3,5 / 5
Il fut un temps où la critique
prenait fait et cause pour Terry Gilliam, le soutenant lors du fameux bras de
fer avec Universal qui refusait de sortir Brazil.
30 ans plus tard, Zero Theorem est
selon une bonne partie de la presse l’œuvre hideuse d’un artiste fatigué qui
n’a plus rien à dire. Au contraire, le dernier film de Gilliam confirme selon
moi, après la réussite de L’ Imaginarium
du docteur Parnassus, un retour du réalisateur au meilleur de sa forme,
prêt à se lancer à nouveau dans la production de son projet maudit, L’homme qui tua Don Quichotte.
Il y a un air de famille évident
entre Brazil et The Zero Theorem, qui traitent tous deux du destin d’un individu
dans une dystopie policière orwellienne : la paperasserie et la
bureaucratie ont simplement laissé la place à la surveillance via les réseaux
numériques et les caméras omniprésentes. Sam Lowry s’échappait en rêvant, Qohen
Leth (Christoph Waltz) se connecte dans des mondes artificiels. Probablement
conscient des similitudes des deux récits, Gilliam s’autocite dans des
saynètes, qu’il s’agisse d’un duo d’hommes de main qui débarquent chez notre
antihéros tels les employés envahissants de Central Services, ou de l’irruption
d’une livreuse de pizzas qui rappelle celle d’une livreuse de messages
dans Brazil.
La fixation sur ses ressemblances n’est pas à l’avantage de Zero Theorem, qui n’arrive pas à la
cheville de son illustre prédécesseur, chef d’œuvre de la science-fiction et
plus grande réussite de son auteur.
Sur le fond, Zero Theorem peut donc se lire comme un remake non officiel disant
l’épuisement de l’inspiration de Gilliam, mais ce ne serait ne pas prendre en
compte sa forme. On retrouve l’esthétique baroque et kitsch propre au cinéaste,
qui a fait dire à beaucoup que le film est laid ; Gilliam n’hésite pas
encore une fois à commettre des fautes de goût, mais on est très loin de la
laideur fade qu’a pu proposé Cronenberg dans Maps to the Stars. Le bric à brac visuel a ici l’avantage d’être
assumé et de s’inscrire dans un style cohérent, à même de rendre aussi bien
l’effervescence colorée d’une fête vulgaire que la tristesse du sanctuaire dans
lequel se retranche Qohen, ou l’artificialité de carte postale d’un monde
virtuel. Zero Theorem est même l’un
des films les plus maîtrisés de Gilliam, le budget restreint alloué au film
ayant poussé l’auteur à aller à l’essentiel : des films comme Le baron de Munchausen ou Las Vegas Parano, s’ils étaient
l’occasion pour le réalisateur de laisser libre court à sa créativité visuelle
débordante, échouaient en terme de récit construit là où le recentrage sur la
trajectoire individuelle de Qohen structure efficacement Zero Theorem.
Emprunt de la noirceur et du
pessimisme caractéristique de l’œuvre de Terry Gilliam, Zero Theorem pourra être resenti comme un récit déprimant à la
conclusion frustrante. Il convient malgré tout de noter la légéreté bienvenue
qu’amène chaque apparition de Mélanie Thierry, au jeu naturel atypique dans le
cinéma de Gilliam. Alors que l’énergie
des films de l’auteur tenait jusqu’à maintenant de l’hystérie cartoonesque, le
vent de fraicheur inattendu apporté par l’actrice revitalise son cinéma et
offre l’espoir que le soleil ne s’est pas encore couché sur la carrière (profondément
inégale, mais qui force aussi l’admiration) d’un artiste intègre.
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