu traversé de moments de grâce magnifiques, telles que la
première apparition éthérée de Daisy (Carey
Mulligan) au milieu de rideaux flottants dans le vent ou une séquence de
beuverie dans les bas quartiers qui donne l’occasion d’un kaléidoscope d’images
enivrant. Luhrman trouve des équivalents visuels au roman de Fizgerald d’une
grande justesse, et le climax de ce premier mouvement est la fête organisée par
Gatsby, moment de bravoure qui aboutit à la découverte spectaculaire du
personnage éponyme. Le temps se suspend, on est devant du grand cinéma baroque
à la hauteur de Michael Powell ou Ken Russell.
Les idées fusent au rythme de voitures lancées à pleine vitesse, celui des « années folles » décrites par Fitzgerald. Loin de se contenter d’illustrer avec brio le roman d’origine, Luhrman l’interprète, en accentuant par exemple l’humour entourant la rencontre de Gatsby et Daisy, qui rend la scène d’autant plus touchante et vibrante. Le réalisateur fait même preuve d’une sobriété maîtrisée inattendue lorsque la tension dramatique de l’intrigue arrive à son comble : le bruit des coups donnés par un pic en glace au milieu du silence suffit alors à dire l’imminence de l’éclatement des conflits. On peut regretter dans la dernière partie du film quelques afféteries de mise en scène malvenues, mais il ne s’agit là que des défauts des qualités d’un cinéaste passionné et donc parfois excessif.
Au delà de son style renversant, un des atouts majeurs du métrage de Baz Luhrman est un casting impeccable. Au premier rang, à la fois solaire et tourmenté, Leonardo DiCaprio s’impose comme une évidence en Jay Gatsby, mais Tobey Maguire, Carey Mulligan et Joel Edgerton sont tous excellents. Avec sa bande originale moderne aux pépites éclectiques (ma préférence va aux reprises de Love is the Drug et Love is Blindness, mais il y en a pour tous les goûts), Gatsby le magnifique est un film d’une belle vitalité, un feu d’artifice idéal pour inaugurer cette 66ème édition du festival de Cannes.
En bref : une bonne adaptation d'un classique de la littérature, à voir
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