28/09/2014

Saint Laurent : un défilé de mode à la beauté vaine

2,5 / 5

Le Yves Saint Laurent de Jalil Lespert sorti en début d’année avait reçu l’approbation de Pierre Bergé, compagnon du couturier. Saint Laurent n’ayant pas reçu son aval, on s’attendait à un film libre qui prendrait ses distances avec les conventions contraignantes du « biopic ». La présence de Bertrand Bonello à la tête du projet laissait espérer une œuvre qui renouerait avec le romanesque et le lyrisme de l’envoûtant Apollonide : Souvenirs de la maison close. Si Saint Laurent respecte plutôt ces attentes artistiques, il n’en demeure pas moins décevant à plus d’un titre.



On aperçoit une silhouette mince s’avancer au guichet d’un hôtel en forte plongée, puis se présenter comme « Mr Swann », alias emprunté à l’œuvre de Marcel Proust. Filmé à contrejour, Saint Laurent fait ensuite le récit brutal de son internement dans un hôpital où il aurait développé une dépendance aux drogues. La première appoche de la figure publique se fait donc par sa voix, là où Lespert dévoilait assez vite le visage grimé de Pierre Niney. Chez Bonello, la voix traînante et sensuelle de Gaspard Ulliel introduit le spectateur à la face sombre et sulfureuse du couturier artiste. Le premier plan de face sur lui le découvre inconscient dans un terrain vague, dans une posture qui évoque le Orphée de Jean Cocteau.



Saint Laurent convoque ainsi toute une série de références artistiques mais finalement, c’est surtout l’influence de Luchino Visconti qui y est la plus frappante. Bonello reprend l’esthétique baroque et les recadrages par zooms caractéristiques des derniers films du cinéaste italien, et fait intervenir dans la dernière partie son acteur muse Helmut Berger pour le faire interpréter un Yves Saint Laurent vieillissant. Ce jeu de références cinéphiliques a beau être intriguant, il tourne malheureusement à vide et éclipse le sujet du film. Ainsi, quel intérêt réel y a-t-il à faire regarder à Helmut Berger un extrait des Damnés où il jouait plus jeune ?  Qu’est-ce que cela nous dit sur Yves Saint Laurent ?


On objectera que le métrage de Bonello, plus qu’un simple « biopic », est une réflexion sur le temps qui passe dont le climax serait un télescopage vertigineux qui mélange époques, rêve et réalité dans sa dernière partie. Le problème est qu’il y a alors bien longtemps qu’on s’est désintéressé de la figure centrale du film, énième génie dont les excès sont justifiés par la grandeur de son œuvre. Saint Laurent fait l’effet d’une belle coquille vide et peine à donner la moindre chair à la galerie des personnages qui gravitent autour du couturier, souvent à peine esquissés. A vouloir éviter les pièges des biopics trop explicatifs, Bonello apporte trop peu d’éclairages sur la vie de Saint Laurent et son film ressemble à un clip brillant étiré sur deux heures. En assistant au défilé final (très long) des créations de Saint Laurent, on se demande quelle est la valeur ajoutée de cette séquence par rapport à un film d’entreprise ou une retransmission de « Fashion TV ».


Certes Saint Laurent arrive à impressionner par moments par sa maîtrise formelle mais son absence de réel récit en fait en bout de ligne une œuvre vaniteuse et peu sympathique. Les biographies extraordinaires réalisées par Ken Russell dans les années 70 ( La Symphonie pathétique, Le Messie sauvage, Mahler ) parvenaient à être de véritables œuvres d’art atypiques tout en mettant à l’honneur les artistes dont elles retracaient les destins de manière iconoclaste. C’est ce souffle qu’on aurait aimé retrouver dans le dernier métrage de Bertrand Bonello qui ne parvient malgré son esbrouffe qu’à susciter l’indifférence.

06/09/2014

Hercule : une modeste réussite loin des exploits herculéens

3 / 5

On attendait Hercule avec une trépidation modérée, histoire de voir Dwayne Johnson dans la peau du demi-dieu grec. L’ancien catcheur star a fait du chemin depuis se premiers pas dans Le Retour de la Momie et Le Roi Scorpion il y a dix ans, pour devenir l’acteur le plus lucratif de 2013. Cet aspect « bankable » est entièrement justifié pour l’ « action hero » le plus marquant de ces dernières années. Johnson possède le physique de l’emploi, en plus d’une autodérison qui le rend immédiatement sympathique. Quant à ses compétences d’acteur, son charisme et son intensité de jeu « fun » à regarder compensent largement ses limites.



Arnold Schwarzenegger des années 2000, Johnson a d’autant plus de mérite à avoir acquis ce statut qu’il s’est imposé seul, sans le concours des cinéastes ayant le talent de James Cameron ou John McTiernan. Hercule ne change pas cette donne : aux manettes du film, on retrouve Brett Ratner, réalisateur alternant les comédies (la série des Rush Hour) et les blockbusters de genres divers (Dragon Rouge, X-men : l’Affrontement final), un artisan honnête du système hollywoodien sans réel génie. On embarque donc pour ce qui s’annonce un péplum d’aventures décomplexé.

Le montage introductif de Hercule fait un peu peur. On assite en effet à une complilation expéditive des fameux douze travaux du héros éponyme condensés en un récit avec voix off. Cependant ce résumé est vite interrompu par la réaction incrédule de l’auditeur du récit, méchant patibulaire qu’un captif essaie d’effrayer par l’ineventaire de ces exploits. Convoqué par sa légende, Hercule arrive bientôt, sa silhouette imposante émergeant progressivement des ombres. Si cette entrée est réussie, elle est aussi théâtrale, et le spectateur découvre bientôt l’artifice derrière la force surhumaine du héros mythologique. Se réfugiant derrière l’écran d’une barricade, le supposé fils de Zeus se fait aider par une bande pour régler leur compte à ses opposants. Le projet au cœur du film est posé efficacement dans cette première scène ; il s’agit d’une déconstruction du mythe de Hercule dans une optique réaliste.



Certains spectateurs pourront se considérer alors volés sur la marchandise. Cependant ce que le film perd en affrontements titanesques contre des créatures fantastiques (déconstruites au même titre que  son héros éponyme), il le gagne en finesse dans une réflexion sur la puissance des mythes. Hercule est une figure messianique entourée de disciples, dont le rôle, plutôt que d’agir individuellement, est d’inspirer les foules qu’il rencontre, de leur donner une force collective. Le récit trouve une tension efficace entre cette image positive et le passé traumatisant qui hante le héros. A la fois convaincant en chef de troupe et en homme torturé, Dwayne Johnson se sort avec les honneurs du rôle le plus dramatique de sa carrière.


Hercule est donc moins bas du front que sa bande-annonce l’avait laissé présager. Cependant Brett Ratner et ses scénaristes n’en oublient pas pour autant de divertir le public. En plus de deux scènes de batailles épiques, le film trouve un équilibre efficace entre esprit de sérieux et légèreté. Dans le registre comique, Ian McShane est ainsi impeccable en voyant fataliste. On regrettera une résolution approximative et schématique qui privilégie l’action et le spectaculaire à la logique narrative, mais autrement Hercule est un « blockbuster » qui remplit son modeste contrat.

02/09/2014

Critique "Z32" (DVD)

4 / 5




Critique "Léviathan"

4 / 5




Article publié le 21 juillet 2014 sur CineChronicle.

Critique "Hippocrate"

4 / 5




Critique publiée le 1er septembre 2014 sur CineChronicle.

Critique "22 Jump Street"

4 / 5



Article publié le 22 juillet 2014 sur CineChronicle.

Critique "The Raid 2"

3 / 5




Article publié le 23 juillet 2014 sur CineChronicle.

Les Combattants : l'engagement artistique

4 / 5

L’énergie enthousiasmante du premier film de Thomas Cailley peut se résumer à un simple choix, celui de l’action. Plutôt que de s’inscrire dans une tendance psychologisante majoritaire dans le cinéma d’auteur français, Les combattants met en scène des personnages qui foncent, agissent à l’instinct avant de réfléchir. Le film trouve dans ce parti pris une fraîcheur et une drôlerie qui tracent la voie galvanisante d’un cinéma d’auteur populaire.


Les combattants commence sur le terrain familier dans le cinéma hexagonal de la chronique sentimentale. Alors qu’il vient de perdre son père, Arnaud fait la rencontre de Madeleine. Soit le scénario typique  du « boy meets girl », avec cependant quelques renversements inattendus. Aux antipodes du stéréoype de la fragilité féminine, Madeleine (Adèle Haenel) fait preuve d’autorité et de détermination tandis que la douceur et la sensibilité sont le lot d’Arnaud (Kevin Azaïs). Cette inversion des rôles attendus a valeur d’égalité des sexes et montre bien ce en quoi Thomas Cailley est en phase avec son époque, dressant le tableau d’une jeunesse angoissée par un avenir incertain à l’échelle individuelle ou planétaire. De la peur de la fin du monde Les combattants tire une urgence dans l’action qui coupe court à la romance de vacances pour s’aventurer sur le genre peu commun en France du film militaire.

Surprenant et ambitieux, le récit proposé par Thomas Cailley traverse donc différents genres, de la comédie sentimentale à la Robinsonade. On sent chez l’auteur un désir de cinéma insatiable, une envie de partir à l’aventure avec le spectateur. Le risque d’une telle diversité narrative est un caractère inégal auquel Les combattants n’échappe pas complètement, et ce malgré une maîtrise formelle remarquable. Plutôt que de souligner l’énergie et l’action au cœur de son film par une caméra portée, Thomas Cailley favorise les longs plans et les compositions travaillées à contrecourant du naturalisme des frères Dardenne en vogue dans le cinéma d’auteur. Belle alternative au cinéma réaliste et social, son film s’inscrit du côté de la fable et de l’imaginaire lié à la majesté de ses décors naturels.



Au-delà de son esthétique originale, c’est son couple de héros atypique qui donne aux Combattants sa force et sa cohérence. Le réalisateur a confié son intention de construire le film autour de ses protagonistes, et l’engagement des deux acteurs choisis pour les incarner était alors crucial. Le contrat est largement rempli, Kevin Azaïs et Adèle Haenel nous donnant à voir le couple cinématographique le plus marquant de cette année. Le discret Azaïs, en héros sympathique et mesuré, s’oppose à Haenel dont l’intensité et la présence exceptionnelles collent à l’énergie revêche et angoissée de Madeleine. Racontée avec délicatesse, leur relation nous montre de manière inattendue que l’apprentissage de la douceur et de la patience est essentiel à la survie. Ce n’est pas la dernière des leçons à retenir de ces Combattants qui bouleverse avec efficacité les idées reçues et statu quos.