30/04/2014

Brèves d'avril : Noé


3 / 5


Les deux précédents films de Darren Aronofsky, The Wrestler et Black Swan, formaient une sorte de dyptique, dressant les portraits individuels de deux individus possédés par leur passion (le catch d’un côté, la danse de l’autre). Après ces deux productions indépendantes, on retrouve avec surprise le réalisateur à la tête Noé, mastodonte industriel au budget de 100 millions de dollars, soit 10 fois plus que Black Swan et 20 fois plus que The Wrestler. Pourtant, si on regarde un peu plus loin, le dernier long métrage d’Aronofsky n’est pas sans évoquer son œuvre maudite The Fountain, projet ambitieux rejeté par le public et la presse. On y retrouve une même atmosphère fantastique teintée de mysticisme, mais là  où The Fountain se révélait in fine agaçant de prétention et kitsch, Noé s’en sort plutôt mieux. 

Au départ, Aronofsky déstabilise par ses choix artistiques : des costumes aux créatures proches de l’ « heroic fantasy » qui peuplent le film, le cinéaste crée un univers visuel peu conventionnel. Il donne ainsi au récit biblique qu’il adapte un caractère atemporel, et situe intelligemment son récit du côté de la fable et de l’allégorie. Au-delà du spectacle des effets spéciaux, Noé présente un réel intérêt dans la noirceur assumée de son atmosphère (visions morbides, cannibalisme, déluge meurtrier). Au centre du film, la figure patriarcale et autoritaire assez ambivalente de Noé est incarnée par un Russell Crowe d’une belle intensité autour duquel gravite un casting plus inégal.

Brèves d'avril : Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu ?


2,5 / 5


Avec ses 3 millions d’entrées, Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ? semble destiné à être le Bienvenue chez les Chtis ou le Intouchables de 2014. En prônant le métissage et dénonçant avec humour le racisme ordinaire, le film de Philippe de Chauveron dresse un tableau optimiste de la France d’aujourd’hui qui lui confère un statut de « feel good movie ». Si l’ensemble est sympathique et que le message est inattaquable, on pourra cependant émettre des réserves. 

Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ? n’est pas mauvais mais assez prévisible, toutes les blagues jouant sur un seul et même registre, si bien qu’on y sourit souvent mais qu’on y rit assez peu, faute de réelles surprises. Surtout la multitude des personnages fait que la plupart d’entre eux restent à l’état d’esquisses, voire de caricatures (en premier lieu la fille artiste maniaco-dépressive qui peint des tableaux lugubres). Le but primordial d’une comédie n’est certes pas d’offrir une profondeur psychologique, mais un minimum de développement aurait rendu les personnages plus attachants et moins interchangeables. Dans l’état, Christian Clavier et Pascal N’Zonzi ont les rôles les plus intéressants, et une belle dynamique se crée entre les deux acteurs dans la dernière partie du film.

Brèves d'avril : Need for Speed

2,5 / 5




A n’en pas douter, Dreamworks table avec l’adaptation au cinéma de la série de jeux vidéo Need for Speed sur un succès pareil  à Fast an Furious. La bande annonce léchée sur « Butterflies and Hurricanes » de Muse, d’une efficacité redoutable, laissait présager du meilleur. Malheureusement, si le carton au box office est assuré, le film de Scott Waugh laisse une impression très mitigée. 

Là où la licence Fast and Furious a su réaliser pour ses deux derniers opus une alchimie réjouissante entre fun et action, Need for Speed peine à faire jubiler son spectateur. Certes le métrage part avec le désavantage de ne pas avoir le charismatique Dwayne Johnson à son casting, mais cette absence aurait pu être compensée par la présence d’un Michael Keaton déchaîné qui s’en donne à cœur joie en organisateur de courses automobiles. Le problème de Need for Speed tient d’abord à sa partie introductive interminable qui met en place les éléments du récit principal de vengeance. Se voulant plus sérieux que Fast and Furious, le film introduit un arrière-plan social qui tombe à plat à force d’empiler les clichés éculés, au lieu de tisser les liens entre les personnages de façon satisfaisante. Lorsqu’elle intervient, la tragédie au cœur du prologue manque alors sérieusement de crédibilité, et sa mise en scène à coup de ralentis n’arrange rien. 

Le tout s’améliore un peu une fois la partie principale de l’intrigue lancée, mais Need for Speed souffre d’une alternance artificielle entre gravité et humour. Les pitreries auxquelles se livrent les personnages secondaires cohabitent mal avec des accidents de voiture d’une violence assez réaliste. Les erreurs de justesse d’acteurs qu’on a vu bien meilleurs ailleurs (surtout Aaron Paul) tiennent probablement au caractère schizophrène d’un film qui s’éparpille à vouloir gagner sur deux  tableaux contradictoires.  Au bout de ses 2 heures excessives, Need fo Speed a offert son lot de courses spectaculaires mais ces dernières compensent tout juste un récit très approximatif.

19/04/2014

Captain America, Le soldat de l'hiver : le superhéros face aux angoisses de l'Amérique

3,5 / 5

Il y a deux ans la première phase des adaptations de Marvel au cinéma avait trouvé son point d’orgue avec le mégablockbuster Avengers, d’une efficacité redoutable. Depuis, Marvel Studios a poursuivi sur sa lancée avec un Iron Man 3 assez oubliable et un Thor : le monde des ténèbres qui trouvait le souffle épique qui faisait défaut au premier opus. Bien implantés dans le paysage cinématographique hollywoodien, il faut bien reconnaître que les films de superhéros s’installent dans une certaine routine. Dans ce contexte on ne trouvera pas grande originalité à Captain America : le soldat de l’hiver, mais le film des frères Russo a le mérite de se positionner comme concurent direct à Avengers comme meilleure production Marvel.


Le premier Captain America introduisait un protagoniste intéressant au destin atypique aux accents tragiques : la mort rôdait autour de Steve Rogers et touchait ses proches (du mentor au compagnon de guerre), avant que lui-même se sacrifie et soit projeté hors de son époque. L’effacement relatif du personnage dans Avengers, au profit de la superstar Tony Stark, du mastodonte Hulk et du dieu Thor le plus proche de l’antagoniste du film Loki, était prévisible mais n’en causait pas moins une petite frustration.

Réalisant les promesses du premier opus, Captain America : le soldat de l’hiver développe habilement le rapport entre Steve Rogers et le 21ème siècle où il se retrouve plongé. A partir de cette situation de départ, le film s’amuse d’abord du décallage entre le héros et son époque avant d’en jouer efficacement pour des effets autrement plus dramatiques : le héros appartient à un passé glorieux muséifié dont la mémoire disparaît peu à peu, comme l'illustre une scène très touchante entre Steve et son amour d'antan.



Le héros de guerre des années 40 a beau trouver dans un vétéran de la guerre en Irak un frère d’armes, il n’est plus à sa place dans un monde où les conflits ouverts ont laissé place aux machinations souterraines. Captain America : le soldat de l’hiver, dans une ambiance qui n’est pas sans évoquer celle des 3 jours du Condor (la présence de l’illustre Robert Redford n’y est pas pour rien), emprunte alors intelligemment au polar d’espionnage. Du côté de l’intrigue, le film des Russo l’emporte ainsi largement sur Avengers, impressionnant mais finalement un peu simpliste.

Si Captain America : le soldat de l’hiver passionne par son récit qui fait écho aux dérives sécuritaires de l’Amérique (dans la lignée du Patriot Act et de la surveillance par la NSA), il se révèle néammoins moins efficace dans ses phases d’action. Quelques passages sont très réussis (l’attaque spectaculaire d’une voiture en plein centre ville, l’évasion de Captain America du quartier général du SHIELD), mais la longue scène d’action finale manque de la précision chorégraphique et de l’imagination qui était à l’œuvre dans Avengers. On pourra aussi regretter quelques choix regrettables, en premier lieu celui d’une Veuve Noire peu intéressante en partenaire du héros là où on aurait aimé en savoir plus sur la « voisine » de Steve Rogers, qui gagnera probablement en importance dans le prochain film de la franchise.

Plus finement écrit et ambigu que Avengers, porté par un Chris Evans remarquable avec à ses côtés des valeurs sûres telles que Samuel L. Jackson et Robert Redford, Captain America : le soldat de l’hiver remplit pleinement son contrat. Le métrage n’est certes pas tout à fait à la hauteur de la complexité du matériau original dont il est inspiré, mais cette simplification en fait aussi un divertisssement accessible à tous, lecteurs de comics comme néophytes.