Hugo Cabret : 3,5 / 5
Mission : impossible - protocole fantôme : 3,5 / 5
En cette période de Noël, deux grands films spectaculaires américains se partagent l'affiche, Hugo Cabret et Mission : impossible - protocole fantôme. Si identifier le premier film à un conte de Noël pour enfants est erroné, réduire le deuxième à un film d'action mécanique l'est tout autant. Avec ces deux sorties de fin d'année, Hollywood nous prouve qu'il peut encore produire des films alliant grand spectacle et intelligence, si les projets tombent entre de bonnes mains.
Ici, deux cinéastes qui ont fait leurs preuves sont à la barre, Martin Scorsese et Brad Bird. On ne présente plus le premier, réalisateur iconique des années 70 auteur des magistraux Taxi driver et Raging bull qui a su se renouveler et proposer des films brillants et enfin reconnus dans les années 2000, notamment avec Les infiltrés. Brad Bird est quant à lui issu de Pixar, réalisateur des formidables Indestructibles et Ratatouille (ce dernier reste selon moi le meilleur des dessins animés produits par les studios). Les deux cinéastes s'aventurent avec leurs derniers films sur des terrains nouveaux : Scorsese celui d'un cinéma grand public après une filmographie marquée par la violence, Bird celui du film en prise de vues réelles. Il est alors intéressant de constater ce en quoi les deux films s'inscrivent malgré tout dans la continuité de leurs œuvres passées.
Adapté du roman de Brian Selznick, Hugo Cabret prend pour héros un orphelin qui vit en secret dans une gare tout en s'occupant des horloges du bâtiment, pourchassé par un inspecteur de gare pour ses multiples chapardages. La séquence introductive, brillante course-poursuite qui présente le décor où se déroulera l'intrigue, met l'accent sur l'aspect conte à la Oliver Twist de l'intrigue. Cependant, le héros tapis dans l'ombre évoque aussi une figure plus tragique, celle du fantôme de l'opéra de Gaston Leroux. Il y a quelque chose de triste dans ce héros sérieux avant l'âge, associé au thème musical mélancolique de Howard Shore. Et le film, plus qu'il ne privilégie l'action, se concentre sur un ensemble de personnages brisés par la vie, en tête duquel Georges Méliès. On retrouve alors le caractère tragique du cinéma de Scorsese, qu'il raconte la solitude d'un chauffeur de taxi ou d'ambulance hantés par le passé (Taxi driver et A tombeau ouvert), la déchéance du boxeur Jake Lamotta (Raging bull) ou l'engrenage violent dans lesquels sont pris les membres de la mafia (Les affranchis, Casino, Les infiltrés). Pour reprendre les termes de Hugo Cabret, quelque chose s'est déréglé dans la machine du monde, qu'il faut réparer. [spoiler] Avec pour la première fois chez Scorsese un véritable "happy end", chaque personnage ayant trouvé la place qui lui correspondait pour refaire tourner le monde avec bonheur. Si le film est emprunt d'une nostalgie poignante pour un temps révolu, celui du cinéma bricoleur et magique de Méliès, le retour du cinéaste sur scène est glorieux, miroir inversé du bar minable où Jake Lamotta évoquait dans un numéro de stand-up pathétique ses exploits passés.
Produite par Tom Cruise, la série des Mission : Impossible a vu se succéder des réalisateurs qui ont à chaque fois imprimé le film de leur personnalité : l'original de De Palma était un thriller paranoïaque et hitchcockien fait de faux semblants, le deuxième réalisé par John Woo reprenait les codes de son cinéma d'action (avec lâcher de colombes inclus) et le troisième mélangeait action et sentiments comme dans la série Alias du réalisateur J.J. Abrams. Formellement, Brad Bird apporte à Mission : impossible - protocole fantôme une fluidité des scènes d'action plus proche du découpage de l'animation que du montage rapide de plans serrés qui semble être devenu une mode dans les "blockbusters" contemporains. Le film renvoie aussi à une thématique récurrente dans les films de Bird, celle du travail en équipe : le superhéros pris au piège se faisait secourir par sa famille au grand complet dans Les indestructibles, le dîner final de Ratatouille était préparé par une colonie de rats solidaires. Dans sa version de Mission : impossible, l'union fait donc la force face à une technologie défaillante, "running gag" efficace tout au long du film. Plus que de simples équipes, les groupes sont des familles de substitution pour les agents qui les composent : on peut y perdre un être cher et une mission délicate peut être l'occasion de se retrouver seul avec un coéquipier et évoquer avec compassion son divorce. Combinant humain et grandiose avec bonheur (en particulier dans toute la partie à Dubaï), Mission : impossible - protocole fantôme est sans conteste l'opus le plus réussi de la série, en même temps qu'un des meilleurs divertissements de l'année 2011.
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