En cette période de fêtes deux « blockbusters » américains aux budgets colossaux se disputent le haut de l’affiche. D’un côté Le Hobbit : un voyage inattendu de Peter Jackson, premier volet d’une trilogie qui a coûté 500 millions de dollars ; de l’autre L’Odyssée de Pi et ses 120 millions de dollars. Soit pour les deux films un coût d’1 million de dollars la minute, justifié par le désir de faire voyager et rêver le spectateur auquel vient s’ajouter une ambition formelle commune. Si les deux métrages ont chacun leurs mérites, pour laquelle des deux aventures faut-il embarquer en priorité, compte tenu du prix prohibitif du billet (comptez au moins 10 euros par personne pour une 3D à laquelle vous ne pourrez pas forcément échapper si vous voulez voir le film en version originale) ?
Avec
Le Hobbit Peter Jackson retrouve le monde d’ « heroic
fantasy » de J.R.R. Tolkien qui avait fait sa renommée avec Le Seigneur
des anneaux. Ce retour peut être perçu comme salutaire après la parenthèse
d’un King Kong excessif et un Lovely Bones qui a peiné à susciter
l’intérêt du public. Si Le Hobbit apporte au premier abord peu de
nouveautés par rapport à l’univers exploré largement dans la trilogie
précédente (en termes de cinéma), c’est avec un plaisir intact que l’on se lance
dans un voyage qui nous mène de la
Comté tranquille des Hobbits à des
mines infestées d’Orques. Peter Jackson a fait appel à la même équipe que celle
du Seigneur des anneaux pour la direction artistique du film, ce qui
crée un esprit de cohérence remarquable entre les deux trilogies : les
décors et les costumes sont tout simplement somptueux. Toutefois, et ce même si
les effets spéciaux ont gagné de réalisme par rapport à la première trilogie,
l’aspect composite du film pris entre acteurs de chair et de sang et créatures
en images de synthèse n’est pas toujours convaincant : si Gollum reste
aussi impressionnant visuellement, les séquences d’action manquent un peu
d’élégance dans une esthétique trop proche du jeu vidéo.
Comme
pour Peter Jackson avec Le Hobbit, L’Odyssée de Pi est l’occasion
pour Ang Lee (Tigre et dragon, Le secret de Brokeback Mountain)
de revenir au premier plan après un Hotel Woodstock passé plutôt
inaperçu. Adaptation d’un best-seller du canadien Yann Martel, le film est le
récit fantasmagorique par le héros éponyme de son passage périlleux de l’Inde à
l’ Amérique. D’une grâce visuelle constante, le métrage d’ Ang Lee montre bien
ce que Le Hobbit pouvait avoir d’un peu brouillon malgré certaines
qualités esthétiques incontestables. Le réalisateur construit une série de
tableaux tous plus splendides les uns les autres : une scène de naufrage
époustouflante ou le plan d’un canot perdu dans une nuit étoilée sont parmi
les plus belles visions qui auront été
offertes aux spectateurs cette année.
Et
la 3D me direz-vous ? Elle est utilisée au mieux dans L’Odyssée de Pi. Ang
Lee joue de façon efficace avec la profondeur de champ, donne une impression de
superposition de couches d’images qui correspond à merveille à l’atmosphère de
récit extraordinaire du film et à des séquences psychédéliques entre rêves et
hallucinations. Le réalisateur sait d’autre part jouer avec talent d’effets
d’immersion, dans le cadre d’une scène de tempête ou d’affrontements avec des
animaux sauvages qui gagnent en réalisme.
La 3D reste
par contre très discrète dans le Hobbit, apportant finalement
assez peu au film, la révolution technique centrale du film semblant plutôt
être celle des 48 images par seconde. Déstabilisant durant les premières
minutes, ce procédé dévoile tout son potentiel dans les nombreuses scènes peu
éclairées (nuit autour de feux de camp, cavernes) où la fluidité accrue des
images donne une impression de netteté saisissante. Malgré les nombreux avis
contraires lus dans la presse, j’ai ressenti pour ma part que les 48 images par
seconde constituent un gain de confort substantiel pour vivre l’expérience
3D.
Alors,
quel verdict entre le film de Peter Jackson et celui d’Ang Lee ? Malgré
une supériorité esthétique évidente de L’Odyssée de Pi plus maîtrisé,
l’avantage (léger) est au Hobbit, dont le récit est finalement
plus prenant. Le film d’Ang Lee est efficace dans sa première partie où il pose
un univers fabuleux riche d’une multitude de récits, mais l’isolement du héros
durant la deuxième partie évacue cette richesse de possibles en optant pour une
aventure existentielle moins convaincante. Le métrage aspire à une réflexion
sur la nature de la narration, mais s’avère un peu faible sur le thème, versant
finalement dans un sentimentalisme souligné à grand renfort de larmes qui a du
mal à émouvoir.
Le Hobbit
affiche moins ses ambitions mais met en scène des personnages plus
attachants, servis par un casting idéal : Martin Freeman s’impose avant
tout comme une évidence en Bilbo proche de nous, pris entre son désir de
confort et ses rêves d’aventure ; retrouver Ian Mckellen en Gandalf est un
vrai bonheur et Richard Armitage confère au roi déchu Thorin le charisme
nécessaire. La richesse des cultures et récits inventés par le linguiste Tolkien
constitue une source d’émerveillement constant, à laquelle Peter Jackson rend justice à travers ses
fresques grandioses. A ceux qui trouvent que le développement de Bilbo le
Hobbit en trois films est exagéré, je répondrai qu’à l’issue de la projection
de son premier volet j’aurais été prêt à suivre les pérégrinations de Bilbo, Gandalf et leur compagnie
de nains pour encore bien plus que 6 heures.
Le Hobbit : 4 / 5
L' Odyssée de Pi : 3,5 / 5
Le Hobbit : 4 / 5
L' Odyssée de Pi : 3,5 / 5
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