17/01/2012

Something for the week : La colline aux coquelicots, J. Edgar

La colline aux coquelicots : 2 / 5
J. Edgar : 3,5 / 5


La colline aux coquelicots, dernière production des studios Ghibli, pose la question de la succession d'Hayao Miyazki à le tête des projets du studio. Si le premier film de son fils Goro, Les contes de Terremer, présentait des faiblesses de rythme, le deuxième est une tentative de récit réaliste peu convaincante. Privé de la poésie fantastique qui faisait tout le prix des films de Hayao Miyazaki et occasionnait des fulgurances visuelles sublimes (telle que l'éventail de couleurs psychédélique dans Ponyo), La colline aux coquelicots aborde un drame humain dont les personnages manquent un peu de profondeur et qui peine à émouvoir : pour exemple, la résolution de l'intrigue, ponctuée par des rires sonores et des visages remplis de larmes, fait sourire un instant avant de vite irriter dans ce qu'elle reprend un cliché usé de l'animation japonaise.  

Si la description d'un Japon pris entre la modernité et la tradition au début des années 60 ne manque pas de charme, ce dernier se dilue au fur et à mesure que le film aligne les scènes attendues sans présenter d'enjeux significatifs. La bande-son , où les jazzs et ragtimes paresseux remplacent les habituelles partitions splendides de Joe Hisaishi (sauf lors d'un pastiche en fin de film), empiète sur le récit davantage qu'elle ne le rythme : lors de la scène d'ouverture, une chanson rappelle même les insupportables numéros musicaux des productions Disney. C'est que le film est le reflet d'une culture japonaise hybride, entre influences culturelles occidentales et signes du mode de vie oriental : le bâtiment qui sert de refuge aux associations  de lycéens est appelé le "quartier latin" et alors que des jeunes hommes apparaissent fièrement sur son toit, les accords jazzy évoquent West Side Story et on s'attendrait presque à les voir claquer des doigts. Film sur la transformation d'un Japon qui s'ouvre à la culture occidentale, La colline aux coquelicots perd la beauté mystérieuse des esprits de la nature traditionnelle ou les figures de conte qui peuplaient la filmographie de Miyazaki père sans offrir de récit assez original en retour.


Dans J. Edgar, le lien établi entre l'opinion publique et le grand écran, d'abord en faveur des gangsters puis des forces de l'ordre, rappelle des scènes de Public ennemies, évocation romantique de John Dillinger par Michael Mann où le braqueur assistait dans un cinéma à sa transformation en personnage de fiction incarné par Clark Gable. Alors que Hoover apparaissait comme une figure d'autorité implacable et distante dans le film de Mann, la dernière œuvre de Clint Eastwood semble son contrepoint idéal ; le titre prénom J. Edgar de ce biopic du fondateur du FBI convient bien à la plongée dans l'intime qu'il propose. Fuyant le spectaculaire limité aux attentats communistes ayant frappé les Etas-Unis à la sortie de la seconde guerre mondiale et à une descente musclée dans sa première demi-heure, le film s'inscrit ensuite dans le style sobre , tout en retenue et justesse des films mis en scène par Eastwood. 

La bonne idée de J.Edgar est de faire raconter l'homme historique par lui-même à partir de ses mémoires et de contraster ce récit officiel par le biais duquel il se construit une image publique de héros américain à des scènes qui le montrent dans son intimité avec ses proches, qu'il s'agisse de sa mère, sa secrétaire Helen Gandy et son second Clyde Tolson. A travers ce va-et-vient se construit un personnage ambigu, aux intentions qui ont la noblesse du patriotisme mais aux mèthodes parfois louches, identiques à celles des états policiers. L'apparition furtive de Richard Nixon en fin de film et sa présentation comme antagoniste de Hoover n'est d'ailleurs pas innocente dans ce qu'elle dit de la similitude entre les deux hommes. D'une narration complexe et riche en détails historiques, J. Edgar ne perd cependant jamais le spectateur en route, fort du savoir-faire d'un Eastwood passé maître dans l'art du récit efficace. Leonardo DiCaprio y est bluffant dans une performance d'acteur s'effaçant devant le personnage  qui lui offrira peut-être un Oscar depuis longtemps mérité, mais ce qui fait vraiment le prix du film est la profondeur humaine des protagonistes, la patte du grand Clint : la scène de rendez-vous entre Hoover et Helen Gandy à la bibliothèque, la scène centrale de sa dispute avec Tolson, l'annonce de la mort de Kennedy ou le final mélodramatique sont autant de moments inventifs et marquants caractéristiques d'un des derniers grands cinéastes classiques. 

2 commentaires:

  1. Comme tu le sais, je suis moins enthousiaste que toi concernant J. Edgar, que j'ai décidé de surnommer "J oublié mon oreiller chez Edgar" (je sais, c'est un peu facile). Je me suis fermement ennuyée dans la première partie ! J'ai trouvé l'introduction très maladroite (une bombe, aucun contexte, et puis pouf, retour au présent - avec un acteur de Gossip Girl, là c'est l'hallu totale), et ces aller-retours entre le passé et le présent sont trop rapides, automatiques, et cassent complètement le rythme du film. Hoover a dirigé le FBI pendant des décennies, et le film parle très peu, finalement, de l'histoire du pays : on a une allusion à Kennedy, une allusion à Martin Luther King, et c'est fini. Alors que cette période est quand même la plus passionnante de l'histoire des Etats-Unis ! A aucun moment, on ne sait pourquoi Hoover était opposé à King, on ne voit jamais ses entrevues avec les nouveaux présidents, en gros, on ne le voit jamais en présence des personnes qui le craignent le plus: comment les spectateurs peuvent croire à l'influence et au pouvoir du personnage quand on le voit si peu les exercer ?
    Les scènes qui font le film sont pour moi celles qui montrent l'intimité d'Hoover, sa relation malsaine avec sa mère, son histoire d'amour sacrifiée avec Clyde Tolson (Armie Hammer est excellent à la fois chez Fincher et chez Eastwood, je le mets sur ma green list), son incapacité à contrôler ses émotions, son assurance seulement apparente... La scène où Clyde met Edgar en face de ses mensonges, après l'entrevue avec Nixon, qui se termine par un baiser chaste sur le front, m'a émue aux larmes.
    Leonardo DiCaprio est excellent, c'est vrai, mais je ne suis pas fan des transformations/vieillissements. Ça fait un peu trop "performance d'acteur" à mon goût. Il n'est jamais aussi bon que dans des rôles d'hommes ordinaires, dans Les Infiltrés ou Les Noces Rebelles (c'est dans ce dernier qu'il donne la meilleure performance de sa carrière, à mon avis).
    Bref, j'étais déçue !

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    Réponses
    1. D'accord pour Les Noces rebelles pour la meilleure performance de DiCaprio! Mais il a plus de chances d'avoir l' Oscar avec Hoover parce que c'est un rôle à récompenses.
      Dans la première partie je trouvais intéressant de voir une Amérique en proie à des attentats communistes, partie de leur histoire que j'ignorais complètement. Et la scène à la bibliothèque avec Helen Gandy est quand même formidable.

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