30/01/2014

Le vent se lève : entre terre et ciel

4 / 5

Hayao Miyzaki est sans conteste un des géants du cinéma contemporain : grâce à lui, le manga a gagné ses lettres de noblesse sur la scène internationale avec des merveilles telles que Princesse Mononoké ou Le voyage de Chihiro. C’est dire si son dernier film était attendu, depuis son précédent long métrage Ponyo sur la falaise en 2008 (l’auteur avait cependant entretemps signé quelques scénarios pour des productions de son studio Ghibli). A la sortie de Ponyo le réalisateur japonais avait confié son intention de passer le flambeau, ce qu’il fait notamment avec son fils Goro ( Les Contes de Terremer, La Colline aux coquelicots ). 5 ans plus tard, Le vent se lève tient le rôle difficile d’être l’oeuvre ultime signée Hayao Miyazaki, selon les propres dires de son auteur. A 72 ans, après 11 films, Hayao Miyazaki peut se retirer sereinement de la scène cinématographique en laissant derrière lui quelques chefs d’oeuvre, mais qu’en est-il de son film testament ?


Entre les années 20 et 30, Le vent se lève retrace le destin de Jiro Horikoshi, ingénieur en aéronautique créateur des chasseurs bombardiers zéro utilisés par les Japonais durant la seconde guerre mondiale. Cependant, s’éloignant de la biographie littérale à laquelle se limite souvent le « biopic », Miyazaki mêle ce récit historique au roman de l’écrivain contemporain  de l’époque Tatsuo Hori intitulé Le vent se lève, dont la protagoniste est une femme atteinte par la tuberculose. « Le vent se lève, il faut tenter de vivre » est par ailleurs un vers de Paul valéry cité dans le texte original par les protagonistes du film. A ce réseau d’influences il convient d’ajouter la part autobiographique du film pour Miyazaki, qui se retrouve aussi bien dans la passion pour l’aviation que dans les différents messages qu’il semble adresser au spectateur à l’occasion de séquences de rêves. 

Le vent se lève est donc un film à la structure complexe, à la différence des précédentes oeuvres de Miyzazaki dont les récits clairs trouvaient plutôt leur richesse dans des niveaux de lectures multiples. L’auteur a lui-même exprimé des appréhensions quant à la nature de son projet, à l’opposé des précédents films de Ghibli < dans un entretien accordé en 2010 à la revue « Positif », et publié dans le numéro 635 de janvier 2014 > . Le spectateur n’est pas embarqué dans Le vent se lève comme il pouvait l’être dans Porco Rosso, Princesse Mononoké, Le voyage de Chihiro ou Le château ambulant. S’il est prévisible de moins retrouver le sens du merveilleux et de l’aventure dans un récit plus réaliste et intimiste, il convient d’évoquer une certaine frustration produite par le film. 


Les multiples facettes du Vent se lève donnent parfois l’impression d’une narration fragmentaire qui sacrifie certains éléments au profit d’autres, et pas les plus intéressants à mon sens. J’ai ainsi eu du mal à m’intéresser à la partie européenne du Vent se lève, que Jiro se rende en Allemagne ou rencontre un intellectuel allemand dans une pension japonaise ; alors que le personnage de la soeur de Jiro ou son collègue ingénieur, bien qu’intéressants, me semblent sous-exploités. Globalement, après une ouverture prometteuse sur un court épisode de la jeunesse de Jiro aspirant à voler (magnifique fondu qui superpose le visage de l’enfant aux étoiles) et une séquence de tremblement de terre impressionnante, j’ai eu de la peine à rentrer dans la première heure du film. La deuxième partie du film me semble bien plus réussie : en trouvant un véritable coeur narratif dans la relation  amoureuse entre Jiro et Naoko, le récit trouve aussi sa tonalité, celle d’un romantisme tragique. Lors de la scène de mariage, la magie à laquelle Miyazaki nous a habitué opère : après l’apparition merveilleuse d’une mariée fantôme à la beauté diaphane, les touches d’humour apportées par les témoins du mariage donnent à la scène un caractère touchant et familier. Le vent se lève est parsemé de tels moments merveilleux (magnifiques séquences de vol) qui rachètent facilement les creux du récit.

Enfin, la beauté des dessins subjugue une fois de plus. Sous influence impressionniste, comme le suggèrent les peintures de Naoko, Miyazaki dépeint la nature avec une finesse incomparable, qu’il s’agisse de nuages aux myriades de couleurs, de forêts aux détails foisonnants ou même du vent invisible. Allant plus loin dans sa logique esthétique, le réalisateur va jusqu’à réaliser des bruitages à la bouche, notamment ceux des moteurs d’avion. Et quoi de plus naturel, pour ces machines qui sont l’incarnation de nos rêves, comme l’explique l’ingénieur italien Giovanni Battista Caproni à Jiro dans une scène onirique. Il lui explique aussi que chaque artiste ou ingénieur doit profiter au mieux des 10 ans de pic créatif qui lui sont échus. Le maître japonais de l’animation l’a fait mentir en ayant construit une oeuvre admirable sur plus d’une trentaine d’années. 


27/01/2014

Mes 10 rendez-vous au cinéma pour 2014


The Grand Budapest Hotel de Wes anderson (sortie le 26 février)


Wes Anderson peut donner l’impression de tourner en rond, dans une attitude de dandy  metteur en scène réutilisant à l’envi son style d’une forme impeccable mais un rien lassante (de Rushmore à Moonrise Kingdom, en passant par La famille Tenenbaum ou La Vie aquatique). Néanmoins,  son dernier opus, Moonrise Kingdom, était un de ses opus les plus réussis, et le casting luxueux de The Grand Budapest Hotel en fait un rendez-vous incontournable.


Captain America, le soldat de l’hiver de Joe et Anthony Russo (sortie le 26 mars)


A ma grande surprise, j’avais bien aimé le premier volet des aventures du super-héros étoilé, un peu sous-utilisé et en retrait dans The Avengers (mais que pouvait-il faire face à Robert Downey junior?). On peut parier que le film sera par rapport à son prédécesseur ce que Thor : le monde des ténèbres a été à Thor : une suite plus spectaculaire et ambitieuse, débarrassée d’un récit d’origines souvent laborieux. Le fait que le film soit inspiré d’un arc narratif du comic book acclamé par les critiques et les fans laisse également augurer du meilleur.


Need for speed de Scott Waugh (sortie le 16 avril)


Suite à la disparition tragique de Paul Walker , la sortie de Fast and Furious 7, plaisir coupable attendu, est reportée à 2015. En attendant, on se consolera avec cette adaptation d’une série de jeux vidéos à succès, qui a l’air d’être un film d’action visuellement spectaculaire avec une intrigue de vengeance assez basique mais efficace.


 The Raid 2 : Berandal de Gareth Evans (sortie le 16 avril)


The Raid de Gareth Evans était un film d’action intense, violent et jouissif. La bande-annonce de sa suite laisse entrevoir un récit plus ample, peut-être moins évident à maîtriser que le dispositif de huis clos efficace du premier opus. Mais si l’on en croit les premiers échos très élogieux de la projection du film au festival de Sundance, tous les espoirs sont permis. Néanmoins, à déconseiller aux âmes sensibles, a priori.


X-men : days of future past de Bryan Singer(sortie le 21 mai)


Maintenant que X-men : le Commencement et dans une moindre mesure Wolverine : le combat de l’immortel ont relancé la franchise des mutants de Marvel Comics, X-men : Days of Future Past a tout l’air d’une apothéose. Si la base solide de l’arc narratif original du comic book adapté est un gage d’espoir pour les fans, le retour de Bryan Singer aux commandes (qui a signé le meilleur film de la série avec X2) a de quoi réjouir également. Et surtout, le métrage est l’occasion de réunir le casting le plus époustouflant de l’année : Ian McKellen, Patrick Stewart, Hugh Jackman, James McAvoy, Michael Fassbender, Hugh Jackman, Jennifer Lawrence et l’exceptionnel Peter Dinklage, pour ne citer qu’eux !


Under the skin de Jonathan Glazer (sortie le 25 juin)



Je guetterai le film de Glazer en partie parce que l’idée de caster Scarlett Johansson en extraterrestre prédatrice sexuelle me paraît excellente, et surtout parce que la bande-annonce laisse présager un ovni à l’ambiance hallucinatoire et lynchienne. Oui, David Lynch au cinéma me manque…


Les gardiens de la galaxie  de James Gunn (sortie le 13 août)


Je n’ai jamais lu la série de comics dont le film est adapté et pour l’instant peu d’éléments ont filtré sur ce troisième projet Marvel de 2014. Cependant, la promesse d’une aventure galactique et épique et la présence d’un raton laveur extraterrestre aux gros flingues (avec la voix de Bradley Cooper) parmi les personnages principaux suffisent amplement à provoquer mon enthousiasme. J’attends des Gardiens de la galaxie d’être le film le plus « fun » de 2014, ni plus ni moins.


Hercule de Brett Ratner (sortie le 27 août)


Comme je l’ai rappelé plus haut, il n’y aura finalement pas de Fast and furious cette année. Chaque occasion de voir l’inénarrable Dwayne Johnson  dans d’autres films sera donc à guetter, et en premier lieu cet Hercule. Tant pis si le film est réalisé par un faiseur peu inspiré d’Hollywood, voir l’ancien catcheur devenu « action hero » charismatique incarner le demi-dieu grec est un événement à ne pas manquer.


Interstellar de Christopher Nolan (sortie le 5 novembre)


La trilogie Batman bouclée, la saga Superman lancée, Christopher Nolan peut revenir à des projets plus personnels. Le teaser d’ Interstellar ne dévoile pas grand chose, mais il est bon de rappeler que les deux derniers films réalisés par Nolan à partir d’histoires entièrement conçues par lui-même sont Memento et Inception. On est impatients de voir ce qui fera suite à ces deux réussites majeures.


Le Hobbit : histoire d’un aller et retour de Peter Jackson (sortie le 17 décembre)


Le deuxième volet des aventures de Bilbo n’a pas eu les honneurs de faire partie de mon top 10 de 2013, mais était à la hauteur de celui qui l’a précédé. La conclusion du Hobbit devrait en toute logique clôre de façon épique et merveilleuse un divertissement de grande qualité, et mettre un point final à une trilogie qui, combinée au Seigneur des anneaux, constitue la meilleure saga de films d’aventure du 7ème art (ce statut ne peut raisonnablement revenir à Star Wars, la faute à une « prélogie » au mieux inégale).


Hors catégorie : le film que je suis impatient de revoir

Only Lovers Left Alive de Jim Jarmusch (sortie le 19 février)


Vu à Cannes l’année dernière, le dernier film de Jim Jarmusch est d’ores et déjà un candidat sérieux au titre de meilleur film de 2014. D’une classe folle, Only Lovers Left Alive met en scène un des couples les plus beaux vus au cinéma depuis longtemps, des immortels romantiques incarnés par un Tom Hiddleston et Tilda Swinton dignes des plus grandes icônes pop. A la fois légère et d’une grande intelligence, cette comédie mélancolique redonne ses lettres de noblesse à une figure vampirique assez malmenée dernièrement.

25/01/2014

2013 en 10 films (5-1)

5- Wadjda


Premier film tourné en Arabie Saoudite, Wadjda dépeint une société aux mains d’hommes qui ne laissent que peu de libertés d’expression aux femmes ; sa réalisatrice, Haifaa Al Mansour, a du ainsi en diriger les scènes d’extérieur à distance, dissimulée dans une camionnette. Mais il serait réducteur de limiter ce métrage attachant à un simple pamphlet, pour indispensable qu’il soit : d’abord parce que loin de tout manichéisme, le film décrit avec une grande finesse les rapports homme / femme dans l’Arabie Saoudite ; et surtout parce que Wadjda nous touche en contant l’aventure ordinaire d’une enfant pas si éloignée de nous qui rêve juste de pouvoir s’acheter une bicyclette comme les garçons.

Points forts : un message d’espoir magnifique sur l’indépendance à venir de femmes opprimées, la plus belle séquence finale de l’année


4- Le Congrès


5 ans après Valse avec Bashir, étonnant dessin animé documentaire, Ari Folman est revenu cette année avec un métrage à la forme tout aussi originale et passionnante. Film live puis dessin animé aux couleurs chatoyantes, Le Congrès gagne sur les deux tableaux, proposant un univers de science-fiction fascinant où les acteurs de cinéma vendent leur image de façon irrémédiable. A-t-on encore besoin des interprètes (souvent bien trop payés, comme l’a si bien fait remarquer Vincent Maraval)? Le retour éblouissant de Robin Wright dans un premier rôle est-il le chant du cygne d’une race en voie de disparition? Peu probable, et tant mieux, tant la force émotionnelle du Congrés repose sur son actrice principale.

Points forts : deux scènes d’une beauté bouleversante : une où Robin Wright montre toute la palette de son expressivité avant d’être absorbée par l’obscurité, et la renaissance finale où l’actrice choisit enfin sa place


3- Snowpiercer : le Transperceneige


J’attendais avec une appréhension les films des génies coréens Park Chan Wok et Bong Joon Ho. Si le premier s’est fait mettre sous cloche par Hollywood, comme le suggère le générique de son Stoker brillant par intermittences et finalement assez ennuyeux,  le deuxième se sort avec les honneurs de l’exercice périlleux du film au casting international. Snowpiercer bénéficie d’une mise en scène inventive, d’une interprétation exemplaire (Song Kang-Ho toujours phénoménal, Chris Evans intense, John Hurt impérial, Tilda Swinton géniale dans le grotesque) et d’un rythme effréné. Petit bémol : si le film explore avec délectation les zones d’ombre d’un scénario post-apocalyptique et fait preuve d’une énergie sauvage renversante, le retour relatif à l’ordre lors de la dernière partie, pas mauvaise mais trop explicative, est décevant. 

Point fort : la confrontation du groupe d’insurgés avec des hommes cagoulés, mise en scène avec une inventivité bluffante


2- Blue Jasmine


A force de proposer imperturbablement un film par an, Woody Allen peut provoquer une lassitude, et ses dernières réussites tenaient de la balade agréable (en Espagne pour Vicky Christina Barcelona, dans Paris et le passé pour Minuit à Paris), loin du niveau d’accomplissement de ses chefs d’oeuvre polyphoniques et ambitieux des années 80 (Hannah et ses soeurs ou Crimes et délits). Diamant noir, Blue Jasmine est un véritable retour en force de son auteur, assisté par une Cate Blanchett extraordinaire qui mérite toutes les récompenses. Ce qui fait aussi le prix de cette comédie d’une férocité réjouissante, c’est la lucidité de Woody Allen qui nous dévoile ce qui sous-tend la logorrhée inépuisable  qui caractérise nombre des personnages qu’il a incarné : la folie.

Point fort : l’explosion désespérée de l’héroïne incarnée par Blanchett confrontée au départ son mari, une scène d’une intensité émotionnelle rare chez Woody Allen


1- Cloud Atlas


On n’attendait plus grand chose des Wachowski, et voilà qu’accompagnés de Tom Tykwer  ils livrent le film le plus stimulant de l’année, une oeuvre somme à l’image du roman dont elle est adaptée. Film en costumes, drame, comédie, thriller, film de science-fiction, Cloud Atlas est tout cela à la fois, mêlant miraculeusement une multitude de récits dans un ensemble esthétique cohérent, au moyen de montages parallèles qui relèvent de la prouesse. Le message final a beau être un peu convenu, le plaisir ludique procuré au spectateur par ce film total tient à sa folle ambition et à l’enthousiasme communicatif des acteurs (Tom Hanks avec son accent cockney est un sommet comique). Osant le kitsch et un mélange des genres jubilatoire, Cloud Atlas a l’étoffe des films culte dont on pardonne tous les défauts.

Point fort : difficile d’extraire un récit de cette symphonie époustouflante, mais ma préférence va à celui mettant en scène le compositeur du Cloud Atlas Sextet

24/01/2014

2013 en 10 films (10 -6)

10- The Grandmaster 


Le dernier film de Wong Kar-Wai a les honneurs de figurer dans ce top, mais il s’agit néanmoins du film le plus frustrant de l’année. Le métrage a beau être visuellement sublime, le récit des vies des légendes du kung fu Ip Man et Gong Er laisse le spectateur sur sa faim, tant des pans entiers de la narration semblent manquer, laissant notamment de côté un troisième protagoniste au potentiel narratif inexploité. Poème sensoriel envoûtant, pareil à une rêverie d’opium, The Grandmaster aurait bénéficié d’une structure narrative et d’enjeux plus clairement définis. Restent des personnages  charismatiques qui stimulent l’imagination, et un souffle lyrique digne des plus grands Sergio Leone.

Point fort : une dernière partie, construite autour de la dernière rencontre entre Ip Man et Gong Er, d’une beauté mélancolique saisissante


9- Les Garçons et Guillaume, à table ! 


Le premier film de Guillaume Gallienne, adapté de son spectacle, a été le succès français surprise de l’année avec plus de 2 millions d’entrées. Nul doute que le talent de l’acteur et l’originalité du propos de son récit ont créé un phénomène de bouche-à-oreille favorable, bien mérité. Bénéficiant d’un texte soigné, Les Garçons et Guillaume, à table ! est une comédie globalement réjouissante, à laquelle on pardonne une ou deux facilités (la scène avec Diane Kruger à la station thermale, un peu « grosse » tout de même). Là où la comédie française est souvent cynique, Gallienne livre un autoportrait certainement romancé mais d’une sincérité rafraichissante, qui se dévoile sur sa fin comme un hommage vibrant.

Point fort : Guillaume Gallienne, fabuleux acteur-narrateur


8- A Touch of Sin 


Balade passionnante à travers une Chine en proie aux tensions sociales, le film de Jia Zhang Ke propose quatre récits inspirés de faits divers violents. Si A touch of Sin ressemble au final plus à un recueil de courts métrages qu’à un long métrage homogène (peu de liens sont tissés entre ses parties), ce défaut est compensé par la force individuelle de chaque épisode. Le tableau très noir et assez glaçant, qui aurait été pesant sur a longueur, est sauvé par un ton tragi-comique (dans le premier récit avec l’ancien mineur, dans un autre avec une parade militaire grotesque) ou des élans lyriques surprenants (un feu d’artifice éblouissant, une charmeuse de serpents).

Points forts : le tableau ambitieux d’un pays en crise, la grandeur romanesque donnée aux protagonistes ordinaires des quatre récits


7- Gravity


On lui prédit une flopée d’oscars, et à raison. Par la seule force de sa mise en scène, Alfonso Cuaron parvient à créer une immersion époustouflante dans l’espace, faisant oublier toute la logistique qui a permis la création des images sublimes qu’il donne à voir au spectateur. Film techniquement impressionnant, offrant la 3D la plus convaincante à ce jour, Gravity a aussi le culot de dissimuler ses deux stars glamour sous des combinaisons d’astronautes pendant près d’une heure, ne nous faisant percevoir ses personnages que par leur seule voix. Si je suis pour ma part resté un peu extérieur au récit, que j’ai trouvé un peu trop basique et répétitif, je reconnais volontiers que l’aboutissement esthétique du film de Cuaron en a fait l’expérience cinématographique incontournable de l’année.

Points forts : un brio de mise en scène à couper le souffle, l’image de Sandra Bullock s’éloignant dans l’obscurité de l’espace (déjà un des plans les plus marquants de l’histoire du cinéma)


6- Le géant égoïste


Dans le géant égoïste, comme dans le très bon Fish Tank il y a quelques années, les chevaux représentent un rêve de fuite impossible d’un marasme social implacable : on voit là planté le décor de tout un pan du cinéma anglais, dans la lignée de Ken Loach. Le premier film de Clio Barnard retrouve un peu de la beauté désespérée de Kes, un des premiers films de Loach qui mettait en scène un jeune adolescent dont les deux jeunes protagonistes du géant égoïste sont en quelque sorte les héritiers. Peinant à s’intégrer au système scolaire, Arbor et Swifty préfèrent subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs mères désemparées en récupérant (ou en dérobant) des métaux pour le ferrailleur Kitten. D’une grande dureté, le film de Barnard prend à la gorge, dresse le tableau d’un monde impitoyable où la tendresse et la compassion n’ont plus de place. Le tout est cependant sauvé de l’austérité par l’énergie de ses deux interprètes principaux et le regard profondément humaniste de sa réalisatrice qui nous offre le dénouement le plus émouvant de l’année. Soyez prévenus, vous finirez en pleurs.

Point fort : un duo de jeunes héros inoubliables