Miss Bala : 4 / 5
Depuis 2006, le conflit qui oppose le gouvernement mexicain au cartel de la drogue a fait plus de 35 000 morts. Ne serait-ce que parce qu'il rend compte de cette réalité, en traitant de manière frontale la criminalité et la corruption qui règnent au Mexique, Miss Bala est un film important. En prise directe avec le réel, le métrage de Gerardo Naranjo trouve son origine dans un fait divers, que le réalisateur transforme en thriller haletant, en adoptant le point de vue d'une victime instrumentalisée par les narcotrafiquants.
Laura (Stephanie Sigman) est une belle jeune femme qui compte bien
s'échapper de l'environnement pauvre de Baja en participant à un
concours de beauté : pleine d'espoir, elle offre un visage souriant
à la caméra, qu'on pourrait placer parmi des photographies de stars
qui tapissent les murs de sa chambre. Elle s'amuse avec son amie à
passer devant une file de candidates au concours qui partagent le
même rêve glamour. Cependant cette chimère est bien vite rattrapée
par la réalité sordide d'une boîte de nuit, où une danse lascive
avec des policiers peut servir de ticket d'entrée à la compétition
des « miss ». En un plan, le film bascule : le reflet
flou de Laura dans le miroir des toilettes où elle s'est réfugiée
dit bien la distance qui s'établit déjà entre elle et un rêve
sali ; son amie accepte de quitter la boîte et Laura, rassurée,
peut se recoiffer dignement ; mais alors qu'elle se retrouve seule un
homme armé fait irruption (Noe Hernandez) et la menace alors qu'elle
s'est recroquevillée, apeurée et soumise ; s'ensuit un règlement
de comptes qui est pour l'héroïne le commencement d'un long
cauchemar éveillé.
Si
la brillance formelle de Miss Bala,
avec ses mouvements de caméra chorégraphiés avec précision, peut
évoquer certains plans du cinéma de De Palma, l'usage qu'en fait
Naranjo est à mille lieues du formalisme jubilatoire au cœur de
Blow out ou
Snake eyes. En
utilisant la durée des plans, le réalisateur mexicain cherche,
quant à lui, à inscrire son intrigue dans des environnements
décrits avec précision : le choix s'avère payant, conférant un
aspect documentaire au film (absence de coupes donc impression de
réel) en même temps qu'il contribue à installer une tension
constante.
Prise dans les rouages du trafic de drogue, Laura ne peut s'échapper
et attend avec anxiété les rebondissements tragiques d'un destin
qu'elle ne contrôle plus. Entre une interpellation musclée par un
policier, l'irruption du cartel de la drogue chez elle ou une
fusillade qui éclate sans prévenir, l'héroïne subit sans jamais
pouvoir se défendre. La mise en scène de la confrontation musclée
entre les forces de l'ordre et les trafiquants illustre bien
l'esthétique choisie par Naranjo : le spectateur reste avec Laura
dans la voiture, avant que le plan suivant ne s'attarde sur des corps
blessés ou abattus qui s'écroulent, plutôt que de proposer un face
à face spectaculaire et hollywoodien. Au spectacle pyrotechnique, le
réalisateur préfère la confrontation psychologique entre la jeune
femme et son tortionnaire, le chef des trafiquants (Noe Hernandez,
d'un calme inquiétant) : la façon dont ce dernier prend peu à peu
le contrôle du corps de sa victime est un des éléments les plus
glaçants du film.
En
plaçant le spectateur du côté d'une héroïne ordinaire et pleine
de vie, vidée peu à peu de toute son énergie et de sa volonté
(interprétée avec courage par une Stephanie Sigman dont même la
terreur initiale s'efface pour laisser place à une résignation
apathique), Gerardo Naranjo montre la situation du Mexique dans ce
qu'elle a de plus révoltant, d'inhumain. Film fort et engagé, Miss
Bala permet aussi de découvrir
un metteur en scène talentueux dont on attend avec enthousiasme le
premier projet hollywoodien The Mountain Between us
auquel le nom de Michael Fassbender est attaché. On lui souhaite une
carrière internationale égale à celle de ses brillants
compatriotes Guillermo Del Toro (Hellboy,
Le labyrinthe de Pan),
Alfonso Cuaron (Les fils de l'homme)
et Alejandro Gonzalez Inarritu (Babel,
Biutiful).
En bref : à ne pas manquer
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