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En 2001, les journalistes du Boston Globe sont dans
l’expectative avant l’arrivée imminente de leur nouveau patron originaire de
Floride, Martin Baron (Liev Schreiber). Robby Robinson (Michael Keaton) et son
équipe de « Spotlight » semblent devoir être les premiers concernés
par ce changement. Alors qu’ils avancent à tâtons sur une enquête au long
cours, Baron leur demande de reconcentrer tous leurs efforts sur la suite d’un
article accusant le cardinal de Boston d’avoir étouffé une histoire de
pédophilie impliquant un prêtre. Commence alors une investigation dont les
répercussions se feront sentir à l’échelle nationale et mondiale.
Dans la course aux Oscars, Spotlight fait un peu figure d’ « outsider », après
être reparti bredouille des Golden Globes. Pourtant il s’agit bien là de ce que
le cinéma américain peut offrir de meilleur, alliant une richesse de fond à un
art du récit subjuguant. Tom McCarthy et son co-scénariste Josh Singer tirent
le meilleur parti de la multitude de détails ayant entouré l’enquête de Spotlight
pour offrir l’expérience d’immersion la plus complète pour le spectateur. On
peut donc en premier lieu admirer le travail impressionnant de documentation
des auteurs qui sont allés à la rencontre des différentes personnes impliquées
dans l’affaire, journalistes mais aussi victimes ou avocats. Cette matière est ensuite
sublimée par un sens de la synthèse et de l’organisation narrative
exceptionnels. Rythmé par des dialogues à la précision virtuose et de discrets
mouvements de mise en scène qui insufflent un véritable dynamisme, Spotlight enchaîne les séquences harmonieusement,
passant d’un personnage à l’autre sans que le spectateur perde jamais le fil du
récit.
Si le film passionne de bout en bout, c’est parce qu’il met bien en
valeur tout ce que l’affaire de Boston contient de complexité. Très active
socialement, venant en aide aux plus démunis, l’église catholique était bien
implantée dans la ville et sa culpabilité impliquait une profonde remise en
cause, ce qui peut expliquer le silence qui entourait les crimes perpétrés par
ses prêtres. A partir de cette situation, McCarthy crée une tension dramatique
constante dans une atmosphère de méfiance et de paranoïa. Le suspens est
d’autant plus intense qu’au-delà des obstacles politiques on assiste aux
difficultés de mise en place d’un article de journal, allant de la vérification
laborieuse des faits et des sources aux décisions de plannings éditoriaux. Spotlight nous rappelle que faire
éclater la vérité au grand jour a beau être nécessaire d’un point de vue éthique,
c’est loin d’être une entreprise aisée.
Raison de plus pour rendre hommage au travail des journalistes de « Spotlight » mis à l’honneur par des acteurs au sommet de leur art. Ayant souvent rencontré et étudié ceux qu’ils incarnent, les interprètes livrent des prestations soufflantes de vérité, débarrassées de tout glamour hollywoodien et débordant d’autant plus d’humanité. McCarthy et Singer ne jugent quant à eux jamais les intervenants de l’affaire, chacun étant en proie à ses propres conflits et doutes. Leur choix d’éviter une quelconque reconstitution de scènes de crimes illustre bien la rigueur morale de Spotlight. On ne connaîtra au final les faits que par les récits bouleversants des victimes, à l’exception d’une brève rencontre troublante avec un des prêtres coupables d’attouchements. Evidemment cette violence nous révolte à juste titre, mais s’en prendre directement à leurs auteurs individuels est moins important que la remise en cause du système qui la dissimule et la protège. Spotlight nous parle d’un journalisme qui sait prendre de la distance et de la hauteur, qui ne se contente pas de relayer les informations sans regard analytique. A l’heure où domine dans les médias et sur internet la course aux gros titres tapageurs et au "buzz", il y a là beaucoup à méditer.
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