Dark shadows : 2,5 / 5
Entre la reprise de
l'exposition du Musée d'art moderne de New York à la Cinémathèque
Française, la sortie de Dark Shadows la semaine dernière et
celle de Frankenweenie en fin d'année, 2012 est l'année Tim
Burton. L'auteur y est-il pour autant à son apogée ? Hélas, pas
vraiment, Dark Shadows confirmant des signes d'épuisement,
perceptibles dans son cinéma depuis quelques années.
Jusqu'à la fin des
années 90, la carrière de Burton montrait une belle cohérence,
avec deux périodes bien distinctes. Cet artiste à l'imagination
très noire avait quitté les studios Disney pour signer une série
de films, à l'univers gothique et pervers, qui mettaient à mal
l'Amérique bien-pensante : le point culminant de cette première
période était le sombre L'étrange Noël de Monsieur Jack
produit par Disney, Burton tenant alors sa revanche sur ceux qui
l'avaient fait dessiner des personnages adorables jusqu'à
l'écœurement. Ayant finalement imposé son univers personnel, le
cinéaste avait signé ce qui peut être perçu rétrospectivement
comme une trilogie, visuellement éclectique, en hommage aux films
qui avaient nourri son imagination (Ed Wood, Mars Attacks
!, Sleepy Hollow). Le premier faux pas, avec le très
conventionnel La Planète des Singes, en 2001, signait la fin
de cette période dorée.
Pourquoi les films
de Burton des années 2000 ne sont-ils jamais parvenus à retrouver
totalement la magie de ses premières œuvres ? Sans pour autant être
mauvais (à l'exception peut-être d'Alice au Pays des Merveilles,
d'un ennui mortel), chaque film déçoit un peu car le cinéaste ne
parvient plus à surprendre. Si l'on considère Sweeney Todd,
son film le plus surprenant et convaincant ces dernières années, le
mérite en revient au décalage macabre de la comédie musicale dont
est tiré le métrage, plus qu'au réalisateur.
Dark Shadows
laisse pourtant l'illusion d'un possible renouvellement. Après un
prologue au romantisme noir, attendu chez Burton (un homme, Barnabas
Collins, se jette d'une falaise pour rejoindre dans la mort sa
fiancée tombée sous l'emprise d'une sorcière, avant d'être changé
en vampire par cette dernière), le passage aux années 70 et à
Nights in White Satin qui accompagne le trajet d'une jeune
gouvernante, mystérieuse mais ordinaire, semble ouvrir sur un
possible territoire inexploré pour l'auteur. Le premier quart
d'heure ne fait que peu appel au fantastique, mais pose une
atmosphère étrange, à partir des excentricités de la famille
Collins chez qui l'héroïne est engagée. Hélas, une fois Barnabas
revenu parmi les siens, le récit oublie bien vite tous les
personnages au profit d'un Johnny Depp producteur omniprésent, et le
film se transforme en comédie fantastique ronronnante jusqu'à son
final bâclé.
Voir Johnny Depp
cabotiner à outrance dans un rôle aussi caricatural et figé que
celui de Jack Sparrow (amusant dans le premier Pirates des
caraïbes avant de devenir insupportable par la suite) fait de la
peine quand on se souvient de ses premières collaborations
extraordinaires avec Burton. La présence d'Alice Cooper, qui incarne
son propre rôle 40 ans plus tôt, devient curieusement la métaphore
du statut du réalisateur et de son acteur fétiche : les deux
artistes réutilisent les trucs qui ont fait leur succès mais le
tout ressemble à un numéro d'auto imitation. En lien avec ce manque
d'investissement réel, le film fait se suivre les scènes plus ou
moins réussies, sans jamais acquérir de profondeur, et laisse
l'impression d'un « patchwork » un peu incohérent.
Mais la dimension
la plus inquiétante pour l'avenir de Burton est la façon dont il
fait, mine de rien, le récit d'une victoire de l'ordre établi.
Barnabas issu d'une famille bourgeoise a été changé en vampire par
une servante qu'il a séduite puis rejetée (la sulfureuse Eva
Green). La vengeance de cette dernière peut alors être perçue
comme une revanche sociale légitime contre le symbole d'une classe
dominante et méprisante. Mais ce que le film nous raconte, c'est
plutôt la renaissance des Collins, sans jamais mettre vraiment en
question la légitimité de Barnabas. Alors que la sorcière vaincue
pleure des larmes qui se perdent dans les fissures d'un visage
craquelé (belle image qui montre bien ce dont Burton est encore
capable par intermittence), on ne retrouve pas la compassion tragique
qui avait fait l'émotion de la mort du monstrueux Pingouin dans
Batman Returns. Et Burton d'achever son film par un « happy
end » et un plan final digne des films d'horreur les plus
standards, qui laissent au spectateur un arrière-goût très amer.
En bref :
dispensable
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire