En cette fin d'année je vous propose le décompte des 10 films qui ont marqué pour moi 2011. Ce classement est bien entendu totalement subjectif donc ne vous offusquez pas trop de l'absence de certains films que vous avez adorés au profit d'autres que vous avez détesté. Cependant je vous encourage vivement à me faire part de vos commentaires (courtois, cela va sans dire) ou de vos classements personnels (ou film préféré de l'année, en argumentant si possible).
10/ Les aventures de Tintin : le secret de la Licorne
Après les retrouvailles ratées avec Indiana Jones, Spielberg s'est racheté en nous proposant le film le plus divertissant de cette année. Une aventure au rythme endiablé qui laisse à bout de souffle, sublimée par la beauté esthétique du procédé de "performance capture" et les libertés de mise en scène qu'il permet. La séquence de l'abordage surréaliste du bateau, avec ses transitions visuelles multiples et étourdissantes tissant un lien entre l'action au passé et son récit passionné au présent, est l'expression ultime de la fluidité d'un film en mouvement constant dans lequel on embarque émerveillé.
9/ La guerre est déclarée
Un film qui se déroule en grande partie dans un hôpital et qui parvient à ne jamais verser dans le pathos, c'est l'exploit qu'a réussi à réaliser Valérie Donzelli. De l'épreuve qu'elle a affrontée avec son ancien compagnon Jérémie Elkaïm, la réalisatrice a tiré le film un des films les plus euphorisants de l'année. Traversé par le souffle de vie de la mise en scène débridée et inventive de Donzelli, La guerre est déclarée est un beau film de survie qui change des agonies hospitalières lentes et pesantes, dont Toutes nos envies était cette année un des malheureux représentants. C'est aussi la plus belle histoire de couple de l'année, comme en témoignent la merveilleuse séquence d'ouverture de bonheur à deux, entre couse effrénée dans Paris et baisers échangés à l'arrêt, ou le moment poétique d'une chanson en duo qui abolit les distances pour mettre les visages des amoureux côte à côte.
8/ We need to talk about Kevin
Un nom : Tilda Swinton. Dans ce film de Lynne Ramsay, L'actrice anglaise livre la performance de l'année en incarnant une mère qui porte le fardeau d'un enfant monstrueux et de l'acte irréparable qu'il a commis. Autour de sa superbe interprétation toute en retenue, le film construit une tension efficace, oscillant entre un quotidien devenu oppressant et une inquiétude croissante dans des flashbacks où le comportement de l'enfant devient de plus en plus agressif. Le style expressionniste de Lynne Ramsay convient parfaitement à ce récit horrifique, produisant des images sensationnelles telles le travelling avant sur une pupille dans laquelle se reflète une cible ou un salut final de Kevin glaçant. Quant aux litchis, personne ne les verra plus du même œil.
7/ A dangerous method
Certains diront qu'il ne s'agit pas du film le plus marquant de Cronenberg. Mais c'est ne pas tenir compte de sa mise en scène magistrale au service d'un sujet qui n'appelait pas à l'extravagance débridée. C'est aussi passer sous silence son charme indéniable, le romantisme paisible et envoûtant de moments de cinéma d'une belle simplicité, tels que le couple de Jung et Spielrein voguant enlacés sur un lac ou leur échange qui clôt le film, solaire et mélancolique. Et c'est oublier une prestation bluffante de ses trois acteurs principaux, Michael Fassbender en tête, aussi convaincant en intellectuel du début du siècle qu'en accro au sexe (Shame) ou qu'en mutant super-puissant et torturé (X-men : le commencement). Plus que Ryan Gosling, c'est lui l'acteur de l'année.
6/ L' Apollonide - souvenirs de la maison close
Combinant récit naturaliste de la vie des prostituées dans une maison close et envolées baroques, au bord du rêve, l'ambitieux film de Bertrand Bonello réussit miraculeusement sur les deux plans. La multitude de personnages (tous incarnés par des acteurs et actrices excellents) lui confère une épaisseur romanesque rare, au service d'une réflexion complexe sur le désir et les fantasmes. Quasi huis clos, le film trouve une respiration salutaire dans une magnifique partie de campagne ensoleillée : là les filles objets reprennent vie, rient et s'amusent. L'échange joué alors par Céline Sallette avec le client dont le visage est dessiné sur sa cuisse est un des instants les plus gais de l'année. Un moment de grâce sauvé de la tragédie.
5/ The tree of life
Le film le plus étourdissant de l'année, flux d'images extraordinaires moins dicté par une narration que par une logique mystérieuse, à la recherche d'un langage poétique. L'entreprise de Malick ne réussit pas à tous les coups, et certains ratés restent en mémoire (dont la découverte de la compassion par un dinosaure, le discours en voix off un peu naïf par moments). Cependant ces quelques faux pas sont largement rattrapés par des instants en apesanteur, magiques, de la naissance lumineuse et émerveillée d'un premier enfant au rassemblement final onirique de tous les personnages au bord d'une plage. Objet filmique non identifié, la palme d'or 2011 est tout simplement du grand cinéma.
4/ Habemus papam
On attendait un pamphlet anticlérical, Moretti livre une fable pleine d'humanité sur le pouvoir et les responsabilités qui en découlent. Après un prologue somptueux, le réalisateur italien propose deux films en un : d'un côté la comédie la plus réussie de l'année, avec ces cardinaux assignés à demeure qui doivent tuer le temps, et de l'autre le drame le plus touchant de l'année, avec un pape angoissé qui trouve une échappatoire dans un rêve de jeunesse. Généreux et servi par un Michel Piccoli au sommet et des acteurs attachants, Habemus papam est un grand film qui s'offre comme le miroir d' un monde contemporain en crise, symbolisé par le balcon au rideau rouge devant lequel le pape refuse de se présenter. Mais Moretti parvient à ne jamais verser dans un pessimisme déprimant.
3/ Le gamin au vélo
En cette période de crise économique, qui aurait cru que les frères Dardenne proposeraient leur film le plus solaire ? La relation entre Cyril et Samantha (Thomas Doret et Cécile de France épatants) est la plus belle que le cinéma nous a proposé cette année, une histoire d'amour qui passe par les gestes et les actes et n'a pas besoin d'être expliquée. Sobre et simple, Le gamin au vélo trouve dans sa forme limpide une évidence proche du néoréalisme italien. Il offre la fin la plus émouvante de l'année, parce que les Dardenne choisissent pour la première fois une issue heureuse à ce qui s'annonce comme une scène tragique, le plus bel hommage à l'amour vital qui unit les deux héros du film.
2/ Melancholia
Lars von Trier n'aura donc pas échappé à son goût pour la provocation en tenant un discours douteux lors d'une conférence de presse au festival de Cannes. Dommage car son dernier film mérite tous les éloges et est resté pendant longtemps l'événement cinématographique de cette année 2011. Une œuvre ambitieuse sur le fond puisqu'elle ne raconte pas moins que la fin du monde en deux temps, d'abord par le dérèglement d'un rite social puis à l'échelle intime ; mais aussi sur la forme, passant du baroque kitsch au réalisme brut puis à l'épure sublime. La fin apocalyptique où les personnages solidaires s'isolent sous un abri symbolique en attendant leur inévitable fin dont le grondement croissant et assourdissant laisse ensuite place au silence est la scène la plus impressionnante de l'année.
1/ Il était une fois en Anatolie
Avec ce faux récit policier qui devient errance dans la campagne turque, Nuri Bilge Ceylan signe le film le plus extraordinaire de l'année 2011, à la fois ancré dans le quotidien concret de ses personnages riches et complexes, et nimbé d'une aura métaphysique. On a beaucoup commenté (et parfois moqué) le plan insolite d'une pomme suivie alors qu'elle dévale une pente ou la grâce d'une scène où un groupe d'hommes se fait servir le thé par une apparition angélique, dans une lumière qui évoque Rembrandt. Mais selon moi la scène la plus frappante est celle où Nuri Bilge Ceylan parvient à faire communiquer les âmes de ses personnages, en jouant sur une confusion entre voix off et dialogue inscrit dans le récit. Un moment magnifique qui ne peut se produire qu'au cinéma, où le découpage ouvre sur une essence invisible et mystérieuse.