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Après les réussites artistiques de La guerre est déclarée, L’Apollonide et The Artist, Polisse confirme la vitalité du cinéma d’auteur divers et pertinent qui représentait la France au dernier festival de Cannes. La mise en scène inventive du film de Valérie Donzelli qui dynamise le drame intimiste, l’onirisme sublime du film de Bertrand Bonnello, la passion cinéphile palpable dans chaque plan du film de Michel Hazanavicius sont autant de signes de la belle énergie du cinéma national. On peut y ajouter la réjouissante richesse de récits que propose le film de Maïwenn dans la chronique de l’activité de la brigade de protection des mineurs de Paris.
Le film alterne les scènes de la vie intime des membres de la police et le récit des cas sur lesquels ils travaillent, explorant les répercussions de leur travail sur leur quotidien et vice versa. Les nombreux changements de point de vue de la narration, passant d’un personnage à un autre parmi la dizaine qui peuplent Polisse, provoquent une impression stimulante de récit imprévisible. La multiplication des faits divers et des protagonistes permettent à la réalisatrice de proposer une vision d’ensemble, comme une réponse au reproche que Fred (Joeystarr) fait à la photographe qu’elle incarne de manquer de recul. Le quotidien de la brigade des mineurs, ce sont les larmes des enfants mais pas seulement, ce que montre un film qui change constamment de ton, passant de la comédie au drame. Si les transitions sont parfois forcées et peu convaincantes, comme dans la scène où des enfants roumains qui viennent d’être arrachés à leurs parents retrouvent leur bonne humeur au son d’une chanson et se mettent à danser, Polisse réussit dans l’ensemble à naviguer sans heurts entre les larmes et les rires. Le grand écart émotionnel que propose le film lui permet de passer d’une scène pathétique où un enfant est séparé de sa mère aux fous rires incontrôlable des policiers à l’écoute de la déposition d’une adolescente prête à tout pour récupérer son téléphone portable.
Au milieu de ces ruptures de ton, les personnages prennent joliment vie, malgré l’aspect choral de la narration : que ce soit dans la description de Fred, policier écorché vif qui peut se montrer tour à tour agressif et sensible, ou des relations d’amitié complexes qui se jouent entre les membres de la brigade, le film ne tombe jamais dans le piège des stéréotypes. La distribution remarquable y contribue, Maïwenn parvenant à la fois à jouer des personnalités et univers divers de ses acteurs et à les réunir avec bonheur dans des scènes de groupe telles que les séquences à la cantine ou à la boîte de nuit. Mais c’est aussi le procédé narratif qui maintient habilement notre intérêt pour ces policiers, dévoilant tout en laissant des zones d’ombre dans la vie de ses personnages. Mieux, Polisse n’hésite pas à mettre en danger la sympathie des spectateurs pour ses antihéros. L’agressivité verbale à laquelle ils doivent parfois avoir recours lors des prises de témoignages et le caractère brutal des questions intimes qu’ils posent y sont montrées sans détours. Cette ambiguïté d’un travail qui passe outre les libertés individuelles pour le bien des victimes reflète la difficulté même des cas traités par la brigade des mœurs qui apparaît ici, où les mensonges se mêlent à l’inconscience ou aux sentiments. L’esthétique de Polisse n’est pas celle d’un regard accusateur mais d’une présentation documentaire d’une réalité complexe, véritable problème de société.
Enfin, en plus de son objectif informatif qu’il remplit haut la main, le film de Maïwenn parvient à offrir des scènes à la fois spectaculaires et crédibles d’interventions sur le terrain. Nous rappeler que grand spectacle et engagement artistique ne sont pas antinomiques n’est pas le moindre mérite de cette œuvre ambitieuse qui mérite de rencontrer un beau succès public.
http://ladiesroom.fr/2011/11/12/polisse-lhorreur-est-humaine-bis/
RépondreSupprimerJe l'ai vu ce soir. Et ce film est le genre d'oeuvre qui me prend aux tripes en touchant au plus profond de mon affect. Outre l'aspect traumatisant de certaines scènes – non, je ne prends toujours pas de recul face à une oeuvre cinématographique –, je dois avouer que le film mérite son succès, tant sa construction, comme sa distribution est homogène.