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2011 a été marqué en autres par Melancholia, film d'art et essai qui prouvait que les récits de fin de monde n'étaient plus l'apanage des "blockbusters" américains (Le jour d'après, 2012). 2012 confirme la tendance avec Take Shelter, film américain indépendant réalisé par le jeune Jeff Nichols. Mais alors que le film opératique de von Trier prenait la dimension cosmique d'une planète qui entre en collision avec la terre sur la musique de Wagner, le film de Nichols se déroule à l' échelle plus intime et réaliste d'une famille américaine ouvrière de l'Ohio.
Un homme est seul face à une tornade qui assombrit le ciel, puis à une pluie diluvienne qui tombe sur sa main en gouttes jaunes et épaisses : alors que l'on retrouve le même homme s'éveillant sous la douche, on comprend qu'il s'agit d'un cauchemar, comme les images ouvrant Melancholia pouvaient être perçues comme les visions de Justine. Entre Justine et Curtis, la comparaison s'arrête cependant là : là où le visage de Kirsten Dunst était celui d'une beauté triste et éthérée dans la lignée de l'iconographie romantique, Michael Shannon offre des traits rugueux et peu gracieux et semble tout droit sorti d'un film expressioniste. Autour de la présence tellurique et de l'étrangeté de cet acteur hors du commun, le film tisse habilement dans un premier temps un récit qui alterne entre scènes réalistes de la vie au quotidien dans l'Amérique simple du "Midwest" et visions cauchemardesques. Mais plus que dans une fin du monde horrifique, le drame prend vite racine dans l'angoisse irrationnelle qu'elle provoque chez Curtis, qui met en danger l'équilibre de sa famille.
Car contrairement à Justine, Curtis ne se résout pas à accepter la fin du monde. Pour se mettre lui et sa famille à l'abri ("to take shelter"), la solution est de s'isoler pour se protéger des menaces extérieures potentielles, catastrophe naturelle mais aussi chien et collègue. Mais alors que Curtis est pris dans cette logique paranoïaque, il devient l'incarnation du chaos qu'il redoute lors d'une scène d'éclat public où il est pareil à un prédicateur halluciné. Avec cette figure de père protecteur devenu fou, Nichols décrit une Amérique dont la gloire est passée et qui est à présent minée par ses angoisses : Curtis et sa femme doivent surveiller au plus près les dépenses du foyer et alors que son frère lui rend visite, il fait une rapide allusion à la crise économique. La fin du monde qui se profile est donc le reflet d'une crise bien réelle et présente. Le seul refuge face à ses angoisses, semble nous dire le réalisateur, se trouve dans la cellule familiale : Jessica Chastain, formidable en compagne inquiète mais battante, incarne avec douceur et détermination la fondation d'un foyer fragilisé par l'isolement progressif de son mari. Étude intime et subtile d'une folie, Take shelter s'offre aussi comme un miroir convaincant des angoisses du monde contemporain, proposant un climax final tendu et efficace ainsi que l'épilogue le plus ambigu depuis la fin d' Inception.
J'ai beaucoup aimé (malgré de petites longueurs), et j'ai trouvé le final ahurissant.
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