Barbara : 3,5 / 5
Barbara de
Christian Petzold, Ours d'argent de la mise en scène au dernier festival de
Berlin, n'est pas sans évoquer La vie des autres de Florian Henckel von
Donnersmack : les deux films se déroulent dans la RDA des années 80 et
proposent à partir de ce contexte des drames psychologiques tendus. Mais les
destins individuels décrits par les deux films tracent des trajectoires
opposées. En effet, alors que l'agent de la Stasi de La vie des autres voyait
vaciller sa foi dans le système totalitaire qu'il servait, l'héroïne éponyme du
film de Petzold, résolue à fuir l' Allemagne de l'Est, se retrouve confrontée à
un dilemme.
Suite à une
demande de sortie de RDA, Barbara (Nina Hoss), chirurgien pédiatre, est mutée
de Berlin pour un hôpital de province. Dès son arrivée à son nouveau lieu de
travail, elle est placée sous surveillance : écrasée dans un plan en forte
plongée, elle est observée par le médecin-chef André (Ronald Zehrfeld)
découvert en contrechamp en compagnie d'un officier de la Stasi qui dresse son
portrait. Centré sur le personnage de Barbara, le film plonge dès lors le
spectateur dans une atmosphère hitchcockienne et paranoïaque, où les moindres
faits quotidiens trahissent l'anormalité ; ainsi la sollicitude dont fait preuve
André à l'égard de sa collègue en la reconduisant chez elle, est immédiatement
suspecte étant donné qu'il ne lui demande même pas où elle habite. Si Barbara
reste dans une distance méfiante, ce n'est qu'une réponse aux violations
quotidiennes de son intimité : sa logeuse autoritaire lui ordonne de
l'accompagner pour lui montrer la cave sans même lui laisser le temps de
s'habiller. La Stasi peut débarquer sans crier gare et se livrer à une fouille
méticuleuse. Pour reprendre les propos que tient l'héroïne à son amant venu de
l'Ouest qui se propose de la rejoindre, « il n'y a pas de vie possible
ici ».
Le suspens
pourrait donc se résumer dans un premier temps à savoir si Barbara parviendra à
s'échapper et retrouver un ailleurs synonyme de liberté. Mais l'originalité et
l'intelligence du film de Petzold est de bouleverser cette situation de départ de manière progressive. Barbara
trouve d'abord sa place à l'Est en offrant sa compassion chaleureuse à une
jeune patiente martyrisée par les autorités : elle résiste ainsi à un régime
autoritaire et insensible en adoptant une attitude humaniste. Cependant son
hésitation à partir ne tarde pas à prendre une dimension plus intime, à travers
sa relation sentimentale avec André au cœur du film. Barbara se montre alors
passionnant et d'une grande finesse en restant toujours ambigu sur les
motivations de son personnage masculin qui garde comme l'héroïne sa part de
mystère : Barbara et le spectateur peuvent-ils accorder leur confiance à André
? Le contexte politique de l'intrigue permet à Petzold d'illustrer au mieux la
confrontation à l'autre, la part d'inconnu propre à la construction d'un
couple. Nina Hoss et Ronald Zehrfeld sont tous deux extraordinaires dans un jeu
nuancé et retenu, au service de la tension palpable de scènes où les mots sont
suspects et la vérité perce dans les silences, les gestes et les regards.
L'hésitation de Barbara
est incarnée par la représentation ambivalente de la RDA où elle évolue. Petzold a voulu en donner l'image d'une
« île socialiste au milieu d'un monde capitaliste » (il s'en explique
dans un entretien accordé au magazine Positif) : si elle devient alors
équivalente à une prison pour Barbara, l'aspect insulaire passe aussi par la
description d'un cadre naturel et sauvage qui entoure la société rigide. Avec
sa plage désolée où la mer s'agite, son bois où peuvent se rencontrer les
amants en secret et sa croix isolée au pied de laquelle l'héroïne cache des
Deutsche Mark d'Allemagne de l'Ouest, son décor confère à Barbara un charme romantique indéniable et
persistant.
En bref : à voir
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