19/01/2012

Millenium - Les hommes qui n'aimaient pas les femmes : Salander, Lisbeth Salander

 Millenium - Les hommes qui n'aimaient pas les femmes : 4 / 5

Pourquoi faire une nouvelle adaptation des best-sellers de Stieg Larsson, 3 ans à peine après la version produite par la Suède ? La raison évidente est bien sûr économique, Hollywood ne pouvant ignorer les bénéfices financiers engendrés par la transposition de romans à succès à l'écran, d'autant plus que le public américain est peu enclin à aller voir des films étrangers sous-titrés. De la même façon, les droits de Bienvenue chez les Ch'tis ou Intouchables ont été achetés et leurs versions américaines sont en préparation. La roublardise financière du projet posée, il convient de constater que le mettre dans les mains de David Fincher était loin d'être une mauvaise idée : la noirceur et la violence des romans de Larsson n'est pas sans évoquer l'ambiance  angoissante de Seven. Cette nouvelle version est-elle pour autant convaincante?



Rappelons l'intrigue en quelques mots, pour ceux qui n'auraient ni lu les romans, ni vu la version suédoise. Mikaël Blomkvist, journaliste déchu suite à un scandale médiatique, se voit proposer par un riche industriel retraité, Henrich Vanger,  d'enquêter sur la disparition de sa nièce 40 ans auparavant ; le film suit en parallèle le quotidien mouvementé de Lisbeth Salander, hacker et détective privée taciturne qui avait été engagée par le commanditaire de Blomkvist pour réunir des informations sur lui. A partir de cette situation de départ se développe une intrigue complexe et macabre impliquant viols, tortures et cadavres mutilés. La noirceur de ce polar qui explore le mal sans détours ne conviendra évidemment pas à tous les publics, mais cette violence est intrinsèque au discours d'un roman qui dénonce les violences subies par les femmes. L'atmosphère poisseuse du film est annoncée dès un générique de début hallucinant, magma monochrome de parties de corps recouverts de pétrole : on pense aux ouvertures rituelles des James Bond, et la présence de Daniel Craig en Mikaël Blomkvist ne fait que renforcer cette association. Passée cette accroche visuellement débridé, le film s'offre paradoxalement comme assez sobre au niveau de sa mise en scène, alors que la version suédoise jouait d'effets de mise en scène appuyés. Fincher parvient également à mieux rendre les ambiances, surtout dans sa description de l'île isolée et au climat glacial où Blomkvist s’installe pour mener l'enquête : un cadre angoissant, comme hanté par le drame originel vécu par la famille Vanger. Entre flashbacks reconstituant l'après-midi qui a vu disparaître Harriett Vangler et mise en scène plus précise, la version américaine trouve davantage d'ampleur et de rythme.


Qu'en est-il du personnage emblématique de la saga de Larsson, Lisbeth Salander? L'atout majeur de la version de Niels Arden Oplev était Noomi Rapace et si Rooney Mara ne démérite pas elle ne fait pas oublier l’extraordinaire performance de sa prédécesseuse. Mais le film de Fincher présente l'avantage dans son discours féministe d' accentuer l'importance de Lisbeth : Blomkvist, malgré les traits de Daniel Craig, est un sorte d'anti-Bond, un antihéros ordinaire qui grelotte réfugié dans son abri et grimace quand on lui fait des points de suture. Si son efficacité d'enquêteur est correcte, elle fait pâle figure face à Lisbeth douée d'une mémoire extraordinaire : on pourrait alors comparer le couple de héros au célèbre duo Holmes-Watson. Lisbeth est un personnage hors du commun, un ange noir vengeur et implacable, ou du moins c'est ainsi qu'elle se présente maquillée à un tortionnaire misogyne. La beauté de sa rencontre avec Mikaël tient alors à ce quelle accorde à nouveau sa confiance à un homme. [spoiler] Et la chute du film n'en est est que plus tragique pour elle. Alors que la version d'Olsen se concluait sur l'image de Lisbeth souriante, indépendante et forte dans le cadre ensoleillé d'une plage fortunée, celle de Fincher la laisse figure de l'ombre, s'effaçant dans la nuit pour laisser place à sa rivale dans le coeur de Mikaël. L'ange vengeur est aussi une femme seule en quête d'affection, et cela ne la rend que plus fascinante.

Ci-dessous, l'avis informé et différent d'un spectateur interviewé à la sortie d'une séance :


3 commentaires:

  1. Juste une remarque sur ta critique, le nom de famille est Vanger, pas Vangler :)
    C'est un détail, mais je ne suis pas trop d'accord quand tu parles d'ambiance poisseuse, je dirais plutôt que c'est une atmosphère glaciale: le brouillard, les grandes maisons froides et glaçantes par leur luxe impersonnel, l'impeccable propreté apparente, le vent qui s'immisce partout...
    En ce qui concerne Lisbeth, j'ai trouvé moi aussi Noomi Rapace excellente, mais dans le premier film, j'ai trouvé qu'elle était trop douce. Rooney Mara est plus dans le côté chat sauvage décrit par le roman. Et pour Blomkvist, c'est vrai qu'il a un côté plus "fragile", et c'est une véritable nouveauté pour Lisbeth: son père est un monstre, elle subit un viol, et elle se retrouve face à un homme qui n'a pas peur de montrer sa vulnérabilité et qui ne la considère jamais comme lui étant inférieure. Il est fasciné par sa personnalité, admire son intelligence, et c'est elle qui lui sauve la vie. C'est peu courant dans la littérature et le cinéma occidentaux... J'ai lu un article dans la presse après avoir vu le film, où la compagne de Stiegg Larsson réagissait à des propos tenus par Rooney Mara: Mara a dit que Lisbeth n'était pas féministe, ce que la compagne de Larsson trouve complètement absurde car pour elle, Lisbeth est clairement féministe. Pour ma part, je suis assez d'accord avec Rooney Mara : même si les livres sont en effet féministes, Lisbeth ne l'est pas: elle ne brandit pas d'étendard politique et ne fait pas forcément plus confiance aux femmes qu'aux hommes.
    Désolée pour le commentaire interminable, faut croire que ta critique m'a inspirée !

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    1. Merci pour ton commentaire. Je corrige tout de suite pour les noms, ça m'apprendra à trop faire confiance à ma mémoire. Pour l'ambiance je maintiens le "poisseux" pour la première partie du côté de Lisbeth.

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  2. Pour la partie Lisbeth, je suis un peu plus d'accord :)

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