03/03/2012

Something for the weekend : Bullhead, Extrêmement fort et incroyablement près

Bullhead :  4,5 / 5
Extrêmement fort et incroyablement près : 3 / 5


Premier film du cinéaste belge Michaël R. Roskam, Bullhead impressionne par sa maîtrise. La bande-annonce faisait attendre un polar formellement brillant , dans la lignée de Drive, mais le film dépasse largement le simple exercice de style en proposant la richesse d'un  "background" à ses personnages, ce qui manquait selon moi dans le film de Winding Refn. Roskam décrit son œuvre comme "une tragédie d'inspiration shakespearienne"[1] et si la référence au barde d'Avon est un lieu commun dans le genre du film noir, l'exploit réalisé est d’être à la hauteur de cette ambition. Comme dans le théâtre shakespearien, le réalisateur-scénariste a l'audace de commencer son film "in medias res", sans réelle exposition : le spectateur comprend assez vite que l'action se déroule dans le milieu de la mafia des hormones bovines, mais l'identification de tous les protagonistes et de leurs rôles prend un certain temps. Le récit ne dévoile d'abord pas tout, cultive le non-dit, et ce n'est qu'après les retrouvailles entre Jacky et Diederik autour desquels s'articule l'intrigue complexe que le voile commence à se lever sur les personnages nimbés de mystère. 

Une fois les enjeux intimes mis en place le récit se déroule de façon admirable, créant une tension constante tout en prenant des détours inattendus dont le sens n'apparaîtra que plus tard. Quelque chose dépasse les spectateurs mais aussi les personnages, une mécanique liée à l'ordre du monde propre aux tragédies. La réussite de Bullhead tient aussi à une compréhension de la présence essentielle de ressorts comiques dans les tragédies shakespeariennes : deux garagistes deviennent alors les dignes successeurs des fossoyeurs de Hamlet. Bullhead procure le plaisir rare d'un film aussi réussi sur la forme que sur le fonds, avec en prime deux acteurs exceptionnels : l'impressionnant Matthias Schoenarts, hybride entre Tom Hardy et Mads Mikkelsen, et Jeroen Perceval, qui s'impose en antihéros ordinaire.


Une autre tragédie, cette fois-ci bien réelle, celle des attentats du 11 septembre 2001, est au centre de Extrêmement fort et incroyablement près. Le film, adaptation d'un roman à succès, traite du deuil impossible par Oskar, un enfant original aux tendances surdouées, de la mort d'un père piégé dans les tours jumelles : on suit alors les déambulations de ce personnage narrateur à travers New York, à la recherche du secret qui se cache derrière une mystérieuse clef laissée par son père. Si la limite du film est un certain pathos obligé mais parfois lassant, l'investissement sans concession que l'on ressent de la part d'interprètes remarquables (Tom Hanks, Viola Davis, Sandra Bullock, le jeune mais prometteur Thomas Horn) laisse une impression globale positive. Et puis pour ceux qui n'auraient jamais vu à l’œuvre l'excellent Max Von Sydow, le film est à ne pas manquer : habitué d' Ingmar Bergman, le Suédois souvent présent dans des seconds rôles trouve enfin l'occasion de donner la pleine mesure de son talent en incarnant un vieil homme meurtri qui accompagne Oskar dans ses recherches. La relation qui se noue entre les deux personnages est un des éléments les plus beaux de ce film sensible.



[1] Propos tenus par Michaël R. Roskam dans un entretien accordé à Positif et publié dans le numéro de mars de la revue.

2 commentaires:

  1. Qu'est-ce que j'ai pu m'ennuyer devant Extrêmement fort et incroyablement près !

    Rien que le titre et l'affiche (avec un gamin aux yeux photoshopés à mort) sont déjà trop lourdement chargés de pathos à mon sens.

    La quête du jeune garçon m'a profondément ennuyé. Ca bouge beaucoup, mais il ne se passe pas grand chose.

    Et puis je pense qu'il faut aimer les enfants héros (un peu comme dans Super 8) et se sentir proche des américains pour aimer ce film parce que je me suis senti assez étranger à tout ça pour le coup !

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  2. Attention, spoilers !
    Je sors de Bullhead et wouah, quelle claque ! Ça prend aux tripes. J'ai entendu parler du film d'abord dans Premiere, et malheureusement, le journaliste a commencé sa critique en évoquant le flash-back et le terrible événement auquel est confronté Jackie. Évidemment, j'aurais préféré ne pas savoir, parce que je commençais le film en ayant déjà une certaine idée de ce qu'il se passe dans la tête du personnage. J'ai aimé le fait que l'intrigue de trafic d'hormones et l'enquête policière ne soient pas forcément au centre du film, on n'en suit pas forcément tous les tenants et les aboutissants, mais les 2 sont suffisamment développées pour ne pas juste servir de prétexte aux 'retrouvailles' de Jacky et Diederick (un personnage abominable, lâche en tous points de vue). J'ai été un peu déçue par les scènes humoristiques avec les garagistes liégeois, le changement brusque de ton m'a vraiment gênée: j'avais l'impression qu'ils n'étaient pas dans le même film ! Mais c'est vraiment le seul point négatif du film pour moi (j'avoue que je me suis bien amusée pendant la scène du fumier). Ça et peut-être le fait que les gamins ne ressemblent pas du tout aux acteurs adultes !
    Le personnage de Jacky est impressionnant, la performance de Matthias Schoenaerts époustouflante. J'ai moi aussi pensé à Tom Hardy, il joue le même type de personnage dans Warrior: un être brisé qui se cache sous une montagne de muscles et qui peut exploser à n'importe quel moment.
    Par contre, je ne comprends pas pourquoi tu fais un parallèle avec Drive ? On en reparlera...

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