Kill List : 4 / 5
Après
le magnifique Bullhead sorti au début
de l’année, Kill List de l’anglais
Ben Wheatley confirme l’excellente santé du polar au cinéma en 2012 : les
deux films ont en commun une ambition qui dépasse les codes du genre pour
proposer des expériences cinématographiques parmi les plus stimulantes de
l’année. Si l’interdiction aux moins de 16 ans du métrage de Wheatley n’est pas
à prendre à la légère, il est hautement recommandé aux cinéphiles adeptes des
émotions fortes.
Difficile de parler de l’intrigue de
Kill List tant l’intensité du film
repose beaucoup sur des rebondissements et des ruptures de ton inattendues. On
découvre dans un premier temps Jay, Shel et leur fils Sam pris dans un
quotidien ordinaire oppressant ; Jay est sans emploi depuis plusieurs mois
et les difficultés financières mettent à mal l’unité de la famille. Shel pousse
son mari à accepter un travail que lui propose son ami Gal. Rien de bien
original jusque-là, mais la cruauté de la description sans concession d’une famille
en crise, la justesse des dialogues et des personnages font de cette première
partie un exemple de ce que le cinéma réaliste anglais peut produire de
meilleur. Lorsqu’on apprend que Jay et Gal sont des tueurs à gage, Kill List prend un premier virage
annoncé par le titre et la bande-annonce, mais bien malin celui qui pourrait
prédire la suite.
Le film de Ben Wheatley peut se
regarder comme un polar noir et tendu
d’une efficacité redoutable, mais c’est aussi plus que cela. C’est un film qui
sera capable de vous faire rire jaune avec les échanges dialogués enlevés entre
les tueurs et leur confrontation avec un groupe de chrétiens trop bruyants
destinée à devenir culte : le découpage en chapitres donne l’impression de
voir à l’œuvre un Tarantino débarrassé de sa nonchalance pour un style plus sec
mais à l’humour noir tout aussi marqué. C’est aussi un film qui vous mettra sur
les nerfs dans des scènes réellement terrifiantes, d’un réalisme autrement plus
angoissant que les ressorts éculés des films d’horreur. La dernière demi-heure
de Kill List est à ce titre d’une
intensité remarquable, jusqu’à une conclusion glaçante qui vous hantera
longtemps.
Effrayant et dérangeant, le métrage
de Ben Wheatley va chercher le mal tapi au fond de la nature humaine pour l’explorer
dans ses différentes manifestations. Le réalisateur-coscénariste nous
transporte des exécutions tarifées accomplies par un père de famille pour
subvenir aux besoins de son foyer à l’idéologie d’une justice vengeresse, du
réalisme de la crise intime d’un couple autodestructeur au déchainement
surréaliste d’un final au bord du cauchemar éveillé. Son deuxième film y trouve
une ampleur impressionnante, nonobstant sa petite heure et demie, tout en
restant cohérent grâce à des comédiens au jeu réaliste qui nous font croire à
toutes les situations. Abouti sur la forme et sur le fond, Kill List, malgré sa sortie relativement discrète au milieu des
« blockbusters » estivaux, mérite toute l’attention que lui apportera
un bouche-à-oreille à n’en pas douter favorable.
En bref : à éviter pour les âmes sensibles, à voir absolument pour les autres
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