Le but de cette rubrique hebdomadaire et informelle est d’offrir des avis plus concis sur certains films que j’ai vus et qui ne bénéficient pas d’un traitement en article plus approfondi (ce qui ne présage en rien de leur qualité).
Il était une fois en Anatolie : 5 / 5
50/50 : 3 / 5
Les neiges du Kilimandjaro : 4 / 5
La critique française de cinéma, consciente de ses goûts parfois élitistes, prévient régulièrement le public de l’exigence de certaines œuvres qu’elle défend avec enthousiasme. C’est le cas pour Il était une fois en Anatolie, film du turc Nuri Bilge Ceylan qui a partagé le Grand Prix du dernier festival de Cannes avec Le Gamin au vélo : les louanges se mêlent à une mise en garde du spectateur par rapport à la lenteur et la longueur du film qui dépasse les 2 H 30. Cette durée excessive constitue certes un obstacle a priori, mais il convient de constater qu’il y a dans les « blockbusters » américains à succès une tendance actuelle à dépasser allègrement le cap de la deuxième heure, qu’il s’agisse d’Avatar, The dark knight, Inception ou de chacune des deux parties du diptyque qui conclut la saga Harry Potter : si le cinéma grand public fait fi des problèmes de durée, pourquoi le cinéma d’auteur devrait-il s’en soucier ? Il était une fois en Anatolie demande assurément que l’on se laisse porter par son récit d’une errance dans la campagne turque, mais il s’agit surtout d’une œuvre forte à la portée universelle.
Sa mise en scène précise et originale, la beauté sidérante de ses plans nocturnes et son intrigue dépouillée devenue drame existentiel en font un chef d’œuvre d’une évidence mystérieuse. Déroutant, déjouant les attentes du spectateur en délaissant les plaisirs de son récit policier qui piétine (rappelant par instants le formidable Memories of murder), le film de Nuri Bilge Ceylan est peuplé de personnages passionnants car profondément humains, incarnés avec subtilité par des acteurs extraordinaires. Pour résumer en reprenant les propos de son réalisateur, Il était une fois en Anatolie exige de son spectateur une disponibilité proche de l’immersion dans la lecture, hélas devenue rare en cette époque de loisirs multiples et immédiats. Véritable expérience de cinéma, le film provoquera au choix l’ennui interminable ou l’adhésion la plus totale mais ne laissera personne indifférent.
Pour ceux en recherche de plaisirs cinématographiques plus accessibles, 50/50 est à recommander. Cette comédie dramatique sensible où un jeune homme est confronté à un cancer bénéficie du vécu de son scénariste, qui lui permet de trouver le ton juste dans les situations dramatiques comme peut le faire Intouchables. Avec toutefois une mise à distance par l’humour moins systématique, malgré l’efficacité comique de Seth Rogen en pote un peu lourdaud. Entre comédie et drame, la finesse du film est de se faire suivre une scène politiquement incorrecte où Adam (Joseph Gordon-Levitt, convaincant) plane après avoir fumé un pétard et est hilare devant les signes de la tragédie intime du cancer vécue par les proches d’un mort, et une scène de souffrance de nuit où il se réveille pour vomir. En dehors d’Adam, il y a chez tous les personnages de 50/50 une vraie fragilité qui les rend attachants et permet de faire poindre l’émotion. En plus de son caractère touchant, le film de Jonathan Levine permet de retrouver la trop rare Angelica Huston et de confirmer qu’ Anna Kendrick mérite mieux que les quelques plans de coupe où on la retrouve dans Twilight : Révélation. Dans la lignée de Judd Apatow, 50/50 est donc un film sympathique qui a le mérite de traiter de front la maladie qui fait partie de son sujet.
Enfin, pour ceux à la recherche d’un « feel good movie » et d’une atmosphère ensoleillée, Les neiges du Kilimandjaro est vivement conseillé. Contrairement à ce que laisserait entendre le titre du film, on n’y retrouvera cependant pas de paysages africains exotiques mais Marseille, ville d’origine et donc décor de prédilection du réalisateur Robert Guédiguian. A partir de la noirceur d’un fait divers, l’auteur livre une fable sociale euphorique et chaleureuse où l’ héroïsme trouve sa place dans la simplicité du quotidien. Le film se situe au croisement idéal de Marcel Pagnol, pour le regard sympathique posé sur les personnages et l’accent chantant du Sud, et de Frank Capra, pour la foi qu’il affirme dans une générosité et solidarité entre les hommes. L’absence de cynisme du film le fera passer pour naïf et peu crédible auprès de certains, mais elle constitue une bouffée d’air frais dans le contexte social morose. D’une écriture simple et belle, incarné par des acteurs convaincus et convaincants, Les neiges du Kilimandjaro, encore plus qu’ Intouchables à mon sens, prouve qu’un cinéma populaire sincère et de qualité est possible.
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