06/09/2016

Toni Erdmann : à la recherche du bonheur

4,5 / 5

George Miller et son jury ont choisi de ne pas distinguer Toni Erdmann au dernier festival de Cannes. Le film de l’allemande Maren Ade n’est pas reparti les mains vides pour autant puisqu’il s’il s’est vu décerné le prix de la critique internationale. Cette distinction reflète bien l’état de ravissement dans lequel elle a laissé son public sur la Croisette, allant des éclats de rire aux applaudissements en pleine projection. Et il est effectivement difficile de résister au charme de ce métrage qui fait souffler un véritable vent de fraîcheur dans le cinéma d’auteur.


Le premier atout du film, c’est le personnage de Winfried. Campé par un Peter Simonischeck irrésistible, cet allemand sexagénaire prône une liberté d’expression qui s’embarrasse peu de concepts tels que la bienséance et le politiquement correct. S’il s’affranchit des règles, c’est par l’intermédiaire de son alter ego Toni Erdmann, hilarant bouffon vulgaire. L’excellente idée du film est de faire se rencontrer ce pendant burlesque avec le monde codifié et impitoyable des affaires internationales où travaille la très sérieuse fille de Winfried, Ines (Sandra Hüller).

Il est bien sûr réjouissant de voir l’intrus poil à gratter dire leurs quatre vérités aux représentants du capitalisme à outrance, de les parodier en se faisant l’avocat du diable. Mais l’originalité et la force du film de Maren Ade viennent de sa capacité à faire naître l’émotion derrière la satire. La réalisatrice/scénariste alterne moments comiques et dramatiques, et l’absence de toute musique dramatisante permet de basculer imperceptiblement  d’un registre à l’autre, voire de les mêler. L’interprétation habitée d’une chanson de Whitney Houston est à ce titre un des sommets du film, à la fois bouleversant et grotesque par son caractère excessif, et Sandra Hüller porte admirablement cette ambiguïté.



La durée conséquente de Toni Erdmann est essentielle au portrait d’un très beau duo père-fille qui nous devient de plus en plus attachant au fur et à mesure qu’on les voit chacun évoluer de leur côté. D’une construction magistrale, le scénario alterne les points de vue de ses deux protagonistes afin de raconter avec toutes les nuances possibles leurs deux évolutions psychologiques. L’enjeu du récit est certes dans un premier temps de faire sortir Ines de sa logique de contrôle, mais l’inconséquence des jeux mis en place par Winfried possède sa part de violence et n’est pas sans dommages collatéraux. Le lâcher prise proposé en guise de résolution, d’une liberté euphorique, est de ce point de vue d’autant plus convaincant qu’il n’est pas prémédité et advient par accident. Avec Toni Erdmann Maren Ade nous encourage donc à jouer et à ne pas nous prendre trop au sérieux, mais au final surtout à la spontanéité.  


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