Batman v Superman - L'Aube de la Justice : 3,5 / 5
Daredevil : 3,5 / 5
Peut-on vraiment
prendre les super-héros au sérieux ? La question mérite d’être posée tant
la réussite critique et publique du modèle des films proposés par les studios
Marvel tient à une décontraction devenue le cœur des Gardiens de la galaxie ou Ant-Man.
Les séries Netflix Daredevil et Jessica Jones ont construit de leur côté un univers plus réaliste, à l’ambiance
proche du polar, une direction confirmée avec la deuxième saison de
l’ « homme sans peur ».Globalement très bien accueillies, ces
productions montrent qu’il y a bel et bien une place sur le marché pour un
traitement plus sombre des super-héros. C’était déjà la voie choisie par Zack
Snyder et DC avec Man of Steel,
poursuivie dans un Batman v Superman :
l’Aube de la Justice qui a suscité des réactions pour le moins mitigées. La
Distinguée Concurrence et Warner aurait-ils donc tout faux face à Marvel ? La comparaison de la deuxième
saison de Daredevil et du dernier méga blockbuster mondial va nous permettre d’y voir plus
clair.
Pour arbitraire qu’elle puisse paraître, la mise en parallèle entre ces deux objets audiovisuels est justifiée par l’auteur dont s’inspirent leurs deux récits, Frank Miller. Au début de sa carrière dans les années 80, le scénariste-dessinateur a travaillé à plusieurs reprises sur Daredevil, faisant de Wilson Fisk (alias le Caïd) son antagoniste de prédilection et créant le personnage d’Elektra ; il a également complètement redéfini le personnage de Batman dans sa mini-série dystopique The Dark Knight Returns pour en faire le héros sombre tel qu’il est perçu dans l’imaginaire collectif aujourd’hui. Si ces deux œuvres sont devenues des incontournables de la bande dessinée, leurs mérites sont bien différents, et il en va de même pour Daredevil et Batman v Superman, tous deux fidèles à l’esprit de leur matériau original.
Du côté de Matt Murdock, Miller a tissé un des récits les plus complexes des comics en terme de psychologie et d’émotions, dans un registre volontiers intimiste et humaniste, tandis que The Dark Knight Returns a impressionné par sa richesse thématique, sa construction formelle audacieuse et son iconographie héroïque spectaculaire. La qualité principale de la série Netflix est ainsi la caractérisation solide de ses multiples personnages, permise par la durée. Les scénaristes Chris Terrio et David S. Goyer proposent quant à eux dans la première heure de Batman v Superman un film réflexif et ambitieux, alternant les différents points de vue et mélangeant les niveaux de réel à travers les rêves/flashbacks/visions de Batman/Bruce Wayne, et le style baroque de Zack Snyder iconise parfaitement ses héros symboliques.
Partant de ces
bonnes intentions, les deux films sont-ils pour autant à la hauteur des chefs d’œuvre
de Miller ? Si ces adaptations sont loin d’être mauvaises, elles ne sont
clairement pas aussi abouties et présentent toutes deux des défauts bel et bien
visibles. Pour Batman v Superman on
peut regretter le caractère bicéphale du film dans son ensemble, les différents
fils narratifs savamment entremêlés dans un premier temps étant laissés de côté
pour un dernier acte efficace dans son aspect spectaculaire mais assez basique.
La transition entre ces deux parties est sans conteste le point faible du film,
recourant aux raccourcis narratifs et aux clichés du genre pour justifier l’affrontement
attendu entre les deux monstres sacrés de DC Comics. Daredevil, de par son format plus long, bénéficie du temps nécessaire
à poser correctement ses intrigues et les nouveaux personnages centraux que
sont le Punisher et d’Elektra. Malheureusement la série échoue au final à faire
rejoindre de façon pleinement satisfaisante ses récits qui s’écrivent en
parallèle.
Aussi bien Batman v Superman que la deuxième saison de Daredevil souffrent d’un effet de
trop-plein. Le film de Snyder remplit bien son contrat de présenter Batman,
campé par un Ben Affleck excellent qui s’impose comme la meilleure incarnation
du héros à l’écran, et d’introduire une Wonder Woman intrigante qui gardera une
bonne part de mystère jusqu’au long métrage qui lui sera consacré l’année
prochaine. L’établissement en bonne et due forme de ces deux figures marquantes
de la pop culture nuit hélas au temps de présence à l’écran d’un Superman
relégué au second plan, et la mission d’introduire les membres de la Justice League amenés à les
rejoindre dans les films à venir est quant à elle franchement bâclée. De même
John Bernthal et Elodie Yung sont impeccables, respectivement dans le rôle du
Punisher et d’Elektra, mais l’élargissement de l’univers de Daredevil donne une impression de
dispersion et relègue certains protagonistes cruciaux à l’arrière-plan, en
premier lieu l’associé de Matt Murdock Foggy Nelson. Ce défaut est d’autant
plus dommageable qu’encore une fois la série est à son meilleur lorsqu’elle
explore la profondeur psychologique de ses personnages et par conséquent leur
traitement expéditif devient vite une faiblesse d’écriture sensible.
Propositions
toutes les deux louables dans leur ambition et réussies sur de nombreux points,
Batman v Superman et Daredevil ne sont donc pas sans failles.
A qui ira donc l’avantage ? Cela se joue à peu de choses, mais en ce qui
me concerne à la Distinguée Concurrence de Marvel, pour une question de
ressenti. Le métrage de Zack Snyder a pour lui de tenter des choses, de prendre
des risques et des libertés quitte à se fourvoyer, notamment dans la
caractérisation discutable d’un Lex Luthor déséquilibré. La seconde saison de Daredevil n’apporte quant à elle pas
grand chose de neuf par rapport à la première livraison, jusqu'à reprendre quasiment
tels quels des effets de mise en scène : ainsi l’affrontement en plan
séquence qui clôt le troisième épisode de cette saison est un écho évident et
un rien artificiel à la scène du couloir qui concluait le deuxième épisode de la
précédente. Malgré sa construction bancale, Batman
v Superman l’emporte surtout par un climax haletant là où le dernier
épisode de Daredevil offre une
résolution assez mal orchestrée, en deçà de la qualité globale de la série, comme cela avait été le cas pour la première saison.
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