Un heureux événement : 3 / 5
Au seuil de la vie : 4,5 / 5
Au seuil de la vie : 4,5 / 5
Faire un parallèle entre le cinéma de Rémi Bezançon et celui d’Ingmar Bergman paraît incongru mais la coïncidence de la sortie d’ Un heureux événement avec la reprise d’ Au seuil de la vie est assez intéressante, pour ce qu’elle dit de la maternité et de l’évolution sur la façon dont elle est perçue depuis la fin des années 50. Les deux films situent leur action sur deux temporalités différentes : alors que le film de Bergman traite des affres de la mise au monde et suit trois femmes dans une maternité, le film de Bezançon présente le trajet d’une jeune femme, Barbara, dont l’existence est bouleversée par l’arrivée de son enfant. Dans les deux cas, on est loin d’une vision idyllique de la maternité, les difficultés qui lui sont liées étant abordées de front.
Un heureux événement s’ouvre sur la rencontre entre Barbara et Nicolas, dans un style de comédie légère et inventive : leur jeu de séduction se fait ainsi par l’intermédiaire de titres sur les jaquettes de Dvds du vidéo club où travaille le jeune homme. Dans la juxtaposition dynamique de moments intimes et la belle spontanéité dont font preuve Louise Bourgoin et Pio Marmaï, ce début évoque celui de La guerre est déclarée et rassure sur la capacité du cinéma français à proposer une vision contemporaine et juste des 25-35 ans. Le personnage de Nicolas, dans son caractère d’adolescent lisant des comics et jouant aux jeux vidéos, introduit vite par le biais de l’humour un des éléments de la problématique du film, le droit à l’immaturité et aux loisirs revendiqué malgré le statut de parent qui se profile. Un luxe que ne peut se permettre Barbara pour qui la grossesse est un bouleversement aussi bien physique que psychique, produisant des images angoissantes. Comment concilier ces deux identités opposées ? Si le film de Rémi Bezançon n’élude pas la question, le ton se montrant plus noir pour décrire la crise vécue par le couple, on peut être dubitatif quant à la solution qu’il propose en fin de parcours. Le film est convaincant dans les situations comiques, qu’elles soient légères ou plus graves comme dans le cas de l’invasion de l’intimité du couple par la belle-mère de Barbara, mais il manque quelque peu de profondeur quand il tombe dans le drame, ressassant des situations déjà vues.
Si Un heureux événement manque de profondeur, le film de Bergman laisse rarement place à la légèreté, dans un style sobre et brut qui ne surprendra pas les familiers du réalisateur suédois. Au seuil de la vie est un huis clos qui s’ouvre par l’entrée d’une femme dans une maternité et se clôt par la sortie d’une autre femme de l’hôpital. Qu’est-ce qui se joue dans ce microcosme ? Cécilia arrivée à l’hôpital voit une poupée tomber des mains d’une fillette, avant de faire elle-même une fausse couche, représentée par une tâche noire souillant ses draps immaculés. Pas de rouge sang puisque le film est en noir en blanc mais les corps qui peuplent Au seuil de la vie n’en sont pas moins d’une présence presque palpable, celle des gouttes de sueur sur les visages angoissés. La scène d’accouchement où une autre femme, Stina, est prise de violentes contractions et pousse des cris monstrueux, à la frontière de l’animalité, est d’une intensité qui la rend presque insoutenable dans ce qu’elle dit d’une douleur face à laquelle les médecins alentours se retrouvent dépassés.
Dans cet hôpital, les femmes peuvent toucher du doigt la vie, symbolisée par leur enfant, mais peuvent aussi se retrouver face à la mort. « Il n’y a pas que les corps qui s’ouvrent ici », confie Cécilia dans le délire verbal qui suit l’épreuve qu’elle a du enduré. Dans cet espace existentiel, les âmes sont déversées dans des discours incessants, signes d’une angoisse par rapport à la vie. Même l’optimiste Stina, épanouie dans sa grossesse, fait tomber soudainement le masque de la jovialité pour faire part d’une inquiétude prémonitoire. Entre les deux femmes, Hjördis refuse son enfant, se lamentant que « tout finit mal », rescapée du curetage brutal du père de l’enfant. Traitant de l’avortement, l’infertilité ou les fausses couches, Au seuil de la vie est un film résolument moderne, intransigeant et d’une intensité souvent bouleversante.
Dans cet hôpital, les femmes peuvent toucher du doigt la vie, symbolisée par leur enfant, mais peuvent aussi se retrouver face à la mort. « Il n’y a pas que les corps qui s’ouvrent ici », confie Cécilia dans le délire verbal qui suit l’épreuve qu’elle a du enduré. Dans cet espace existentiel, les âmes sont déversées dans des discours incessants, signes d’une angoisse par rapport à la vie. Même l’optimiste Stina, épanouie dans sa grossesse, fait tomber soudainement le masque de la jovialité pour faire part d’une inquiétude prémonitoire. Entre les deux femmes, Hjördis refuse son enfant, se lamentant que « tout finit mal », rescapée du curetage brutal du père de l’enfant. Traitant de l’avortement, l’infertilité ou les fausses couches, Au seuil de la vie est un film résolument moderne, intransigeant et d’une intensité souvent bouleversante.
Les silences qui peuplent le film de Bergman sans aucune musique extradiégétique ou la bande originale mélancolique et omniprésente de Sinclair servent deux propos pas si éloignés, sur le mal être, la crise qui peut être liée à la grossesse et l’enfantement. Cette situation est source de bouleversements d’identité, et le bilan des ravages qu’elle peut causer est peu reluisant, du point de vue physique et psychique chez Bergman ou sentimental chez Bezançon. Mais malgré ce constat redoutable, il est significatif que les deux cinéastes choisissent de finir leurs films sur une lueur d’espoir : le revirement inattendu et d’autant plus beau de Hjördis illustre ce que résume si bien Barbara, « Ce qui reste, c’est la vie ».
Intéressant parallèle. On nous parle des problèmes de grossesse et de baby blues depuis un temps relativement récent, prétextant qu'avant le sujet était tabou, alors que visiblement des réalisateurs ont abordé ce "tabou" de front il y a 50 ans. Bergman était-il donc un féministe ?!
RépondreSupprimerPar contre, c'est Louise Bourgoin, pas Bourgeois, et Rémi Bezançon, avec un Z ! (je suis fan des 2 ;) )
Merci de signaler les coquilles, corrigées aussitôt!
RépondreSupprimerConcernant Bergman, il y a évidemment un caractère féministe dans une bonne partie de sa filmographie.