12/02/2016

Chocolat : un artiste exceptionnel sorti de l'oubli

3 / 5

En France, à la fin du dix-neuvième siècle. Le clown George Footit a bien du mal à convaincre. Après que son numéro ait été refusé par un cirque, il découvre parmi la troupe de ce dernier un artiste noir qui joue les cannibales. Impressionné par sa présence physique et son jeu, George lui propose de former un duo comique. Footit et Chocolat rencontrent vite le succès, et emmènent jusqu’à Paris leurs numéros innovants de clown blanc et Auguste noir.


L’acteur Roschdy Zem s’était lancé dans la réalisation en 2006 avec Mauvaise Foi, comédie modeste mais réussie qui traitait avec justesse de l’union à mixité religieuse. Plus ambitieux, son deuxième métrage Omar m’a tuer proposait une reconstitution efficace de l’affaire Omar Raddad portée par l’interprétation puissante de Sami Bouajila. Production encore plus ample, Chocolat impose finalement Zem comme un représentant du cinéma français populaire de qualité.



On peut rapprocher la réussite artistique du métrage de celle du Marguerite de Xavier Gianolli sorti l’année dernière. Ces deux portraits d’artistes méconnus (un peu à raison il est vrai pour l’aristocrate incarnée par Catherine Frot) procurent le même plaisir du romanesque propre au film d’époque en même temps  qu’ils offrent des pistes de réflexion sur l’art et son rapport avec la société. La clef des destins tragiques décrits par les deux films tient finalement au décalage de perception entre les interprètes et leur public. Alors qu’elle s’imagine avoir un réel talent de chanteuse lyrique, Marguerite est en réalité la risée des milieux bourgeois ; Chocolat, de son vrai nom Rafael Padilla, se fait des illusions en pensant pouvoir s’élever au dessus de son rôle de clown souffre-douleur pour devenir un acteur de théâtre respectable. Chocolat a d’abord pour belle vocation de rappeler l’existence de ce premier artiste noir à avoir connu le succès en France, à une époque où le racisme ordinaire et colonialiste s’affichait encore dans les expositions universelles.



Attaché au projet du film dès ses premières phases de production, Omar Sy se montre à la hauteur de son rôle le plus complexe à ce jour, faisant aussi bien appel à son énergie comique qu’à un registre dramatique nuancé. A ses côtés James Thierrée, homme de théâtre et circassien, livre une prestation saisissante : il campe un Footit austère et  ambigu qui garde jusqu’à la fin du métrage une part de mystère fascinant. Le duo d’acteurs fait des étincelles lors des séquences de représentation mises en scènes par Thierrée, où le film prend son envol. On est souvent ravis par leur virtuosité burlesque, mais c’est aussi au détour de ces divertissements d’apparence anodine que peuvent se jouer en quelques regards et gestes la naissance du succès ou le début de la chute.  

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