13/03/2014

Only Lovers Left Alive : une balade pop envoûtante

4 / 5

Le grand prix décerné à Inside Llewyn Davis au festival de cannes 2013 a été pour moi l’un des grands mystères de l’année 2013. Non pas que les frères Coens manquent de talent, mais leur dernier opus était d’un vide scénaristique sidérant, comblé par l’artifice d’un chat de l’aveu même de ses auteurs. Si la légèreté grave et la musicalité du film d’Inside Llewyn Davis ont su charmer le jury, Only Lovers Left Alive bénéficiait des mêmes qualités pour un résultat autrement plus convaincant. Le film de Jim Jarmusch, balade d’une beauté saisissante, aura été le grand oublié de Cannes.


Sur un ciel étoilé qui tournoie, un générique s’affiche en lettres gothiques rouges ; la typographie évoque un film d’horreur de la Hammer, clin d’œil du cinéaste au genre vampirique dans lequel s’inscrit Only Lovers Left Alive. La voute céleste laisse bientôt place à un vynile sur une platine puis à des travellings avant circulaires qui se rapprochent progressivement d’un homme et d’une femme, amants physiquement séparés mais réunis dans leur rêverie. Par le biais d’une musique planante et de mouvements de caméra à la lenteur majestueuse, Jim Jarmusch installe le rythme hypnotisant et onirique de son film, imposé par ses protagonistes.

Si Adam et Eve (Tom Hiddleston et Tilda Swinton, superbes) semblent se mouvoir au ralenti, c’est que leur expérience du temps est autre que celle des « zombies », simples mortels qui les entourent : vampires immortels, ils ont traversé les crises du monde. La dialectique au cœur de Only Lovers Left Alive a à voir avec les deux attitudes  opposées des protagonistes face à l’immortalité : d’un côté, le désir de mort d’Adam fatigué et désabusé, qui se lamente de l’idiotie à l’œuvre dans le monde; de l’autre, le désir de vie d’Eve qui chérit les fragiles beautés qui nous y sont offertes.


Au premier abord, Jim Jarmusch semble privilégier dans Only Lovers Left Alive la vision d’Adam, au travers du cadre extraordinaire du Détroit contemporain qui prend des allures fantastiques. Autrefois centre de l’industrie automobile américaine, la métropole abandonnée est pareille à une ville fantôme parcourue de chiens errants, aux maisons vides et aux théâtres luxueux devenus parkings. En quête d’un sang sain devenu une denrée rare, Adam et Eve voient leur pérennité menacée, et les déambulations  du couple se font au son de marches funèbres électriques et entêtantes composées par Adam.  

Ne pas penser pour autant qu’ Only Lovers Left Alive est un film lugubre, bien au contraire. En effet, le film de Jarmusch relève au final bien plus de la comédie que du drame, la vitalité de la lumineuse Eve l’emportant ainsi sur la dépression du sombre Adam. Tentant de passer inaperçus parmi les mortels, les protagonistes de Jim Jarmusch vivent pourtant dans un léger décalage  qui rend comique leur confrontation avec des problèmes quotidiens tels que l’irruption d’un invité envahissant (Mia Wasikowska, géniale en sœur d’Eve espiègle).


Lumineux, Only Lovers Left Alive l’est aussi dans la façon qu’il a de réenchanter le monde malgré sa tonalité mélancolique. On y imagine une étoile pareille à un diamant de platine vynile, on y admire des guitares mythiques,  on y feuillette avec délice des livres chéris à emporter en voyage et on parvient à y trouver encore de quoi s’émerveiller au coin d’une rue de Tanger. Romantique et poétique, cette rêverie pop élégante et revigorante nous invite au final à nous nourrir de beautés encore bien présentes.

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