10/07/2012

Kill list : un polar ambitieux, effrayant et dérangeant.


 Kill List : 4 / 5

Après le magnifique Bullhead sorti au début de l’année, Kill List de l’anglais Ben Wheatley confirme l’excellente santé du polar au cinéma en 2012 : les deux films ont en commun une ambition qui dépasse les codes du genre pour proposer des expériences cinématographiques parmi les plus stimulantes de l’année. Si l’interdiction aux moins de 16 ans du métrage de Wheatley n’est pas à prendre à la légère, il est hautement recommandé aux cinéphiles adeptes des émotions fortes.


Difficile de parler de l’intrigue de Kill List tant l’intensité du film repose beaucoup sur des rebondissements et des ruptures de ton inattendues. On découvre dans un premier temps Jay, Shel et leur fils Sam pris dans un quotidien ordinaire oppressant ; Jay est sans emploi depuis plusieurs mois et les difficultés financières mettent à mal l’unité de la famille. Shel pousse son mari à accepter un travail que lui propose son ami Gal. Rien de bien original jusque-là, mais la cruauté de la description sans concession d’une famille en crise, la justesse des dialogues et des personnages font de cette première partie un exemple de ce que le cinéma réaliste anglais peut produire de meilleur. Lorsqu’on apprend que Jay et Gal sont des tueurs à gage, Kill List prend un premier virage annoncé par le titre et la bande-annonce, mais bien malin celui qui pourrait prédire la suite.

Le film de Ben Wheatley peut se regarder comme  un polar noir et tendu d’une efficacité redoutable, mais c’est aussi plus que cela. C’est un film qui sera capable de vous faire rire jaune avec les échanges dialogués enlevés entre les tueurs et leur confrontation avec un groupe de chrétiens trop bruyants destinée à devenir culte : le découpage en chapitres donne l’impression de voir à l’œuvre un Tarantino débarrassé de sa nonchalance pour un style plus sec mais à l’humour noir tout aussi marqué. C’est aussi un film qui vous mettra sur les nerfs dans des scènes réellement terrifiantes, d’un réalisme autrement plus angoissant que les ressorts éculés des films d’horreur. La dernière demi-heure de Kill List est à ce titre d’une intensité remarquable, jusqu’à une conclusion glaçante qui vous hantera longtemps.



Effrayant et dérangeant, le métrage de Ben Wheatley va chercher le mal tapi au fond de la nature humaine pour l’explorer dans ses différentes manifestations. Le réalisateur-coscénariste nous transporte des exécutions tarifées accomplies par un père de famille pour subvenir aux besoins de son foyer à l’idéologie d’une justice vengeresse, du réalisme de la crise intime d’un couple autodestructeur au déchainement surréaliste d’un final au bord du cauchemar éveillé. Son deuxième film y trouve une ampleur impressionnante, nonobstant sa petite heure et demie, tout en restant cohérent grâce à des comédiens au jeu réaliste qui nous font croire à toutes les situations. Abouti sur la forme et sur le fond, Kill List, malgré sa sortie relativement discrète au milieu des « blockbusters » estivaux, mérite toute l’attention que lui apportera un bouche-à-oreille à n’en pas douter favorable.

En bref : à éviter pour les âmes sensibles, à voir absolument pour les autres

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