4,5 / 5
Le film évite d’abord l’écueil d’un cinéma d’époque en costumes piégé dans une reconstitution historique artificielle. Car si les filles y sont vêtues d’atours luxueux, le cadre de l’intrigue fait évidemment de leurs corps nus un élément important. En déduire que L’Apollonide est un film voyeuriste qui se complait dans la représentation des corps nus de ses actrices dans la fleur de l’âge serait erroné : nul érotisme ici puisque le corps y est un instrument de travail, présenté à un mère maquerelle lors d’un entretien d’embauche ou inspecté de fond en comble lors d’une visite médicale. Pour les jeunes femmes, le sexe est un commerce et rarement une source de plaisir. Dès l’une des premières représentations de ce « commerce », l’activité frénétique d’un client sous la robe d’une prostituée est en contraste avec le visage impassible de cette dernière. Apprêtées et mises côte à côte face à un client qui doit choisir l’une d’entres elles, les prostituées sont littéralement l’objet du désir masculin. Au service du fétichisme d’un client, elles présentent leur sexe devant le regard admiratif de ce dernier.
Mais loin de les considérer comme de simples objets de spectacle, le film présente un inventaire cruel des souillures dont elles peuvent faire l’objet : l’éventail des cruautés va du champagne collant à la peau ou des douleurs de dos à une maladie vénérienne ou une violence intentionnelle et insoutenable, traumatisante. Le réalisme cru du film et son foisonnement de personnages le rapprochent de l’esthétique du documentaire : l’aboutissement de cette logique est le split screen, utilisé à plusieurs reprises, qui permet d’appréhender les contrastes de la réalité kaléidoscopique que contient la maison close, où se côtoient enfants et filles déchues.
Mais loin de les considérer comme de simples objets de spectacle, le film présente un inventaire cruel des souillures dont elles peuvent faire l’objet : l’éventail des cruautés va du champagne collant à la peau ou des douleurs de dos à une maladie vénérienne ou une violence intentionnelle et insoutenable, traumatisante. Le réalisme cru du film et son foisonnement de personnages le rapprochent de l’esthétique du documentaire : l’aboutissement de cette logique est le split screen, utilisé à plusieurs reprises, qui permet d’appréhender les contrastes de la réalité kaléidoscopique que contient la maison close, où se côtoient enfants et filles déchues.
Bonnello ne se contente cependant pas de proposer une chronique réaliste réussie mais confère à son film un lyrisme éblouissant. Lyrisme qui vient d’abord de ces tableaux magnifiques composés des corps sublimés allongés sur les divans, échos des scènes qui se jouent dans les chambres. Car, comme l’explique une des prostituées à une nouvelle venue, l’essentiel est de stimuler l’imagination des clients, de les faire fantasmer. Les filles sont donc amenées à jouer dans des mises en scène : elles deviennent une poupée offrant un ballet mécanique ou improvisent un langage à partir des sonorités du japonais pour incarner une geisha. Ces mises en scène théâtrales, décrochages par rapport au réel, sont alliées à un onirisme sous lequel le film est placé dès sa première séquence où une des prostituées raconte un rêve à un de ses clients.
La vie intérieure des habitantes de la maison close, dont les visages sont captés en gros plan, importe autant dans le film que la description de leur quotidien. Il y a quelque chose d’atemporel dans L’Apollonide, qui fait surgir dans un élan de liberté une musique anachronique dans le récit. Plus que le réalisme, c’est la vérité des émotions qui comptent, incarnée par une distribution sans faille. Peuplé de figures romanesques et marquantes, le film de Bertrand Bonnello gagne sur tous les tableaux et parvient, dans la réalisation finale d’une image onirique, à combiner monstrueux et sublime. C’est un film brut qui n’est pas fait pour toutes les sensibilités, mais les interdits qu’il brave procurent un plaisir de cinéma intense.
La vie intérieure des habitantes de la maison close, dont les visages sont captés en gros plan, importe autant dans le film que la description de leur quotidien. Il y a quelque chose d’atemporel dans L’Apollonide, qui fait surgir dans un élan de liberté une musique anachronique dans le récit. Plus que le réalisme, c’est la vérité des émotions qui comptent, incarnée par une distribution sans faille. Peuplé de figures romanesques et marquantes, le film de Bertrand Bonnello gagne sur tous les tableaux et parvient, dans la réalisation finale d’une image onirique, à combiner monstrueux et sublime. C’est un film brut qui n’est pas fait pour toutes les sensibilités, mais les interdits qu’il brave procurent un plaisir de cinéma intense.
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