23/08/2012

Du vent dans mes mollets : un ton juste et rafraîchissant

Du vent dans mes mollets : 3,5 / 5

A première vue, Du vent dans mes mollets de Carine Tardieu ne brille pas par son originalité dans le paysage cinématographique hexagonal. Le film s'inscrit dans une veine rétro semi-autobiographique à la mode dans le cinéma populaire, illustrée dernièrement par le Skylab ou Nos plus belles vacances qui ressuscitaient la deuxième moitié des années 70. En ce qui concerne la France des années 80 qui sert de cadre à Du vent dans mes mollets, on la retrouvera dans le prometteur Camille redouble de Noémie Lvovsky début septembre. Si le métrage de Carine Tardieu a suscité moins d'attentes que celui de sa consœur, il s'avère finalement une très agréable surprise.


Rachel est une petite fille de neuf ans stressée par la rentrée des classes. Jusque-là rien de bien singulier, mais les angoisses de la fillette trouvent une résonance particulière au sein d'un cadre familial hanté par la mort : entre un père rescapé d'Auschwitz (Denis Podalydès), une grand-mère diminuée qui partage sa chambre (Judith Magre) et une mère angoissée et étouffante (Agnès Jaoui), Rachel a logiquement des idées assez noires. Tout le contraire de sa nouvelle voisine de classe Valérie, un trublion à l'énergie communicative.

A partir de la rencontre entre ses deux héroïnes écolières, Du vent dans mes mollets prend le chemin d'une comédie où prime le regard des enfants sur le monde. Mais la finesse du film est de ne pas tomber dans le piège de la mièvrerie, en montrant tout ce qu'il peut y avoir d'agressif et de cruel dans les jeux d'enfants. Le charme du métrage est celui d'une fantaisie teintée d'humour noir à double tranchant. Ainsi, tandis que Rachel et Valérie rient aux éclats en mimant des ébats sexuels avec des poupées, une de leurs camarades fond en larmes et les supplie en vain d'arrêter. Loin de l'innocence, Du vent dans mes mollets joue sur l'ambivalence et les ruptures de ton : une poursuite burlesque entre une mère et sa fille sur une musique entraînante peut s'achever sur une chute brutale et douloureuse, et un silence pesant.


La gravité qui sous-tend le film trouve son expression la plus pleine dans la crise familiale provoquée par la rencontre innocente entre les fillettes. L'irruption de la mère célibataire de Valérie (Isabelle Carré) met en effet à mal le cocon ordonné par la mère de Rachel. Raphaëlle Moussafir, auteure du roman éponyme dont est adapté le film et co-scénariste, s'est probablement inspirée de ses souvenirs d'enfance mais la façon dont elle raconte avec Carine Tardieu les relations qui se nouent entre les parents des jeunes héroïnes témoigne à la fois d'une maturité et d'une absence de cynisme rafraîchissante. 

Enfin Du vent dans mes mollets est remarquable par une reconstitution d'époque soignée qui ne rentre jamais en conflit avec le naturel bluffant de tous les interprètes. Retrouver la trop rare Agnès Jaoui dans un rôle à la fois burlesque et attendrissant est un véritable plaisir, Podalydès joue avec bonheur de son détachement lunaire (déjà à l'œuvre dans le fantastique Adieu Berthe ou l'enterrement de mémé) et Isabelle Carré illumine chaque scène. Finement mis en scène, le film offre dans son dernier tiers deux très belles séquences musicales : entre la tension dramatique illustrée par une des meilleures chansons de 1980 (non je ne vous dirai pas de laquelle il s'agit) et la relecture burlesque de sa contemporaine Reality (chanson de la Boum), Carine Tardieu fait preuve d'une ambition formelle peu commune dans le cinéma de divertissement français.

En bref : du très bon cinéma tous publics, à voir en famille

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