26/01/2012

Trust : un sujet délicat pour un acteur du petit écran reconverti

 Trust : 3 / 5

La reconversion est-elle possible pour les acteurs d'une série télévisée à succès ? Le destin des interprètes de Friends, sitcom emblématique des années 90, semble indiquer qu'elle soit difficile :  Lisa Kudrow, Courteney Cox et Matt Leblanc ne trouvent une suite à leur carrière qu'à la télévision, dans les séries Web Therapy, Cougartown et Episodes. Le cas d'Episodes est intéressant : Matt Leblanc vient d'être récompensé par un Golden Globe pour cette série où il se prête à l'exercice postmoderne d'incarner une version fictionnalisée de lui-même. Ce succès même témoigne de l'impossibilité pour l'acteur d'échapper réellement à son personnage très marqué de Joey Tribianni, dont la popularité était telle qu'il avait bénéficié d'un spin off après l'arrêt de Friends. Jennifer Aniston trouve quant à elle régulièrement des rôles sur le grand écran mais est cantonnée dans des comédies au mieux sympathiques mais oubliables, à l'image de Comment tuer son boss? 

 
David Schwimmer, ex Ross Geller, peut-être conscient d'un cap de carrière délicat à passer, avait posé les jalons d'une reconversion de l'autre côté de la caméra en assurant la réalisation de certains épisodes de Friends. En 2007, il se retrouvait ainsi là où on ne l'attendait pas vraiment, à la tête de la comédie britannique Cours Dennis, cours ; la présence des excellents Simon Pegg, en loser attachant, et Dylan Moran (de la sitcom anglaise Black books) en séducteur invétéré, permettait au film de remplir son contrat de divertissement honnêtement. Si Schwimmer évoluait alors dans un univers familier proche de la sitcom, Trust constitue un virage radical vers le drame à sujet sensible.

 
Annie est une adolescente moderne typique un peu complexée, qui ressent la frustration de n'être plus une enfant et pas encore une adulte, mais qui trouve du réconfort auprès d'une famille aimante et chaleureuse et surtout d'un adolescent plus âgé avec lequel elle chatte sur le net. Bien que l'introduction du film décrive un quotidien relativement insouciant, la menace latente qui peut provenir des discussions intimes entre "amis" sur internet dont les parents sont exclus, est évoquée dès les premières minutes lorsqu'un "chatteur" faisant une remarque déplacée, est bloqué par l'adolescente. Au travers de détails, le cadre posé est celui d'une Amérique obnubilée par le sexe, qu'il s'agisse des provocations d'adolescentes chez qui Annie est invitée, des publicités supervisées par son père ou du flirt de son associé marié avec une jeune serveuse. La relation d'Annie avec son confident prend dans ce contexte une dimension de plus en plus inquiétante, ce dernier refusant de se dévoiler en prétextant des problèmes de webcam et avouant au fur et à mesure son âge avancé. La rencontre entre Annie et son correspondant aboutit évidemment à un drame qui va faire voler en éclats la vie paisible de sa famille.

 
Le premier mérite de Trust est de poser un regard juste et sans compromis sur le sujet délicat de la pédophilie vécue au sein de la famille d'une victime. Le fossé d'incompréhension qui se creuse entre Annie et sa famille suite au drame que l'adolescente a vécu amène des situations déroutantes, choquantes mais surtout terriblement vraisemblables. L'expérience de Schwimmer en tant que membre de la "Rape foundation" qui vient en aide aux victimes de viols peut expliquer la justesse du ton, mais c'est surtout grâce à la jeune mais très talentueuse Liana Liberato que le film fonctionne : révoltée et fragile, elle est troublante de vérité dans des scènes souvent délicates. Ses échanges avec un père désemparé et vengeur (Clive Owen, impeccable) sont les moments forts de la deuxième partie du film. Schwimmer convainc donc en tant que directeur d'acteurs. On pourra reprocher néanmoins au film une mise en scène un peu plate ou trop soulignée (notamment lorsque son père imagine les violences subies par sa fille), qui l'empêche de réellement prendre son essor. Film sincère et fort par moments, Trust aura ainsi malgré tout du mal à emporter le spectateur, proposant faute de moyens une esthétique et un rythme plus télévisuels que cinématographiques.

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