22/02/2012

La dame de fer : de l'art de brasser du vide inoffensif

La dame de fer :  1 / 5

Margaret Thatcher est assurément un des personnages politiques les plus marquants du siècle dernier : première femme à être arrivée au pouvoir en Europe, sa longévité à la tête du gouvernement britannique (11 ans) reste à ce jour inégalée. C'est dire si un film sur cette figure historique controversée, appliquant avec brio un néolibéralisme qui a redressé l'économie britannique mais aussi ennemi juré d'une majorité de la classe ouvrière dont elle a affaibli durablement les syndicats, présentait un intérêt certain. Certes, le choix de placer Phillyda Lloyd (Mamma Mia!) aux manettes du projet était pour le moins curieux, mais la présence de Meryl Streep dans le rôle titre promettait une performance d’anthologie. 

 
Autant le dire tout de suite, le résultat est un ratage complet. Pourtant La dame de fer a de nombreux points communs avec J.Edgar, défendu sur ce blog : le commentaire comparatif des deux films permettra de mettre mieux en avant les défauts du film de Lloyd. Les deux œuvres offrent un point de vue narratif similaire, celui d'un personnage autrefois puissant affaibli par la vieillesse, qu'il soit aux portes de la mort (J.Edgar) ou en perte de contact avec le réel (La dame de fer). La prédilection accordée à cet espace privé où ces figures publiques du pouvoir sont montrées dans leur humanité fragile est le point de départ de portraits intimes. Avec en commun des deux "biopics" la description d' individus qui privilégient le travail à la cellule familiale : ainsi la demande en mariage maladroite de Hoover à Helen Gandy aboutit à l'embauche plus naturelle de la jeune femme comme secrétaire, et Dennis Thatcher fait sa demande au quartier général de campagne de sa fiancée après sa première défaite électorale, comme un tremplin pour sa carrière politique. Peu de place laissée aux sentiments dans la vie de ces deux personnages définis avant tout par leur vie publique et politique. Alors lorsque ces derniers refont surface, c'est naturellement dans les excès, comme la présence du fantôme du compagnon qui hante la Thatcher vieillissante ou le travestissement de Hoover en la mère qui l'a défini.


            
Cependant là où le film d'Eastwood trouvait dans l'homosexualité refoulée de Hoover l'origine de sa paranoïa et de son obsession du contrôle, les sphères publiques et intimes de la vie de Thatcher ne résonnent jamais entre elles. Tout au plus a-t-on droit à une brève dispute où Dennis reproche à sa femme sa soif de pouvoir. Il y aurait donc un problème de cohérence dans le film de Loyd, qui nous raconte dans un film le quotidien d'une Margaret Thatcher vieillissante et fait dans l'autre le récit de son ascension politique et de sa chute. Enfin, c'est beaucoup dire, car le film survole hélas le contexte de l'Angleterre des années 70 et 80, présent à l'arrière-plan mais jamais explicité. C'est que le film de Lloyd se veut apolitique, décrivant le parcours de la femme Thatcher plus que celui du leader libéral ; le problème étant que Thatcher est définie par son œuvre politique et qu'il reste alors très peu de matière au film. J.Edgar racontait avec détail la recherche des kidnappeurs du fils de Charles Lindbergh, quête héroïque et médiatisée logiquement mise en avant par le patron du FBI dans ses mémoires ; La dame de fer ne s'attarde finalement que sur la guerre des Malouines, décrite de manière mécanique sans enjeu dramatique. 


C'est que là où Eastwood est un metteur en scène classique mais brillant, Lloyd use d'effets inutiles voire ridicules (les ralentis hideux qui suivent les attentats de l'IRA, le départ final de Dennis) au lieu de laisser la place aux acteurs. Meryl Streep et Jim Broadbent, acteurs chéris à juste titre, ont très peu d'espace où s'installer dans ce film sans rythme, où leurs personnages sont réduits à des surfaces vides et caricaturales : la performance de Streep est alors réduite à une numéro d'imitatrice un peu vain. Le film se voulait apolitique, il est au final sans saveur et sans intérêt, faute de véritables point de vue et enjeux.


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