Avec Les Lyonnais, Olivier Marchal passe de l’autre côté de la loi après un début de filmographie qui avait pour protagonistes les membres de la police française dont il a fait un temps partie. Le film est centré sur Edmond Vidal, un des chefs du fameux gang de braqueurs de Lyon ; après Alain Delon engagé sur le projet à l’origine, c’est finalement Gérard Lanvin qui l’incarne trente après avoir déjà tenu son rôle dans le feuilleton télévisé La traque. Le rapport de confiance qui s’est noué entre l’ acteur et le gangster à la suite de ce premier tournage [1], ainsi que l’expertise apportée par Michel Neyret, numéro deux de la PJ de Lyon à l’époque des faits relatés, laissaient présager un film authentique et documenté qui avait l’envergure d’un « grand polar » [2].
À l’arrivée le film est très loin de ces attentes et se révèle un polar franchouillard fade et sans rythme. Il y a pourtant un beau casting de « gueules » : du côté des malfrats dirigés par Lanvin, on retrouve Tchéky Karyo, Daniel Duval ou Lionnel Astier tandis que Patrick Catalifo en chef de la brigade anti-gang est inspiré du super-flic Michel Neyret. Entre charisme viril et cliché macho, il y a cependant une frontière assez lâche que le film franchit hélas. Tous ces personnages aux expressions fermées sont des caricatures pour lesquelles on a du mal à se passionner. Si les flash-backs sont censés apporter de la densité aux personnages hermétiques, leur jeunesse passionnée et mouvementée n’apporte quasiment aucun éclairage : la durée trop brève des scènes ne permet d’installer aucune émotion et empêche ainsi toute empathie pour les malfaiteurs. La relation d’amitié entre Edmond Vidal et son complice d’antan incarné par Karyo, moteur du drame au présent, n’est jamais crédible, et par voie de conséquence le dilemme auquel le personnage de Lanvin doit faire face dans des gros plans ou des postures silencieuses signifiantes devient une pose lassante.
Ce manque d’incarnation du film produit une impression de survol de son sujet par Marchal. La promesse d’immersion dans le milieu du banditisme tourne vite court : alors que Edmond se retrouve jeune à préparer des braquages, la séquence qui suit les présente tous de loin, sans transmettre l’ adrénaline et la tension qui les entoure. Le point de vue de l’ extérieur aboutit à les situations rebattues des films de mafia : le baptême inaugural du film ou la scène où la famille Vidal se fait tirer dessus par une voiture qui passe évoquent des scènes similaires du Parrain, mais sans le brio de Coppola. Car la mise en scène de Marchal est ici d’une grande platitude, manquant cruellement de rythme et d’idées. Le générique de début des Lyonnais type série TV, montage rapide d’images du film à venir sur une musique punk, a ainsi valeur de gadget visuel tentant de dynamiser dès les premières minutes un film qui ne décollera jamais. Les scènes spectaculaires, qui auraient pu extraire par instants le film de la torpeur dans laquelle il s’installe, y sont à moitié abouties : la séquence de récupération du personnage de Karyo à l’hôpital manque de souffle et de cohérence de point de vue, et une descente de policiers est expédiée en quelques plans malgré la promesse d’un affrontement musclé.
On en vient à se demander si le réalisateur des Lyonnais est bien l’ auteur de Braquo, série policière autrement plus dynamique et cinématographique. Et devant la pointe d’intérêt qu’éveillent des scènes où l’on voit des policiers attablés pour déjeuner témoigner leur admiration au gangster qu’ils viennent d’arrêter, on se prend à rêver à un autre film, un beau polar sur les rapports ambigus entre flics et voyous, tels que mis à jour par l’affaire Michel Neyret ; un film qui bousculerait le spectateur au lieu d’aligner des clichés mis en scène sans relief.
[1] Gérard Lanvin évoque sa rencontre et ses rapports avec Edmond Vidal dans une interview accordée à Allociné pour la sortie des Lyonnais.
[2] Olivier Marchal dans la même double interview accordée à Allociné.
Critique très intéressante ! Et je vous rejoins dans vos propos.
RépondreSupprimerTout de même, je me demande si votre jugement n'est pas trop catégorique: certes le sujet est totalement traité en surface mais ne pouvons-nous pas pousser la réflexion? Car Marchal est sûrement un des réalisateurs les mieux placés pour connaître les engrenages de cet univers. Ses recherches, ses interviews préliminaires font montre d'une certaine maîtrise. Pourtant le résultat ne satisfait pas: faut-il donc bien connaître son sujet pour en faire un bon film?
Ou faut-il avoir d'autres qualités?
Marchal est légèrement sorti de son champs d'action et ne semble pas aussi adroit que pour le reste.
Voilà ma petite réflexion autour du film.
C.D.