Cherchez Hortense : 4 / 5
Après
le retour très agréable d'Agnès Jaoui actrice dans Du
vent dans mes mollets, c'est au
tour de l'homme du couple de dramaturges - scénaristes à succès
des années 90 d'être à l'honneur dans Cherchez Hortense.
Mais malgré le plaisir de retrouver un acteur à la personnalité
aussi marquée que Jean-Pierre Bacri, l'argument du film de Pascal
Bonitzer est loin d'être alléchant : soit les déboires d'un énième
quinquagénaire « bobo » indécis. La première scène,
avec Kristin Scott Thomas en metteur en scène de théâtre, fait
craindre un cinéma intellectuel parisien un peu snob. Fort
heureusement ces premières réserves sont vite balayées, alors que
se dévoile une comédie intelligente et ludique.
Avec
Cherchez Hortense,
Bonitzer choisit une dimension sociale prononcée inédite jusque-là
dans son cinéma. Damien Hauer (Bacri), pressé par sa femme (Scott
Thomas), doit demander à un père conseiller d'état intimidant
(Claude Rich, magistral) d'intercéder pour une sans-papier serbe
afin de régulariser sa situation. Cet enjeu dramatique fort posé,
le film n'a de cesse de prendre des détours liés à autant de
personnages qui peuplent le quotidien de Damien, de son fils
adolescent à une femme qui semble en difficulté (Isabelle Carré)
en passant par un collègue dépressif (Jackie Berroyer). Damien ne
sait plus où donner de la tête, et la façon dont il se débat avec
ses problèmes ordinaires revêt bientôt un caractère comique pour
le plus grand plaisir du spectateur.
Souvent
surprenant, Cherchez Hortense
joue de décalages efficaces, tel qu'un beau-frère et sa compagne
invités mais un peu envahissants, un chauffeur de taxi inexpérimenté
ou un passage secret emprunté pour une discussion privée. Le tout
culmine dans le jeu de l'intrigue autour d'un serveur de restaurant
japonais au ton doucereux dans des scènes hilarantes. L'humour qui
s'y déploie trouve sa force dans les non-dits, alors que Damien les
comble avec son imagination angoissée et se livre au même exercice
que le spectateur tout au long du métrage. Le titre du film s'offre
en fait comme une énigme à déchiffrer, le scénariste-réalisateur
multipliant les zones d'ombre (des fondus au noir sont régulièrement
utilisés) afin de mieux jouer avec notre compréhension et nos
attentes, de nous manipuler par le biais de la mise en scène ou de
la rétention d'information. C'est tout à l'honneur de Bonitzer de
nous offrir un jeu de pistes passionnant où l'ambiguïté des scènes
et des motivations des protagonistes laisse une place d'interprète
actif au spectateur.
Au-delà
de cette lecture au second degré de la construction ludique de
Cherchez Hortense, il
faut saluer la performance extraordinaire de Jean-Pierre Bacri, qui
donne le poids émotionnel nécessaire au film. L'acteur trouve avec
Damien Hauer son rôle le plus riche et le plus touchant depuis le
Castella du Goût des autres.
Le film lui offre un nouvel
espace de jeu enthousiasmant, qu'il s'agisse d'une scène d'ébriété
burlesque ou d'un dénouement où sa fièvre émotionnelle contenue
s'exprime enfin. Si Damien est en quête du concept particulier à la
culture chinoise de « ce qui convient », Bonitzer et
Bacri l'ont tous deux trouvé avec cette comédie euphorisante.
En bref : à voir absolument
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