19/11/2011

Contagion : un cinéma au réalisme distant et peu réjouissant

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Bien qu’il annonce son intention d’abandonner la réalisation pour se consacrer à la peinture, Steven Soderbergh semble pour autant ne pas être prêt à renoncer à son rythme de production stakhanoviste : alors que Contagion vient d’arriver sur nos écrans, et en plus de la sortie de Haywire prévue pour début 2012, le réalisateur indépendant travaille actuellement sur trois autres projets. Sa filmographie foisonnante a produit le meilleur comme le pire : la maîtrise de L’Anglais, Hors d’atteinte ou Ocean’s eleven y côtoient le désordre esthétique et narratif de Full Frontal ou Ocean’s twelve. On pourra néanmoins reconnaître l’intégrité d’ un cinéaste qui s’il s’entoure de stars a su contourner les système hollywoodien pour aboutir par exemple à la beauté hypnotisante de Solaris. En chercheur de formes originales et touche-à-tout, Soderbergh peut parfois s’égarer mais ses trouvailles sont à ce prix. Dans une logique d’exploration des genres divers, Contagion est une nouvelle expérience pour le réalisateur qui se lance ici le défi du film catastrophe.


Aux antipodes du grand spectacle hollywoodien caractéristique du film catastrophe établi depuis ses représentants des années 70 (L’aventure du Poséidon, Tremblement de terre, La tour infernale), Soderbergh opte pour une approche sobre et réaliste. En utilisant comme point de départ l’épidémie de SRAS de 2003 restée majoritairement confinée à l’Asie, Contagion imagine le pire et propose par la fiction la simulation crédible d’ une situation de crise sanitaire à l’échelle mondiale. Les principaux acteurs du film, plus que les personnages, sont le département de la santé américaine, l’ OMS et les médias.. Malgré son casting de luxe, le film de Soderbergh offre en fait peu d’occasions à ses acteurs de briller. L’ effacement du « star system » face au récit documentaire à échelle mondiale est annoncé dès les premières minutes et la mort de Beth Emhoff, pourtant incarnée par Gwyneth Paltrow et donc devenue personnage de premier plan éventuel. Son autopsie détaillée avec crâne ouvert achève de la dépouiller du glamour hollywoodien protecteur. 

En dehors des conventions du cinéma classique empathique, Contagion instaure un point de vue distancié envers ses personnages pour mieux embrasser une narration de grande ampleur, sans héros. Cependant, le film présente curieusement la limite de cette esthétique : alors qu’une membre de l’OMS (Marion Cotillard) observe des enregistrements de caméras de surveillance, le spectateur assiste quant à lui à une reconstitution des scènes visionnées avec un découpage classique à plans multiples type flash-back. Ce parti pris pourrait passer inaperçu si la présence de Gwyneth Paltrow dans ces scènes n’en devenait pas suspecte, comme un droit de temps de présence à l’écran rattrapé post mortem, lié à la présence de l’actrice en tête d’affiche.

  
L’ objectivité du récit de Contagion peut être mise en doute, une fois son montage inaugural qui suit les premières victimes aux quatre coins du globe passé. La présentation d’un monde scientifique occidental performant tandis que les pays asiatiques semblent dépendre de l’avancée de leur recherche de vaccin tombe dans les schémas manichéens du cinéma hollywoodien. La scientifique américaine qui découvre le remède à l’épidémie a beau refusé les lauriers, son supérieur lui rappelle qu’elle est malgré tout une héroïne des temps modernes qui a sauvé des millions de gens. Et cette référence finale aux vies innombrables sauvées est le signe de l’abstraction du film qui fait progressivement grossir le nombre de victimes de l’ épidémie sans que leur réalité soit jamais tangible.

Sous couvert de narration objective, Soderbergh choisit en fait majoritairement le point de vue des médias ou des autorités scientifiques, l’ épidémie existant par des discours de bureaux ou des échanges téléphoniques plus souvent qu’elle n’est montrée. A ces scènes dont le caractère répétitif se fait peu à peu sentir, on préférera la partie du récit plus concrète qui suit le veuf de Beth (Matt Damon) et aborde la déshumanisation d’une société où le maître mot devient la survie : entre film de zombie jouant sur la peur de la contamination et film de science-fiction mettant en scène un monde aux rues et centres commerciaux déserts, le film tenait là une vraie tension dramatique avec des enjeux plus concrets. A prendre de la distance pour mieux traiter son vaste sujet, Soderbergh en oublie hélas le plaisir simple du spectacle.

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