Twixt : 2,5 / 5
Afin
d'aborder le dernier Coppola, revenons à son titre dont le sens
échappe aux anglophones les moins avertis : « twixt »
est une forme ancienne de « between », soit « entre ».
Et force est de constater que ce titre convient parfaitement à une
œuvre qui se situe dans un espace intermédiaire et mêle le réel
au rêve et à la fiction (au niveau de sa narration mais aussi de sa
conception). On peut aussi se montrer plus sévère et considérer
que le cinéaste se cherche dans un entre-deux, pour un résultat
finalement peu probant. Ni nanar ni chef d’œuvre, Twixt est
un film pas mauvais, sans plus.
Dans
la lignée de ses deux précédents films, Coppola a choisi
d’auto-produire Twixt hors du système hollywoodien, en
choisissant lui-même ses collaborateurs : il en profite pour
associer une nouvelle fois sa famille à son travail, en confiant à
sa petite-fille le tournage du « making of ». Mais avec
ce mode de production le réalisateur entend surtout trouver la
liberté nécessaire à des films très personnels.
Le
héros, Hall Baltimore (Val Kilmer), est ainsi un écrivain d'horreur
sur le retour, miroir de Coppola qui confie dans un entretien accordé
aux Cahiers du cinéma « J'ai toujours eu le sentiment
que, du point de vue de ma carrière, j'étais sur le déclin ».
L'auteur va même chercher dans ses blessures les plus intimes,
évoquant par le biais de la fiction, 25 ans plus tard, la mort
prématurée de son fils Giao. Malgré tout le respect que l'on doit
à cet exercice sincère d'auto-analyse, il aboutit à un film qui a
du mal à susciter la moindre émotion, la faute en partie à un
style et des afféteries visuelles qui créent une distance, mais
surtout à un manque de profondeur des personnages : Hall Baltimore
peine à être autre chose qu'un antihéros bouffon et bouffi,
médiocre et peu attachant.
Mais
si Twixt ne parvient pas à émouvoir, son réel problème est
de ne pas se servir de son cadre de production indépendant pour
faire une proposition réellement originale. Le noir et blanc bleuté
des scènes de rêves ponctué de touches de couleur est sublime
mais, mis à part un travail sur les luminosités (le halo qui
entoure une jeune fille morte, le contraste d’une lampe à la
lumière jaune), amène peu de nouveautés par rapport à
l’esthétique de Sin city. Twixt retrouve même
finalement l’ambiance glaçante du film de Robert Rodriguez et
Frank Miller dans le récit de la mort tragique d’un groupe
d’enfants.
L’ombre
qui plane encore davantage sur le dernier film de Coppola est
cependant celle de Twin peaks, et la comparaison joue
évidemment en défaveur de Twixt. On retrouve d’abord
l’humour noir de l'œuvre de David Lynch lors des scènes se
déroulant dans le bureau du shérif ; l’influence devient
flagrante dans celle où une femme joue un air folk tandis que son
mari entame une danse inquiétante dans un décor de rideaux et tapis
rouges, ou dans l’envol angélique d’une jeune fille qui évoque
le final de Twin Peaks : fire walks with me ; enfin,
comme autrefois pour l’agent du FBI Dale Cooper, l’inspiration
vient pour Hall Baltimore de scènes rêvées. Coppola prend un
plaisir évident à jouer avec les codes du film de genre horrifique,
mais le résultat final paraît bien timide comparé aux libertés
narratives que prenaient David Lynch et Mark Frost.
En
choisissant l'angle de la carrière de Coppola, quelle place accorder
à Twixt ? La
comparaison avec les mythiques Parrain ou Apocalypse now
n'a pas vraiment lieu d'être car le film s'inscrit dans
une lignée plus expérimentale et personnelle de l'œuvre de son
auteur. On pourra par contre trouver son dernier opus décevant au
regard des propositions formelles encore stimulantes
aujourd'hui que sont Coup de cœur ou Rusty James.
En bref : pour
les amateurs de série B et ceux qui n'ont pas vu Twin Peaks
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire