03/02/2012

Something for the weekend : Hanezu, l'esprit des montagnes / Sur la planche

Hanezu, l'esprit des montagnes : 2,5 / 5
Sur la planche : 4 / 5

Si le public fait déjà un triomphe en salles à La vérité si je mens 3 ! qui a réalisé un très bon démarrage avec 400 000 entrées, je vais quant à moi vous parler de deux films sortis cette semaine et dont la sortie est beaucoup plus confidentielle. Soit Hanezu, l'esprit des montagnes de la japonaise Naomi Kawase et Sur la planche de la marocaine Leïla Kilani, deux propositions de cinéma originales et radicales. Les deux cinéastes ont en commun une expérience dans le documentaire . Cependant alors que la place de Kawase dans le cinéma de fiction a été confortée par les honneurs reçus à Cannes (caméra d'or en 1997 pour son premier film Suzaku, puis grand prix du jury en 2007 pour La  forêt de Mogari) il s'agit pour Kilani de son premier long métrage de fiction présenté cette année au même festival. Mais entre le film de la cinéaste de fiction expérimentée et celui de la nouvelle venue, le plus convaincant n'est pas celui que l'on croirait.



Hanezu, l'esprit des montagnes suit l'histoire d'une femme dans une campagne japonaise qui trompe l'ennui de sa vie de couple tranquille avec un amant sculpteur et passionné. Une histoire d'adultère banal en somme, auquel vient s'ajouter la complication d'une grossesse.  Mais les conflits occasionnés par ce bouleversement ne sont pas ce qui intéresse vraiment Kawase, mais plutôt ce en quoi la situation vécue par ses personnages renvoie à un passé historique voire ancestral qui influe sur le présent. Nimbé de mystère, à l'écoute d'une nature habitée par les dieux et les esprits, Hanezu, l'esprit des montagnes offre quelques moments d'une beauté cinématographique incontestable : des corps nus filmés dans une caverne sombre où l'on entend résonner leur souffle devenu surnaturel, le surgissement de fantômes de soldats japonais côtoyant les vivants en plein jour. L'exploration de Kawase du passé du Japon, à partir des ruines déterrées de son ancienne capitale, est un projet passionnant. Malheureusement, si Kawase a un don indéniable pour l'esthétique et la création d'ambiances intrigantes, le film pâtit d'un manque de dramaturgie ou d'un discours plus abouti. Tel quel, Hanezu, l'esprit des montagnes est un film sensoriel qui tourne un peu à vide jusqu'à la répétition lassante d'images peu à peu privées de leur puissance singulière.


Loin du lyrisme fantastique de Hanezu, Sur la planche est une plongée dans la réalité des classes ouvrières de Tanger, mis en scène dans un naturalisme tendu qui évoque le style des frères Dardenne. Avec la voix off de son héroïne arrêtée par la police dès la première minute et une narration qui décrit alors les semaines qui ont conduit à cette chute, Leïla Kilani donne aussi à son film une forme de polar qui le rapproche du cinéma de Jacques Audiard. Babia, jeune femme travaillant dans une usine de crevettes le jour , dont l'odeur lui colle à la peau, s'échappe de son quotidien sordide et dégradant la nuit en délestant avec une amie des hommes qu'elle séduit : pour ces excursions, elle s'invente ouvrière dans le textile, travailleuse dans la zone franche d'exportation à laquelle elle n'a pas accès. Soufia Issami l'incarne avec une énergie bouillonnante, à l'image du flot saccadé de mots qui semble se déverser d'elle tel un trop plein .Interprété par des actrices non professionnelles dont on a l'impression qu'elles jouent leurs propres rôles, Sur la planche est parcouru d'une urgence, une immédiateté brute dans lequel le spectateur est pris avec les personnages. Fenêtre sur un monde peu connu proche du documentaire, l'œuvre de Kilani trouve aussi un souffle romanesque dans sa description d'un groupe de jeunes femmes, ombres nocturnes  qui s'imaginent un temps que le monde leur appartient. Trouvant un équilibre juste entre réalisme et imaginaire, Sur la planche est un beau film essentiel avec un véritable enjeu, qualité qui manque à Hanezu, l'esprit des montagnes.

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