11/12/2012

Les bêtes du Sud sauvage : un hymne vibrant à la Louisiane


5 / 5

Vers le milieu des Bêtes du Sud sauvage, un père fait à sa fille le récit de la confrontation de sa mère absente avec un alligator. L’ambiance aux frontières du conte fantastique n’est pas sans rappeler l’ouverture de Tabou où un explorateur allait à la rencontre d’un crocodile. La comparaison n’est pas innocente : au cœur des films de Miguel Gomes et Benh Zeitlin, au-delà de leur différence esthétique, on trouve le même appel stimulant à l’aventure pour revitaliser un cinéma indépendant trop souvent monotone. Dans les deux cas le résultat est un cinéma miraculeux, à la fois libre et ambitieux.


Tabou et Les bêtes du Sud sauvage trouvent la source de leur énergie dans des espaces géographiques peu exploités par le cinéma d’auteur : l’Afrique coloniale pour le premier, la Louisiane pour le second. Mais tandis que Gomes évoquait un temps d’innocence révolue qui hantait le Portugal contemporain, Zeitlin s’intéresse au combat quotidien mené par les habitants du Bayou confrontés sans cesse aux tempêtes et inondations. Tout en gardant l’esprit d’un cinéma américain indépendant dédié aux marginaux, le réalisateur trouve un terrain nouveau en décrivant une réalité absente des grands écrans jusque-là. Et c’est à une véritable immersion dans une communauté louisianaise que Zeitlin, habitant de la Nouvelle Orléans, nous convie. 

Mais plus loin qu’une simple description réaliste, le réalisateur propose un récit transcendant. Les bêtes du Sud sauvage, dans la droite lignée esthétique du fabuleux court-métrage Glory at sea qui l’a précédé (à voir d’urgence sur le site http://www.court13.com) est un hymne poignant à l’esprit combatif d’un groupe de laissés-pour-compte. Pour retranscrire au mieux l’aventure d’une communauté qui doit faire face à un cataclisme, l’excellente idée du film est de choisir le point de vue d’une fillette de 6 ans. A travers sa voix off, Hushpuppy (Quvenzhané Wallis, tout simplement époustouflante) guide le spectateur à travers un monde tour à tour merveilleux et terrifiant. L’intensité du film a quelque chose du vécu de l’enfance, qui nous emporte dès un pré-générique à couper le souffle : à partir d’un réveil paisible et solitaire au milieu des animaux, le point de vue s’élargit à une communauté dont l’énergie explose dans le feu d’artifice visuel et sonore d’une fête nocturne. Le tout est accompagné d’une musique euphorique et grandiose composée par Dan Romer et le réalisateur.   



Œuvre lyrique et foisonnante, Les bêtes du Sud sauvage a une dimension épique. Le métrage décrit ainsi le périple biblique d’un groupe de survivants au déluge à la recherche d’un foyer ; il offre des visions fantastiques de terribles animaux préhistoriques ou de paysages déserts jonchés de cadavres ; un bar à filles y évoque un îlot peuplé de sirènes protectrices. Mais c’est finalement dans ses personnages d’exilés que se situe la force incontestable du film de Zeitlin : même esquissés, réduits à quelques gestes, les membres de la communauté du Bayou sont criants de vérité, irradient d’une humanité qui nous donnerait envie de plus en savoir sur eux. Et le métrage est surtout le magnifique récit initiatique vécu et raconté par Hushpuppy, qui aboutit à un final bouleversant de beauté, émouvant jusqu’aux larmes. Malgré le jeune âge de Benh Zeitlin (à peine 30 ans), ne nous y trompons pas : Les bêtes du Sud sauvage est un coup de maître.

En bref : un grand film à ne pas manquer

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